MAP : de la RGPP à la RGPP++

InFOeco n°60 du 7 janvier 2013 par Pascal Pavageau

Article publié dans l’action Dossier MAP (Modernisation de l’action publique)

Le gouvernement a officialisée sa démarche de « réformes » pour la fonction publique selon un nouveau cadre : celui de la « modernisation de l’action publique », la MAP.

Lors de la première réunion du Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP), le 18 décembre 2012, le Premier ministre a pris 50 premières décisions comprenant une centaine de décisions concrètes (voir tableau récapitulatif joint en annexe).

Si la MAP remplace donc la RGPP [1], il s’agit surtout d’un changement sémantique. La démarche de suppression des postes, des services et des missions publiques se poursuit selon un rythme accéléré et une méthode qui s’apparente à celle de la RGPP.

1/ MAP : « support principal de la réduction des dépenses publiques »

Tout comme la RGPP, le but affiché de la MAP est « d’améliorer les services publics » mais surtout de « permettre de dégager de nouvelles économies budgétaires » pour tenir les engagements gouvernementaux de réduction des dépenses publiques (budgets 2013-2015 et réduction des dépenses / transposition du traité TSCG / loi organique du 18 décembre 2012. La MAP est aussi associée par le gouvernement à un souci de « compétitivité » !

Comme l’explicitait un membre du cabinet du ministère chargé du Budget [2], le gouvernement « considère que la MAP est le support principal de la réduction des dépenses ».

A nouveau, il ne s’agit pas d’améliorer l’intervention publique et les moyens des services publics mais sous couvert d’une « modernisation » de l’action publique de justifier des économies budgétaires, principalement sur le budget de l’État.

L’équation comptable de la RGPP se poursuit donc sous un nouvel intitulé.

Le Président de la République s’est engagé à réduire « à marche forcée » les dépenses publiques de 52 Mds€ en cinq ans pour « résorber le déficit public », et de 10 Mds€ supplémentaires pour financer le crédit d’impôt aux entreprises pour la compétitivité et le contrat de génération [3]. Pour 2014, en plus des 10 Mds€ d’économies déjà prévus, Bercy recherche 8 à 9 Mds€ supplémentaires, et encore 7 Mds€ pour 2015. Les 50 premières décisions de la MAP s’inscrivent dans ce cadre contraint.

Force Ouvrière a immédiatement dénoncé un nouveau processus [4] qui conserve les objectifs de suppressions de postes, de services et de missions publiques. De fait la réorganisation de l’action publique risque de se concrétiser par des mesures de suppressions de structures et d’économies pour accompagner des décisions budgétaires d’austérité.

2/ MAP : RGPP+

Sur la présentation du document officiel reprenant les mesures, il est édifiant de constater que le CIMAP (Comité interministériel de modernisation de l’action publique) reprend les mêmes codes et organisations que les Comités de modernisations des politiques publiques de la RGPP : les mêmes prestataires privés ont d’ailleurs été maintenus !

Et dans sa décision 26, le gouvernement décide même de publier et reprendre à son compte les derniers résultats du « baromètre RGPP des services publics » du gouvernement précédent…

Sur les 561 mesures de la RGPP, environ 300 n’étaient pas terminées en mai 2012 (en cours, ou pas engagées). Le Président de la République, le Premier ministre et le gouvernement ont indiqué durant l’été 2012 qu’ils mettaient fin à la RGPP, or la MAP officialise que les 300 mesures RGPP non abouties se poursuivent ou s’engagent pour aller à leur terme !

A cela s’ajoutent donc les 50 premières décisions MAP qui instaurent des chantiers de réformes interministériels, impactant autant les fonctionnaires que les usagers. Et tout comme les mesures RGPP, ces 50 décisions n’ont jamais été concertées. Il est déjà prévu un CIMAP et d’autres décisions en mars 2013.

→ Comme la RGPP, de nombreuses mesures MAP vont impacter l’usager directement, ou indirectement.

L’annexe jointe reprend les différentes mesures annoncées le 18 décembre 2012 et donne des premières remarques générales de Force Ouvrière.

On peut par exemple noter :

• la décision 3 dématérialise la procédure de rupture conventionnelle ;
• la décision 9 permet de payer en ligne ses frais hospitaliers ou de dispenser l’usager de fournir un exemplaire papier de son RIB/RICE dans toutes ses démarches avec la sécurité sociale ;
• la décision 11 supprime des déclarations sociales en créant une déclaration unique, mensuelle et dématérialisée, etc.

Beaucoup de « simplifications pour les entreprises » sont prévues : procédures simplifiées, dématérialisations (justifiant ainsi au passage des suppressions de postes publics et de services publics territoriaux), dérèglementations nouvelles, et suppressions de normes.

Le gouvernement va jusqu’à demander [5] à l’ensemble des ministères d’identifier « à partir des attentes prioritaires des entreprises », les chantiers qui permettront de « faire baisser significativement la complexité perçue et vécue dans leurs champs de compétence » !

Il serait intéressant de connaitre ces « attentes prioritaires » des entreprises… Quant à celles des salariés et des fonctionnaires, bien que connues, elles ne sont pas à reprendre par chaque ministère !

D’une manière générale, la simplification peut être souhaitable mais elle suppose au préalable un débat sur les missions et les contrôles afin de garantir le service public républicain. Dans le cas contraire la simplification risque d’être le prétexte aux économies budgétaires dictées par une politique d’austérité.

→ A chaque gouvernement, son « baromètre de l’action publique » :

La RGPP avait ses feux tricolores. La MAP aura un baromètre global à destination des usagers, des particuliers, des associations et des entreprises. La première édition est annoncée pour mi-2013.

De même, comme à chaque fois, le gouvernement s’engage à des évaluations des politiques publiques (non définies de façon globale, le débat général des besoins publics n’étant pas réalisé…).

Pour Force Ouvrière, le risque est grand que le « baromètre MAP » ne ressemble in fine pour l’usager au « livre noir de la RGPP » !

Que chaque usager puisse exprimer son avis sur le service rendu est déjà possible. Malheureusement chaque fois qu’il pointe un manque de moyen (souvent en termes de personnels), la réponse d’une « modernisation » vient accélérer les suppressions.

→ Transition numérique :

Un pan entier de ce premier CIMAP est consacré à « Accélérer la transition numérique : la feuille de route de l’administration numérique ».

Les 12 décisions concernées seront intéressantes à suivre. Cependant, elles se heurtent à deux difficultés : la « fracture numérique » notamment en zone rurale est criante pour les usagers et la désertification des services publics poursuivie par la MAP ne risque pas de la résoudre. De plus, le Comité stratégique de filière industrielle numérique est complètement remanié, de façon unilatérale par le gouvernement sans aucune concertation (son Président vient de démissionner) alors que c’était celui qui fonctionnait le mieux.

Par ailleurs, derrière cette « modernisation numérique », il ne faudrait pas que s’instaurent des justificatifs à des suppressions de postes budgétaires et d’effectifs supplémentaires.

3/ RGPP + MAP = RGPP+

Comme indiqué plus haut, les 561 mesures de la RGPP, qui devront toutes aboutir, sont complétées par les 50 premières décisions MAP du 18 décembre 2012. Puis viendront encore s’ajouter de nouvelles réformes structurelles (fusions, mutualisations, suppressions, etc) qui devront être instaurées par chaque ministre, au premier trimestre 2013, dans un « programme ministériel de modernisation et de simplification » (PMMS), couvrant la période 2013-2015.

Et il faut noter que la MAP a pour objet de « moderniser » les 3 versants de la Fonction Publique (État, Territorial et Hospitalier) alors que la RGPP s’était principalement concentrée sur la fonction publique de l’État.

Avant le Comité de la RGPP décidait seul de « quel bras couper » à un ministère, désormais, le ministre a l’obligation de « s’amputer » lui-même selon un PMMS, programme triennal d’opérations, mais tout en respectant les coupes imposées antérieurement par la RGPP, les 50 nouvelles décisions du premier CIMAP et les futures mesures des prochains comités dès mars 2013.

Au niveau des nouvelles réformes structurelles, certains ministères ont déjà pris des décisions : mission en cours pour réduire le nombre de sous-préfectures / transferts des services de navigation de l’État dans un Etablissement Public / fusions d’établissements avec la création d’une agence de la biodiversité / fusion des établissements en charge du contrôle du logement social avec celui du 1% logement / etc.

De plus, une méthode de travail a été définie par le gouvernement pour permettre à la MAP de « rationaliser le paysage des agences et opérateurs » rattachés à l’État.
Il ne s’agit pas de mieux exercer la tutelle de l’État sur ses opérateurs, comme Force Ouvrière le revendique régulièrement, mais soit d’appliquer avec plus de force la RGPP sur les opérateurs existants, soit d’organiser le transferts de missions et de services déconcentrés en agences mais désormais sous contrôle budgétaire (par exemple création d’une Agence de la Biodiversité).

Comme la loi de finances pour 2013 l’a arrêté, les suppressions d’emplois (sous statut ou contractuels) seront très importantes dans tous les établissements publics dès l’année 2013.

Autre sujet d’inquiétude pour Force Ouvrière : le statut juridique des établissements de formation initiale des fonctionnaires sera revu par la MAP. Pour quels objectifs ? L’harmonisation ou la fusion des écoles, comme cela était déjà évoqué par le Comité de la RGPP afin d’en diminuer les coûts ?


Sur cette MAP, Force Ouvrière condamne une méthode, des objectifs et des principes RGPP qui demeurent.

En supprimant des postes statutaires, en réduisant les effectifs par le redéploiement forcé vers certaines missions ministérielles, en exigeant des milliards d’économies supplémentaires pour satisfaire les exigences des marchés, en n’améliorant pas les grilles indiciaires ni l’augmentation de la valeur du point d’indice, en n’abrogeant pas le jour de carence, le gouvernement maintient les fonctionnaires et les agents publics dans la précarité tant pour leur pouvoir d’achat (-12 % en 10 ans) que pour leurs conditions de travail (pénibilité, insécurité au travail, etc.) et poursuit la dégradation de l’exercice du service public républicain.

Enfin, si nous ignorons pour l’instant quels seront les impacts précis du futur acte III de décentralisation sur les responsabilités et les services de l’État et des collectivités, il est clair dès à présent qu’il aura des répercussions sur les missions des différents services publics et sur les statuts des personnels.

Force Ouvrière a rappelé au gouvernement sa revendication, formulée en 2007 avant la RGPP et à nouveau en 2012 avant la MAP, qu’un débat global soit mené afin de répondre aux questions : « Quels besoins publics ? Quelles missions et politiques publiques pour y répondre ? Quelle organisation, quels moyens et quels services publics, dans le respect des 3 versants de la Fonction Publique de la République, pour leurs mises en œuvre ? ».

Un tel débat est indispensable préalablement à toutes décisions de réorganisations ou de réformes.

Achever de rédiger le 7 janvier 2013

 Voir en ligne  : InFOeco n°60 du 7 janvier 2013 [PDF]

Pascal Pavageau Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière

Notes

[1RGPP : Révision générale des politiques publiques

[2Article du journal Le Monde du 19 décembre 2012

[3Info éco n° 55 du 8 novembre 2012

[4Cf communiqué confédéral et communiqué FGF-FO du 19 décembre 2012

[5Décisions 12, 13 et 14 du CIMAP du 18 décembre 2012