En annonçant la prochaine suppression de la...

Fiscalité - Aveuglement par David Rousset

En annonçant la prochaine suppression de la cotisation sociale relative aux allocations familiales, François Hollande a rejoint le palmarès bien fourni des dirigeants politiques qui croient aux vertus des allégements sur ce que les libéraux appellent « charges sociales ».

La logique présidentielle est simple : c’est en allégeant le coût du travail que les entreprises regagneront des parts de marché, qu’elles embaucheront, que le chômage diminuera et que la France sortira de la crise. Simple en apparence, cette petite musique d’inspiration libérale n’a qu’un seul défaut : l’Histoire lui donne tort. Voilà en effet longtemps que plusieurs gouvernements ont cru qu’en allégeant les cotisations sociales, ils allaient susciter des embauches. À partir des années 1990, les pouvoirs publics instaurent des allégements sur les emplois à temps partiel (Aubry), puis, à partir de 1993, sur les bas salaires (Fillon), c’est-à-dire ceux compris entre une et 1,1 fois le Smic. Revenue aux affaires en 1997, la gauche procède alors à un allégement massif pour aider les entreprises à passer aux 35 heures. Censé être temporaire, celui-ci est redéployé par François Fillon en 2003 sur les salaires compris entre une et 1,6 fois le Smic d’abord, puis jusqu’à 1,3 et 1,6 fois le Smic.

Dit autrement, les différents gouvernements se shootent aux allégements de cotisations sociales, une drogue qui crée manifestement une forte accoutumance car elle fait augmenter les doses à chaque fois. Pour quel résultat ?

Si on observe l’évolution du taux de chômage, on s’aperçoit que ses fluctuations n’ont guère de rapport avec l’entrée en vigueur des différents allégements, mais plutôt avec la situation économique. Du reste, pas besoin d’être prix Nobel d’économie pour comprendre qu’en période de faible croissance –moins de 1,5% de hausse du PIB– le chômage augmente, tandis qu’il baisse en période de croissance économique. Pire encore, les allégements de cotisations sociales sont aussi responsables d’effets pervers qui affectent le marché du travail. Ainsi, les allégements sur les temps partiels partaient du principe qu’il fallait aider les entreprises à embaucher des chômeurs, même si ce n’était pas à plein temps. Or le dispositif a été utilisé à plein par certaines branches qui ont fait du temps partiel leur modèle structurel, préférant embaucher trois tiers-temps plutôt qu’un temps complet, ce qui a contribué au développement massif de la précarité. Quant aux allégements sur les bas salaires, ils sont souvent considérés comme responsables du tassement des rémunérations puisque moins le patron paye le salarié, plus l’effet des allégements est fort.

UNE DROGUE DURE À FORTE ACCOUTUMANCE

Bien qu’inefficaces, les allégements de cotisations sociales représentent néanmoins un coût indéniable pour la collectivité. Car les sommes économisées par les employeurs sont versées par l’État –donc, indirectement, par le contribuable– aux organismes de Sécurité sociale. Notons d’ailleurs que l’État est mauvais payeur puisque, chaque année, il « oublie » de compenser 1 à 2 milliards d’euros, ce qui accroît d’autant plus le déficit de la Sécu. Chers, inefficaces voire dangereux, les allégements de cotisations sociales ont déjà fait la démonstration de leur inutilité ; en vertu de l’adage selon lequel les mêmes causes produisent les mêmes effets, il est vraisemblable que celui proposé par François Hollande ne dérogera pas à la règle.

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