Prostitution et drogue | Les nouveaux dopants de la croissance ?

Actualités par Evelyne Salamero

L’office des statistiques italien (ISTAT) et celui du Royaume-Uni (ONS), équivalents de l’Insee, intégreront très officiellement les revenus générés par le trafic de drogue et la prostitution, ainsi que par la contrebande de tabac et d’alcool, dans le calcul du PIB (Produit intérieur brut). Ils le feront, ont-ils expliqué, en application du nouveau système européen de comptabilité (SEC). Adopté par le Conseil européen en juin 2013, il est censé être appliqué par tous les États membres de l’Union européenne à compter de septembre 2014. Leur taux de croissance en sera dopé et du même coup la proportion de leur dette et de leur déficit public par rapport au PIB diminuera, ce qui leur permettra de rester beaucoup plus facilement dans les clous imposés par les traités européens (une dette à 60% et un déficit public à 3% du PIB).

La france choisirait la double comptabilité

La France s’oriente, elle, vers... une double comptabilité. Elle intégrerait les revenus issus des activités illégales dans les statistiques qu’elle transmet à la Commission européenne, mais elle n’en tiendrait pas compte pour la publication nationale de ses comptes. Un choix qu’autorise le règlement européen.

En réalité, si l’affaire fait grand bruit aujourd’hui, elle n’a rien de nouveau. Le Système européen de comptabilité prévoit –depuis 1996– la prise en compte des activités illégales dans le calcul du PIB (SEC 1995) par tous les États membres. Sa version modifiée, adoptée en juin dernier par les chefs d’État et de gouvernement européens (SEC 2010), ne fait que confirmer cette disposition. Il s’agit d’agir en conformité avec l’ONU, qui depuis 1993 recommande l’inclusion des activités productives illégales dans le PIB. Avec pour objectif affiché de comparer plus précisément les situations de pays dont les législations diffèrent, les mêmes activités étant illégales dans les uns et pas dans les autres. Mais aujourd’hui, la remise sur le devant de la scène de ce mode de calcul constitue surtout une véritable aubaine pour des États européens en mal de croissance et obsédés par la réduction de leur déficit, ainsi que... pour le budget de l’Union européenne puisque la contribution des pays est évaluée en fonction de leur PIB.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante