Les ex-salariés de Lejaby ont dû ferrailler pour arracher le soutien de la Banque publique

« Les Atelières » par Jamel Azzouz

Créée en 2012 par d’anciennes ouvrières de la célèbre marque de lingerie Lejaby, la coopérative de confection de dessous de luxe a obtenu un sursis grâce à une levée de fonds d’environ 650 000 euros, opérée auprès de particuliers et de chefs d’entreprise, sans laquelle Bpifrance n’aurait pas accordé sa garantie.

L’histoire récente et mouvementée de Lejaby est révélatrice à plus d’un titre des difficultés rencontrées pour revitaliser un tissu industriel made in France, au-delà des discours volontaristes des pouvoirs publics. Après la liquidation, fin 2011, du fabricant de lingerie, trois entreprises ont essayé tant bien que mal de reprendre le flambeau en s’appuyant sur le savoir-faire d’ex-salariés de la société. Il en est ainsi de Monette Paris, une nouvelle marque chic qui avait, l’an dernier, repris l’usine Lejaby à Bourg-en-Bresse. Le projet de reprise avait été porté par une ancienne responsable de Princesse Tam Tam et 43 salariés, dont 13 ex-Lejaby. Liquidée début mars, Monette est désormais aux mains d’une société d’investissement franco-luxembourgeoise, Seven Fashion, qui l’a rachetée pour 120 000 euros avec l’engagement de garder tout le personnel. Seven Fashion dit avoir décelé un potentiel de développement de la marque, vendue notamment au Bon Marché. En 2013, Monette Paris avait reçu une aide de l’État à la réindustrialisation (620 000 euros) et Bpifrance avait garanti des crédits bancaires, mais sans accompagner son développement. Et l’effet de levier escompté par la Banque publique n’a, dans ce cas, pas vraiment fonctionné auprès des banques privées.

Un appel au secours entendu par les citoyens

Alain Prost, un ex de Chantelle et de La Perla, qui s’était emparé de la marque Lejaby à la barre du tribunal de commerce de Lyon début 2012, a lui connu une meilleure fortune malgré un amorçage difficile. Après une valse hésitation, les banques ont fini par accepter, au début de l’année, de participer aux besoins de financement de la société, rebaptisée Maison Lejaby. Elles lui ont prêté plusieurs millions d’euros, avec des garanties de Bpifrance. Aujourd’hui, l’entreprise lyonnaise emploie 200 salariés après avoir réalisé un chiffre d’affaires de 27 millions d’euros en 2013 (+15%) et assuré un résultat à l’équilibre.

Le 100% made in France malmené

Et puis il y a « Les Atelières » et sa trentaine de salariés, dont quelques ex-lejaby, qui ont bien failli mettre la clé sous la porte début mars. Créée également en 2012 à Villeurbanne, cette société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) a tout misé sur la confection de dessous chics et haut de gamme estampillés « 100% fabrication française », en s’appuyant sur le savoir-faire des anciennes ouvrières de Lejaby. Faire de la sous-traitance de lingerie de luxe en France pour les grandes marques de l’habillement et du textile, tel était d’ailleurs le seul pari de sa présidente, Muriel Pernin, qui est devenue malgré elle le symbole du refus de la désertion d’un secteur industriel où l’on délocalise à tout va. Début janvier, face à une perte de 550 000 euros pour un chiffre d’affaires de 400 000 euros, la dirigeante a tenté de convaincre les banques de lui octroyer des lignes de crédit pour relancer les machines et régler ce problème de fonds propres négatifs (250 000 euros). En vain, les banques privées n’ont rien voulu entendre. Même fin de non-recevoir de Bpifrance à qui elle s’était aussi adressée. Les conditions d’attribution d’une aide ne sont pas réunies, lui répond-on de part et d’autre. D’où son coup de gueule médiatique début mars, dénonçant un refus synonyme de liquidation en règle pour la coopérative.

S’en est suivie une mise en garde inédite de Bpifrance. Tout en refusant de « commenter la polémique » suscitée par « Les Atelières », la Banque publique a lancé que celle-ci « n’influencera pas l’engagement financier » qui pourrait être le sien, avant d’ajouter que « les conditions légitimes et prévues par le Parlement et le gouvernement pour [son] intervention demeurent ». L’affaire est remontée jusqu’au gouvernement, où les ministres du Redressement productif et à l’Économie sociale et solidaire, MM. Montebourg et Hamon, se sont saisis du dossier et ont reçu Mme Pernin. Mais, in fine, le salut des « Atelières » est venu du résultat d’une souscription nationale sur Facebook. Le 21 mars, les « Atelières » ont ainsi pu, lors d’une assemblée générale, avoir l’assurance de recevoir un peu plus de 650 000 euros pour consolider leur activité : 550 000 euros souscrits sous forme d’entrée au capital d’investisseurs privés (particuliers et chefs d’entreprise) et 100 000 euros de dons de citoyens lambda. De quoi leur permettre d’obtenir un prêt d’investissement de 350 000 euros et des garanties de Bpifrance.

Comme un pied de nez aux banquiers : « N’importe quel patron de start-up vous le dira, on ne devient pas rentable du jour au lendemain ! »

Jamel Azzouz Journaliste