Les ingénieurs au carrefour du progrès et de la rentabilité

Syndicalisation par Mathieu Lapprand

Plus d’une centaine de participants se sont pressés au premier colloque dédié aux ingénieurs organisé par FO Cadres. Parmi l’encadrement, les ingénieurs ont non seulement des spécificités fortes, mais sont également touchés par les évolutions des entreprises et de leur environnement.

Vauban, l’illustre ingénieur de Louis XIV, voyait les places fortes qu’il concevait comme le moyen de préserver les vies d’une ville ou d’une place assiégée. Son expertise technique et technologique était ainsi mise au service d’un projet. Aujourd’hui, l’ingénierie et les ingénieurs évoluent. L’ingénierie financière a le vent en poupe et, sous la pression des actionnaires, la rentabilité de court terme prend souvent le pas sur l’innovation, la rationalisation ou l’optimisation.

Or, les ingénieurs ont une place particulière au cœur de l’appareil de production. Ils sont près d’un million en France et 800 000 d’entre eux ont obtenu leur diplôme auprès d’un établissement d’enseignement supérieur dont la formation est reconnue par la Commission des Titres d’Ingénieur  [1]. Cette spécificité française en fait un corps particulier, dans lequel beaucoup de ses membres s’identifient aujourd’hui encore plus par l’école dont ils sont issus que par la branche d’activité, le secteur dans lequel ils travaillent. Après l’ouverture du colloque par Jean-Claude Mailly et Éric Peres, Secrétaire général de FO Cadres, la question de la formation a fait l’objet de la première table ronde de la journée. L’évo­lution des formation, notamment de la formation continue, a été abordée, ainsi que la problématique des relations, parfois tendues, avec le reste de l’enseignement supérieur.

La seconde table ronde a posé la question de la place actuelle de l’ingénieur dans l’entreprise. Les évolutions de la profession au cours du XXe siècle ont été corrélées à la mutation des industries et à l’émergence de nouvelles technologies. Alors que l’ingénieur était historiquement un pivot entre les ouvriers et le patron, la diversité des responsabilités qu’il est aujourd’hui conduit à assumer ne permet plus d’associer précisément son titre une fonction ou à un rôle précis. C’est notamment une des causes de la difficulté à structurer syndicalement cette population, alors qu’elle est confrontée aux mêmes problèmes que le reste du salariat : formation, salaires, mobilité professionnelle, sécurisation des parcours…

Répondre aux attentes des ingénieurs et éviter les dérives corporatistes

C’est donc la question de la représentation des ingénieurs qui a été abordée lors de la troisième table ronde. Plusieurs structures existent, du conseil national (CNISF) aux syndicats. Si la proposition européenne de « carte d’ingénieur » est restée à l’état de projet, les enjeux de représentation sont prégnants pour cette population dont les fonctions en font un acteur important des jeux de pouvoir, tant dans la société que dans l’entreprise.

Éric Peres a rappelé en conclusion que la figure de l’ingénieur n’était pas monolithique et a fortement attiré l’attention de l’assistance sur l’intégration des nouvelles technologies : « Soit le développement du numérique sert à rationaliser encore davantage les coûts, accroître la surveillance des salariés, soit le numérique est exploité pour réinventer les métiers, accompagner les nouveaux métiers en train de voir le jour […] L’enjeu est de répondre aux attentes des ingénieurs pour syndiquer cette profession et éviter ainsi toute dérive corporatiste », a-t-il conclu. Ce premier colloque s’y est attaché et aura donné à ses participants les éléments et problématiques à même de concerner ces salariés pas comme les autres mais qui, comme les autres, n’en demeurent pas moins des salariés.

 Voir en ligne  : FO Cadres - Site internet

Mathieu Lapprand Journaliste à L’inFO militante

Notes

[1La CTI (Commission des Titres d’Ingénieur) est un organisme indépendant, chargé par la loi française, depuis 1934, d’habiliter toutes les formations d’ingénieur, de développer la qualité des formations, de promouvoir le titre et le métier d’ingénieur en France et à l’étranger. FO dispose d’un siège dans cette instance.

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