Barrages hydrauliques : le gouvernement veut ouvrir les vannes à la concurrence

Énergie par Jamel Azzouz

La ministre de l’Écologie propose de retirer la gestion et l’exploitation des activités hydroélectriques d’EDF et GDF Suez, pour les confier à des sociétés d’économie mixte où les entreprises privées pourraient prendre pied.

Sous la pression de la Commission européenne et des producteurs privés d’électricité, le gouvernement s’apprête à ouvrir à la concurrence la gestion des barrages hydrauliques. La ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, Ségolène Royal, en a acté le principe dans un communiqué du 29 avril dernier, au prétexte de l’arrivée à échéance, d’ici à 2023, de cent cinquante concessions. Pour ce faire, Mme Royal propose de retirer les activités hydro-électriques françaises aujourd’hui gérées à plus de 80% par EDF et à environ 20% par GDF Suez, soit l’équivalent de cinq réacteurs nucléaires, afin de les confier à des sociétés ad hoc d’économie mixte (SEM). Elle dit vouloir ainsi s’inspirer du modèle de la Compagnie nationale du Rhône qui produit notamment de l’électricité renouvelable d’origine essentiellement hydraulique et dont le capital est détenu à 50,1% par la Caisse des dépôts et consignations et des collectivités locales, et à 49,9% par GDF Suez. Et de préciser que « le principe communautaire de concurrence sera appliqué aux entreprises de production d’électricité, partenaires des SEM ». En clair, les entreprises privées pourraient prendre jusqu’à 49,9% des capitaux desdites SEM. Selon la ministre, c’est la seule solution susceptible de concilier « contrôle public et respect des règles communautaires », tout en écartant « la mise en concurrence pure et simple [qui] présente des risques pour l’intérêt général (ressource en eau, équilibre écologique et conditions de distribution de l’électricité) ». Sa proposition pourrait figurer dans le texte gouvernemental sur la transition énergétique dont les parlementaires auront à débattre à l’automne.

FO À L’OFFENSIVE

« Scandaleux, honteux, consternant, les qualificatifs ne manquent pas pour désigner l’infâme mise en œuvre de ce projet ! », a réagi la Fédération FO Énergie et Mines, avant d’en lister les conséquences « funestes » prévisibles : « Les personnels qui vont devoir subir de violentes réformes structurelles, les ménages et les industriels qui vont devoir payer un prix du kWh encore plus cher, EDF qui va voir son coût de production augmenter du fait de la perte d’une rente hydro-électrique annuelle d’au moins 1,25 milliard d’euros ». Pour FO, un tel projet s’inscrit dans le programme de stabilité budgétaire 2014-2017, une sorte d’échange de « bons procédés » entre Paris et Bruxelles, au mépris de l’emploi et des statuts des agents publics. Mais aussi dans la politique de décentralisation/régionalisation à tout crin du gouvernement, qui opère un retour à « des modèles locaux d’organisation d’avant-guerre », et obère tous les « principes d’un service public national ». Résolument à l’offensive sur ce dossier, FO plaide pour la prolongation jusqu’à 99 ans de la durée des concessions à EDF et GDF Suez… « à laquelle rien ne s’oppose si ce n’est la volonté politique des pouvoirs publics ». Aucun texte n’impose en effet la mise en concurrence, comme l’a souligné le rejet unanime des membres de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, dont un rapport a démontré, en septembre 2013, qu’il n’y a aucune « fatalité juridique » à ouvrir les barrages hydrauliques aux mauvais vents de la concurrence.

Jamel Azzouz Journaliste