Des précisions relatives à la rupture conventionnelle

Rupture du contrat par Secteur des Affaires juridiques

La rupture conventionnelle a entraîné, malgré un encadrement légal certain (entretiens préalables, droit de rétractation, homologation...), quelques contentieux. Ici, la Cour de cassation s’est penchée sur une transaction signée ultérieurement à la conclusion d’une rupture conventionnelle et dans laquelle un salarié protégé renonçait à toute contestation. La Cour de cassation a par ailleurs précisé que seul le juge administratif est compétent lorsque la rupture conventionnelle a été conclue avec un tel salarié.

C’est par un arrêt du 26 mars 2014 que la Cour de cassation délivre un éclairage attendu sur la difficile articulation entre les notions de rupture conventionnelle et de transaction (Cass. soc, 26 mars 2014, N° 12-21136, FP-P+B+R).

Rappelons que la rupture conventionnelle (RC) est l’alternative au licenciement et à la démission, c’est une convention signée, par l’employeur et le salarié, qui atteste de leur consentement mutuel pour rompre le contrat de travail (art. L 1237-11 et suivants du Code du travail).

La transaction est un contrat par lequel un employeur et un salarié préviennent ou mettent fin, par des concessions réciproques, à toutes contestations résultant de cette rupture (art. 2044 et suivants du code civil).

De par l’objet propre à la transaction, la Cour de cassation interdit la conclusion de convention, qui aurait pour double objet de rompre le contrat de travail et de transiger (Cass. ch. mixte, 12 février 1999, n° 96-17468).

Dans l’affaire du 26 mars 2014, la Cour de cassation réaffirme ce principe et pose deux conditions de validité d’une transaction faisant suite à une rupture conventionnelle : celle-ci doit être postérieure à l’homologation ou à la notification de l’autorisation de l’inspecteur du travail lorsque la rupture concerne un salarié protégé [1]. De plus, l’objet de la transaction doit porter sur un différend relatif à l’exécution du contrat de travail et non pas sur un différend relatif au principe même de la rupture du contrat de travail.

Les Hauts magistrats rappellent par là même que, lorsque la rupture conventionnelle est signée entre un salarié bénéficiant d’une protection et un employeur, l’appréciation de la validité de la rupture ne peut être effectuée par le juge judiciaire, et ce, même si l’on est en présence d’un éventuel vice du consentement, du fait du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs [2].

En l’espèce, un salarié, délégué syndical et conseiller prud’hommes, signe avec son employeur une convention de rupture le 9 juin 2009. Conformément à l’article L 1237-15 du Code du travail, cette convention est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail, celui-ci autorisant la rupture le 1er septembre 2009, qui sera notifiée aux parties le 3 septembre 2009. Le salarié et l’employeur concluent une transaction le 4 septembre 2009, transaction qui porte sur le renoncement du salarié « à l’ensemble de ses droits, actions et prétentions dont il pourrait disposer au titre de la rupture de son contrat de travail en contrepartie du versement d’une indemnité ». Le salarié saisit alors la juridiction prud’homale afin que la transaction soit annulée, au motif que cette dernière avait été conclue avant l’autorisation émise par l’inspecteur du travail. La cour d’appel compétente refuse de conclure à l’annulation de la transaction puisque, selon cette dernière, d’après les termes de la transaction l’intéressé renonçait à engager une action judiciaire en rapport avec la rupture des relations de travail en contrepartie du versement d’une indemnité, et qu’aucun élément ne permet de conclure au fait que la transaction ait été conclue avant la délivrance de l’autorisation par l’inspecteur du travail.

La Cour de cassation censure ce raisonnement et pose pour principe que lorsqu’un salarié et un employeur concluent une rupture conventionnelle et que ces derniers souhaitent transiger, la convention de transaction n’est valable que si deux conditions sont réunies :

 que cette dernière intervienne postérieurement à l’homologation de la rupture conventionnelle par l’autorité administrative, ou postérieurement à la notification aux parties de l’autorisation par l’inspecteur du travail si la transaction concerne un salarié protégé ;

 qu’elle ait pour objet de régler un différend relatif à l’exécution du contrat de travail et non pas relatif à la rupture du contrat de travail.

Les Hauts magistrats estiment que puisque la convention de transaction signée par l’employeur et le salarié avait pour objet de régler un différend relatif non pas à l’exécution du contrat de travail mais à sa rupture, la cour d’appel aurait dû conclure à la nullité de la transaction.

En outre, la Cour de cassation soulève un moyen d’office concernant la compétence du juge judiciaire. La rupture conventionnelle ayant été conclue par un employeur et un salarié protégé, la validité de la rupture résulte de l’autorisation délivrée par l’inspecteur du travail.

De ce fait, et conformément au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, la Cour de cassation considère que le juge judiciaire n’avait pas à analyser la validité de la rupture conventionnelle, quand bien même la contestation portait sur un vice du consentement, puisque la validité de ladite rupture résultait d’une décision administrative.

À la suite des récentes décisions contestables de la Cour de cassation rendues récemment sur les conditions visant à garantir le consentement mutuel des parties (Cass. soc., 29 janvier 2014 N°12-24539, PB ; N°12-25951, PB ; N°12-27594, PB ; N°12-22116, PB), cette dernière a souhaité sécuriser la pratique de la transaction en cas de conclusion d’une rupture conventionnelle. Ce phénomène, de plus en plus courant, se devait d’être encadré et explicité par la jurisprudence, c’est désormais chose faite.

De plus, la cour confirme la compétence exclusive du juge administratif lorsqu’une décision d’un inspecteur du travail est délivrée, et ce, quand bien même le litige concerne un vice du consentement, ce qui est habituellement la compétence du juge judiciaire. Cela n’est pas sans rappeler la décision concernant l’inaptitude du salarié protégé du fait du harcèlement de son employeur (Cass.soc., 27 novembre 2013, N° 12-20301, P+B+R). Là encore, la logique voudrait que le juge judiciaire rende une décision de fond sur le litige en question, mais l’autorisation de l’inspecteur du travail rend le juge administratif automatiquement compétent.

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Notes

[1Salarié bénéficiant d’une protection particulière, notamment en cas de licenciement.

[2En France, principe interdisant aux tribunaux de l’ordre judiciaire de connaître des litiges concernant l’administration, dont les actes peuvent être contestés devant une juridiction distincte.