Les promesses du patronat n’engagent que ceux qui les écoutent

Pacte de défiance par Mathieu Lapprand

Article publié dans l’action Dossier Pacte de responsabilité

« Nous avons salué le pacte de responsabilité que nous a servi le président de la République le 31 décembre et qui était inspiré, je ne le dis pas trop fort, du pacte de confiance que nous lui avons apporté sur un plateau », a affirmé M. Gattaz lors d’une intervention pour des vœux de nouvelle année.

Or le pacte proposé par le Medef n’était pas particulièrement contraignant pour lui-même : s’il a annoncé haut et fort la création attendue d’un million d’emplois, cette promesse ne l’engage en rien. Entre observer les contreparties ou les imposer, le gouvernement a choisi : il crée un observatoire. Cet organisme pourra étudier un précédent de l’histoire sociale : le père de l’actuel dirigeant du Medef avait promis, en 1986, de créer 470 000 emplois si l’État supprimait l’autorisation administrative de licenciement. Le gouvernement de Jacques Chirac la fit disparaître au 1er janvier 1987, mais les emplois attendus ne virent jamais le jour. De la même manière, la baisse de la TVA dans la restauration devait, selon les restaurateurs, permettre de faire baisser les prix. Quatre années après, force est de constater que cette promesse aussi est loin d’être honorée.

FABLE PATRONALE

Si tant d’acteurs doutent des créations d’emplois promises par le patronat c’est aussi pour des raisons économiques. « Le choix de François Hollande est mauvais dans le contexte actuel, car le choc d’offre qu’il propose ne peut fonctionner qu’à deux conditions qui ne sont pas réunies », estime l’économiste Éric Heyer, directeur adjoint au département analyse et prévision de l’OFCE, interrogé par France Inter.

« Première condition, que les entreprises répercutent sur les prix les baisses de cotisations. Ainsi l’offre créerait sa propre demande, or les patrons expliquent qu’ils s’en serviront d’abord pour reconstituer leurs marges... Deuxième condition, il faudrait que la France soit seule à pratiquer cette politique pour améliorer sa compétitivité, alors que ses voisins européens font les mêmes choix. La France ne gagnera donc pas de demande supplémentaire. En conséquence, la politique de l’offre version Hollande ne créera pas sa propre demande », conclut l’économiste.

Comment le gouvernement peut-il faire semblant de croire à la fable patronale du million d’emplois ? Pour espérer créer des emplois, l’observatoire qu’il souhaite mettre en place ne pourra pas se contenter d’observer, il devra nécessairement intervenir pour imposer au patronat des contreparties un tant soit peu contraignantes.

Mathieu Lapprand Journaliste à L’inFO militante