Interview de Jean-Claude Mailly : « Valls a du mépris pour les syndicats »

Le Figaro par Jean-Claude Mailly

Jean-Claude Mailly a qualifié de « diktat » la méthode de Manuel Valls et refuse de négocier sur les seuils « un pistolet sur la tempe ».

Le Figaro. - Allez-vous boycotter la conférence sociale ?
Jean-Claude Mailly. - Avant l’interview de Manuel Valls, j’avais dit que l’exercice était usé mais que nous irions pour porter nos revendications. La donne a changé depuis. Je viendrai lundi à la rencontre avec François Hollande. Mais pour notre participation aux tables rondes de mardi, nous prendrons une décision juste avant. Ce qui est sûr, c’est qu’on marquera le coup. On ne peut pas laisser passer cela ! Manuel Valls a fait ses annonces à quelques jours de la conférence, sans nous prévenir avant. C’est du mépris. Ce qui sort d’une conférence sociale, c’est la feuille de route gouvernementale. Nous ne nous sentons pas engagés par cela.

François Rebsamen invite les partenaires sociaux à « aller au-delà des postures ». Vous sentez-vous visé ?
Quand le gouvernement parle sans cesse du dialogue social et, dans les faits, ne dialogue pas avec les syndicats, il est dans la posture ! Ce n’est pas notre cas. Notre position n’a rien du caprice. Je suis en colère. Il y a un vrai problème de méthode : après l’affaire du pacte de responsabilité, où seul Pierre Gattaz avait été mis au courant, c’est la deuxième fois que nous ne sommes pas prévenus. Et nous sommes en désaccord avec son orientation économique. Nous étions conscients que l’application du compte pénibilité serait difficile pour les petites entreprises. Mais les annonces de Manuel Valls vont au-delà : attaques sur les seuils, le Code du travail, confirmation de la politique de l’offre, ajustement sur le temps partiel, ça fait beaucoup ! Nous sommes depuis le début opposés au pacte, qui va de pair avec la baisse des dépenses publiques. Nous étions pour une modification, voire une augmentation, du CICE pour qu’il soit conditionné à de l’investissement, qu’il aille davantage aux secteurs exposés à la concurrence internationale. Les contreparties au pacte, cela ne marchera jamais. Les entreprises ne peuvent pas prendre des engagements fermes d’embauche.

Participerez-vous à la négociation sur le dialogue social en entreprises, qui traitera des seuils ?
On verra. Manuel Valls déclare « nous allons demander aux partenaires sociaux d’engager des discussions ». Je réponds « on ira, si on veut ». Je ne veux pas que les seuils servent de contreparties à des avancées sur le parcours militant ou autres. Nous voulons garder la présence des délégués du personnel à 11 salariés, celle du comité d’entreprise à 50 et qu’un délégué syndical puisse être nommé quelle que soit la taille de l’entreprise. 63 % des établissements de 11 à 19 salariés n’ont pas de délégué, la loi n’étant pas respectée ou faute de candidat. Qu’on ne me dise pas que les seuils freinent l’emploi.

Est-ce la fin du dialogue social à la française ?
Ce mot est fourre-tout, puisqu’il va de la concertation à la gestion paritaire. Mais en France, comme dans tous les pays à orientation libérale, je constate un désengagement financier de l’État et en même temps, son plus grand interventionnisme dans les discussions du ressort des partenaires sociaux. Le syndicalisme est là pour défendre les intérêts des salariés. Ainsi comme exemple d’actualité dans la magistrature, il doit résoudre les problèmes professionnels des magistrats et rester sur ce terrain.

Par Cécile Crouzel | Publié le 06/07/2014 sur bourse.lefigaro.fr

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Jean-Claude Mailly Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière