Cyclisme et dopage, une vieille histoire

Le Tour du dopage par Baptiste Bouthier

Pratique très commune dans l’ensemble des disciplines sportives, le dopage s’est développé au fil des ans et s’est « professionnalisé ». Les cyclistes sont à présent les sportifs les plus contrôlés, notamment grâce à des techniques de pointe.

Le cyclisme et le dopage sont très souvent associés, et cela ne date pas d’hier. Dans les années 1950, déjà, le « Campionissimo », Fausto Coppi, ne cachait pas qu’il avait recours à « la bomba », un cocktail d’amphétamines, pour améliorer ses performances. Le dopage artisanal a peu à peu cédé la place aux protocoles des « soigneurs », les amphét’ à l’EPO et aux transfusions sanguines, et les scandales, de l’affaire Festina aux aveux de Lance Armstrong, ont achevé de coller l’étiquette « tous dopés » aux coureurs cyclistes. Et pourtant, le cyclisme est, de très loin, le sport professionnel qui lutte avec le plus de sérieux contre ce fléau. Confrontées très tôt au problème, les instances du vélo ont presque toujours été pionnières dans les dispositifs de lutte antidopage, indiquant la marche à suivre aux autres sports.

LE PASSEPORT BIOLOGIQUE, UN SYSTÈME PIONNIER

Ainsi, si plusieurs autres disciplines sportives s’y mettent petit à petit, le cyclisme a été le premier sport à adopter et généraliser le passeport biologique de l’athlète. Dès 2008, l’UCI a imposé ce système à l’ensemble des équipes des deux premières divisions, soit plus de 800 coureurs.

Son principe est simple. Jusqu’ici, les contrôles antidopage avaient pour but de détecter la présence d’un produit interdit dans l’organisme. Le passeport biologique, lui, a pour but d’élargir la lutte antidopage en permettant une détection indirecte des pratiques dopantes. Le passeport d’un coureur est en effet un document où sont consignés à la fois les résultats des contrôles effectués sur ce coureur, ainsi que ses profils hématologique et stéroïdien. Le profil hématologique permet de détecter les manipulations du sang, tandis que le profil stéroïdien permet d’identifier la prise de stéroïdes exogènes, comme la testostérone. Pour chaque coureur on établit ainsi quelles sont ses données « normales », logiques : s’il s’écarte trop de ces données standard, cela prouve qu’il a utilisé des produits ou des procédés dopants. Cette méthode se veut plus efficace que la détection directe, car les effets induits par le recours à des substances interdites durent plus longtemps que la période pendant laquelle ce produit est présent dans l’organisme, et sont donc détectables via un contrôle. Les profils individuels des coureurs permettent d’améliorer la lutte antidopage. Jusqu’ici, l’UCI devait établir des limites générales, sans pouvoir affiner en fonction des particularités de chacun. Par exemple, dès 1997 il a été fixé une limite de 50% pour l’hématocrite, c’est-à-dire le taux de globules rouges dans le sang. Le passeport biologique a pour but de limiter les « faux négatifs » – coureurs qui se sont dopés mais qui ne dépassent pas les limites fixées – et les « faux positifs » – ceux qui, à l’inverse, ont dépassé les seuils sans avoir eu recours à une pratique dopante. Les profils sanguins des coureurs sont analysés par quelques-uns des meilleurs spécialistes de l’analyse des prélèvements sanguins. Sur la base de leurs avis, l’UCI peut décider d’ouvrir une procédure disciplinaire pouvant éventuellement déboucher sur la suspension de tel ou tel coureur.

ADAMS, LE GENDARME DU PELOTON

La condition de la réussite du passeport biologique, c’est la possibilité, pour l’UCI et l’AMA (Agence mondiale antidopage), de pouvoir contrôler les coureurs à tout moment de l’année. Il y a en fait deux types de contrôles : ceux réalisés en compétition – vainqueur de la course, coureurs tirés au sort à l’arrivée, etc. – et ceux réalisés hors compétition, de façon inopinée. Pour ce faire, les coureurs doivent donc respecter des règles de localisation, via un logiciel appelé Adams auxquelles ils peuvent se soumettre par le biais de leur ordinateur ou, depuis peu, de leur smartphone. Tous les trois mois ils doivent indiquer, pour chaque jour des trois mois à venir, un créneau d’au moins deux heures où ils garantissent de se trouver en un endroit unique – chez eux, à l’hôtel s’ils sont en course ou en stage avec leur équipe, etc.–, afin que les spécialistes puissent venir, s’ils le décident, réaliser des contrôles inopinés.

Ce vaste système de localisation est évidemment extrêmement contraignant, ce qui freine son adoption par bien d’autres sports. Dans le cyclisme il est généralisé depuis 2008 et accepté par les coureurs. Et sans pitié. Si les contrôleurs ne trouvent pas le coureur qu’ils étaient venu voir au lieu et à l’horaire indiqués dans Adams, alors ce dernier est responsable d’un « no-show ». Au bout de trois no-shows en dix-huit mois, il est susceptible d’être suspendu. C’est par exemple ce qui est arrivé, en 2012, au coureur français Yoann Offredo. Cela lui a coûté un an de suspension.

CYCLISTES : TOUS DOPÉS OU... TOUS CONTRÔLÉS ?
Les clichés sur le peloton ont bon dos, mais ils ne résistent pas toujours aux faits. L’an dernier, l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) avait lâché une petite bombe, tordant le cou à l’idée selon laquelle les cyclistes seraient tous dopés, contrairement aux pratiquants des autres sports. L’AFLD a en effet révélé qu’en 2012 le cyclisme avait bien été, en France, le sport le plus... contrôlé, avec 1 812 échantillons analysés, contre 1 164 pour l’athlétisme, 588 pour le rugby ou 548 pour le football. Mais rapporté au nombre de contrôles, très fluctuant d’un sport à l’autre, c’est en fait le rugby qui comptait le plus de contrôles positifs, devant l’athlétisme et le triathlon. Le cyclisme n’était que quatrième... ■