Archéologie préventive : le marché qui sourit au secteur privé

Idées par Valérie Forgeront

L’établissement public dédié à l’activité de fouille et à l’étude scientifique des vestiges est montré du doigt par la Cour des comptes et les ministères financiers, lesquels prônent des réformes drastiques.

Archéologie préventive. Orléans © G. Ducrot

La réalisation de fouilles archéologiques préventives en amont de la construction d’ouvrages vise à préserver le patrimoine national. Certes, mais c’est aussi un « marché », rappelle la Cour des comptes dans un chapitre de son rapport annuel. Depuis 2003, ce secteur est ouvert à la concurrence. Or celle-ci ne tourne pas à l’avantage de l’État, lequel souligne le coût des structures publiques d’archéologie préventive sur les finances publiques.

On compte aujourd’hui un opérateur national mais aussi des prestataires agréés par l’État. En 2001 une loi avait réorganisé l’archéologie préventive et amené la création, en 2002, d’un opérateur national public, l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives), remplaçant l’association Afan.

Aujourd’hui, soixante-dix-sept prestataires interviennent sur le marché. Parmi eux, soixante relèvent de services de collectivités territoriales. Ils réalisent 19 % des fouilles. De leur côté, les dix-sept opérateurs privés – associations et entreprises – réalisent 33,1% des fouilles contre 30,2 % en 2009.

Limiter l’activité de fouille

L’Inrap s’inquiète du « problème de compétitivité des opérateurs publics face à des offres tarifaires particulièrement attractives de leurs concurrents privés ». Ces derniers sont éligibles au crédit impôt recherche contrairement à l’Inrap ou aux collectivités, relève le ministère de la Culture appréciant que « la Cour note à juste titre la forte baisse des prix pratiqués par les opérateurs privés ».

Pour la cour, l’Inrap doit toutefois « engager des réformes plus profondes afin d’améliorer sa productivité dans un contexte marqué par une concurrence accrue ». Elle suggère de recadrer la politique d’archéologie préventive, de réviser les implantations territoriales de l’Inrap.

Elle préconise aussi de « redéfinir » le régime indemnitaire des agents, ou encore « d’étudier les mesures permettant de réduire les effets du vieillissement de l’effectif sur la productivité, notamment par le développement de la mobilité interne et externe des agents »… Concrètement de réduire les effectifs.

En phase, les ministères financiers de Bercy proposent de « réduire les diagnostics archéologiques inutiles », ou encore de limiter l’activité de fouille. Ils estiment eux aussi que l’Inrap doit « faciliter les reconversions de ses personnels vers une deuxième carrière, ce qui pourrait passer par des modifications du statut particulier des agents, l’archéologie de terrain n’étant pas un métier pouvant être accompli sur une carrière complète ». 


Zoom : Un institut public essentiel aux fouilles et à la recherche
L’Inrap (2 000 salariés) dispose d’un budget de 160 millions d’euros, provenant notamment des activités de fouille payées par les aménageurs (collectivités, entreprises…) à travers une redevance (RAP) créée en 2001 et réinscrite depuis cette année dans la loi de finances. L’Inrap est, selon la Cour des comptes, « l’opérateur le plus important et le seul qui couvre la totalité du spectre des activités de l’archéologie préventive », dont la recherche. L’institut intervient sur près de la moitié (47,9 %) des fouilles.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante