Accords de maintien dans l’emploi, pourquoi ils ne servent à rien

Emploi et Salaires par Clarisse Josselin, Mathieu Lapprand

Dresser le bilan de l’Accord national interprofessionnel (ANI) de 2013 sur la « sécurisation de l’emploi », et notamment des accords de maintien dans l’emploi, tel sera l’objectif de la première « conférence sociale thématique », qui se tiendra le 3 avril au ministère du Travail.

Ce type d’accord permet, pour des entreprises confrontées à des difficultés économiques, de modifier le temps de travail, voire de réduire les salaires pour deux ans maximum, en contrepartie d’une garantie des emplois. Les salariés qui s’y opposent sont licenciés économiques à titre individuel, sans possibilité de déclencher un PSE quel que soit leur nombre.

Il est prévu qu’un expert-comptable puisse être mandaté par le CE pour analyser le diagnostic économique et la baisse de rémunération ne pourra concerner que les salaires supérieurs à 1,2 Smic. Or ces maigres garde-fous sont encore trop de freins pour le patronat, qui y voit la cause du peu d’accords conclus (une dizaine). Il plaide pour la possibilité d’accords « offensifs », c’est-à-dire même lorsque l’entreprise n’est pas en difficulté. En clair, il voudrait réduire le temps de travail et les salaires sans s’engager, et ce, quelle que soit la situation de l’entreprise… Curieux hasard, un amendement voté vendredi au Sénat reprend ces modifications et crée les accords « offensifs ». Reste à voir si l’Assemblée nationale conservera ces amendements lors de l’examen en seconde lecture.

Une logique de baisse du coût du travail

Le gouvernement a d’ailleurs convoqué les partenaires sociaux entre deux réunions sur le même sujet : les organisations syndicales et patronales avaient de longue date prévu de se retrouver le 30 mars et le 8 avril afin d’établir un bilan des derniers ANI, dont celui de 2013.

En outre, la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013 prévoyait la publication par le gouvernement de différents rapports permettant de suivre la mise en œuvre du dispositif. Sur les quinze rapports promis, onze auraient déjà dû être publiés or seuls deux l’ont été.

Dès 2013, la confédération FO a estimé que ce type d’accord, qui assimile les difficultés des entreprises à une simple logique de réduction du coût du travail, n’était pas adapté à la crise économique. Il laisse de côté des problématiques beaucoup plus diverses, du carnet de commandes à la qualification des salariés par exemple.

Autre effet pervers, l’un de ces accords a été mis en œuvre chez l’équipementier Mahle Behr, pour éviter 102 licenciements. Il a été refusé par 159 salariés, dont le licenciement a causé des pertes de compétences irremplaçables pour l’entreprise. 

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

Mathieu Lapprand Journaliste à L’inFO militante