Aides à domicile : un métier formidable ?

7 mars par FNAS FO, Nadia Djabali

Photo : Michel Gaillard/REA

Le 7 mars, les aides à domicile manifesteront avec toutes les autres professions de l’action sociale. Elles marcheront pour répéter encore et encore que les 231 000 salariées de la profession touchent des salaires parmi les plus bas de France et que leurs conditions de travail sont parmi les plus dégradées.

Alors que l’aide à domicile est un secteur en plein boom, le ministère des Affaires sociales, a lancé une campagne de promotion pour « revaloriser » ce métier. Des dépliants ont été imprimés afin de donner envie aux postulants éventuels : 300 000 emplois à pourvoir d’ici 2030, un métier évolutif ouvert à toutes et à tous ; aucun diplôme exigé ; 80% des emplois en CDI.

Temps partiel rémunéré au Smic

Composée à 95% de femmes souvent peu ou pas diplômées, issues de milieux populaires, la profession peine à trouver puis à conserver ses salariées. L’intervention d’une aide à domicile coûte en moyenne 25 € mais est financée par les départements qu’à hauteur de 19 €, rappelle Isabelle Roudil, secrétaire fédérale de la Fédération nationale de l’action sociale (FNAS-FO). Du coup les associations employeurs ont du mal à joindre les deux bouts. Les accords de salaires négociés avec les employeurs doivent passer devant des commissions d’agrément dans lesquels les financeurs (conseils généraux, Sécurité sociale, caisses de retraite, etc.) donnent un avis. Autant dire qu’en ces temps d’austérité budgétaire, l’ensemble de la carrière voit les rémunérations pratiquement plafonnées au Smic.

Mais comme la moyenne mensuelle des heures effectuées est de 102 heures, la rémunération nette est située en dessous de 800 euros par mois. Les horaires étant fractionnés, impossible de cumuler l’activité avec un autre emploi.

Les aides à domicile qui débutent dans la profession peuvent dépendre d’une grille inférieure au Smic pour les plus bas salaires. Elles touchent quand même le salaire minimum parce que la loi interdit de payer en dessous, précise Séverine, qui tient les plannings dans une association d’aide à domicile. Mais pendant 5 ou 6 ans, elles ne peuvent espérer d’autre augmentation que celle du Smic.

Quant à la convention collective des aides à domicile, elle figure parmi celles qui protègent les salariés à minima. Les conventions collectives du secteur prennent racine dans celles qui ont régulé les emplois domestiques et relèvent encore pour partie d’un sous droit du travail, signalait en 2014 la sociologue Christelle Avril, dans l’ouvrage Les Aides à domicile, un autre monde populaire.

Une convention collective d’un autre âge

La convention collective en cours s’applique depuis janvier 2012. Non seulement Force ouvrière ne l’a pas signée, mais elle a fait opposition à l’instar de deux autres organisations syndicales. Il est inscrit dans cette convention que les frais professionnels doivent être négociés, c’est-à-dire que les salariés paient pour aller travailler, dénonce Josette Ragot de la FNAS-FO. Résultat : outre les frais d’essence, nombreuses sont celles qui mettent également la main au porte-monnaie pour payer les blouses et les gants nécessaires pour travailler.

Du coup les jeunes envoyés par Pôle emploi disparaissent du jour au lendemain parce qu’ils n’ont pas les ressources nécessaires pour mettre de l’essence dans leur voiture.

La loi Travail n’a pas arrangé cette situation déjà peu reluisante. Dès mai 2016, avant même le vote de la loi en juillet dernier, certains employeurs dénonçaient déjà les accords d’entreprises, qui pour certains prenaient en charge le temps de trajet entre deux bénéficiaires ou les frais professionnels.

L’association de gestion des fonds du paritarisme de la branche des aides à domicile a financé une plateforme d’appel téléphonique pour les salariées en souffrance. En cas de nécessité elles peuvent s’entretenir avec un psychologue. Les appels font état de situations absolument catastrophiques notamment en ce qui concerne les interventions de personnels qui ne sont pas formés pour des situations lourdes telles que la fin de vie, la maltraitance à enfants ou les cas psychiatriques.

En invalidité à moins de 50 ans

Au-delà de la charge psychologique, les conditions matérielles d’exercice de la profession sont également sur la sellette. Des bénéficiaires sont maintenus à domicile faute de place dans les hôpitaux. Et les domiciles sont bien moins équipés qu’une structure de soins. Les filles se brisent le dos parce qu’elles doivent porter des personnes sur des lits non médicalisés. Certaines sont en invalidité à moins de 50 ans, déplore Josette Ragot.

Autre facteur aggravant les conditions de travail, les prestations sont minutées. À tel point que certaines associations refusent désormais d’envoyer du personnel en dessous d’une demi-heure par intervention. Dans certains départements, les aides à domicile peuvent effectuer 40 km de trajet sur des chemins de montagne pour n’intervenir chez leur bénéficiaire qu’une demi-heure. Autrefois de deux heures d’intervention, les plans d’aide ont divisé par quatre ce temps faute de budget.

Dans la rue le 7 mars !

À Paris où les loyers sont très élevés, certaines aides à domicile interviennent en soutien de mères célibataires n’ayant pas les moyens de résider ailleurs que dans un squat. Un environnement sans électricité où les rongeurs pullulent.

En milieu rural, l’absence d’eau courante, d’électricité et de chauffage dans certaines maisons rend les conditions d’exercice guère plus reluisantes. Le domicile où le salarié exerce ses fonctions n’est juridiquement pas considéré comme un lieu de travail au sens habituel. De ce fait, il n’est soumis à aucune réglementation et ne peut faire l’objet d’une inspection.

On nous dit qu’on fait un métier formidable, mais nous n’avons toujours pas de financement à hauteur du travail accompli, déplore Isabelle Roudil. On veut des sous, scanderont les aides à domicile le 7 mars. Mais seront-elles entendues ?

FNAS FO Action sociale

Nadia Djabali Journaliste à L’inFO militante