Aide sociale : une compétence qui coûte cher aux départements

Service Public par Valérie Forgeront

Les dépenses d’aides sociales des départements ne cessent d’augmenter au fil des années indique la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) dans son étude annuelle sur ce thème. Or ces dépenses notamment celles relatives au RSA pèsent sur les budgets fragiles des collectivités territoriales.

En 2015, les conseils départementaux ont assuré une dépense totale nette de 36,1 milliards pour les aides sociales, soit une hausse de 2% par rapport à 2014 ou encore de 11% depuis 2011. En termes de dépenses brutes (avant remboursement de prestations, recouvrement auprès d’autres collectivités territoriales, subventions…) et pour l’ensemble du territoire national hormis Mayotte, les départements ont dépensé 38,5 milliards en 2015… Cela pour un budget de fonctionnement de 62 milliards.

Ce montant de dépenses d’aide sociale représente 62% des dépenses de gestion courante des départements, hors investissements souligne la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques rattachée à trois ministères (Économie et Finances ; Affaires sociales et Santé ; Travail, Emploi, Formation professionnelle et dialogue social). Parmi les dépenses courantes, on compte aussi les dépenses de personnel, celles consacrées à la voirie ou encore aux collèges…

Parmi les cinq catégories d’aides sociales, quatre regroupent 92% des dépenses nettes d’aide souligne la Drees . Il s’agit du poste de dépenses pour le RSA socle (revenu de solidarité active/actuellement 536,78 euros pour une personne seule), le RSA socle-majoré ainsi que pour les contrats uniques d’insertion. A ce poste s’ajoute celui des dépenses pour l’Aide sociale à l’enfance (ASE), celui consacré à l’aide aux personnes handicapées et enfin celui relatif à l’aide sociale aux personnes âgées.

RMI/RSA : des dépenses en hausse de 29% en quatre ans

En ce qui concerne le premier poste (le RSA et les contrats d’insertion), la dépense nette des départements s’est élevée à 11,3 milliards d’euros en 2015, soit une hausse de 6% en un an. Ce poste représente près du tiers des dépenses d’aides sociales assurées par les conseils départementaux. A elle seule la dépense pour l’allocation RSA représente 91% des dépenses brutes, soit 10.4 milliards en 2015 indique la Drees notant que cette dépense a augmenté de 7% en un an.

Cette progression s’explique facilement note l’étude. Le nombre d’allocataires de ces dispositifs a augmenté de 29% entre 2011 et 2015 en lien avec la hausse du chômage bien sûr. La Drees note en revanche que les dépenses d’insertion complémentaires aux allocations du RSA affichent un recul de 9% en 2015 sur un an.

Il n’en reste pas moins que le poste de dépenses consacré au RSA et à l’insertion participe à près des deux tiers de la croissance des dépenses brutes totales d’aide sociale. Entre 2011 et 2015, le nombre de prestations versées au titre de l’insertion (RMI, RSA socle contrat d’insertion, revenu de solidarité outre-mer) est passé de 1,63 million à plus de deux millions (données provisoires) en 2015. Cela représente une hausse de 23% du nombre de ces prestations.

Les dépenses brutes dans ces domaines sont, elles, passées de 8,93 milliards d’euros à 11,46 milliards ce qui équivaut à une progression de 23%. A elles seules les dépenses brutes pour le RMI et RSA sur cette période de quatre ans ont augmenté de 29%.

De moins en moins de compensations de la part de l’État

En 2009, le RMI (revenu minimum d’insertion créé en 1988) a été transformé en RSA (revenu de solidarité active). Dès 2004, à travers les lois de décentralisation, l’État a transféré de nouvelles compétences aux collectivités territoriales dont les départements. Depuis cette date, les conseils généraux (devenus depuis 2015 les conseils départementaux) assurent notamment la gestion de cette aide sociale, RMI puis RSA. Or, l’énorme progression des dépenses afférentes à cette prestation de solidarité a mis à mal les budgets départementaux.

Si cette situation a amené l’État à devoir aider ponctuellement ces dernières années certaines collectivités et à créer un fonds de soutien, il n’en reste pas moins que l’État compense toujours insuffisamment les dépenses d’allocation du RSA. En 2009, il compensait 90% de ces dépenses. En 2015, seulement 61,3% ainsi que l’indiquait l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée soulignant la stagnation de la contribution de l’État alors que le nombre d’allocataires n’a cessé de croître ces dernières années.

Les collectivités territoriales ont dû faire des choix. En 2016 rappelle la note de conjoncture de la Banque postale, les dépenses d’investissements de ces entités ont légèrement progressé : +1,3% globalement mais -4,3% pour les départements. En 2015 ces mêmes dépenses avaient chuté de 10,5%. Plus largement, entre 2009 et 2016, les dépenses d’investissements des collectivités ont reculé de 33%.

Cela n’a pas empêché l’État de poursuivre la mise à la diète des collectivités territoriales à travers la baisse des dotations. Alors que depuis 2011 l’État avait déjà soumis les collectivités à des gels ou des baisses de dotations, depuis 2015 à travers un vaste plan visant sur trois ans 46 milliards d’économies sur les dépenses publiques (État, collectivités territoriales, sécurité sociale), les collectivités ont été mises à contribution pour dix milliards d’euros.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante