Bangladesh : la répression est toujours là, les syndicats aussi

International par Evelyne Salamero

Photographie de Tareq Salahuddin from Dhaka, Bangladesh (DSCN1647) [CC BY 2.0], via Wikimedia Commons

Près de quatre ans après l’effondrement de l’immeuble Rana Plazza qui avait causé la mort de 1 130 ouvrières et ouvriers d’ateliers textiles le 24 avril 2013, les salaires bangladais restent dramatiquement faibles, la répression gouvernementale et patronale particulièrement fortes et les salariés et les syndicats… Toujours aussi combattifs. Dans un contexte particulièrement tendu, La signature il y a quelques jours d’une convention collective avec une entreprise textile de la zone industrielle de Dacca est mise en avant par la fédération syndicale internationale IndustriALL global union comme un précédent à exploiter au maximum.

Avec 4,5 millions de salariés dans le secteur, dont 80% de femmes, le Bangladesh est le deuxième plus grand producteur de textile et de vêtements au monde, après la Chine. Ces dernières années, de nombreuses entreprises chinoises y ont en effet délocalisé leur production, après avoir dû concéder quelques augmentations de salaires dans leur propre pays. Le Bangladesh est donc devenu le deuxième atelier de confection de prêt à porter pour les grandes marques mondiales.

Le 12 décembre dernier, plusieurs milliers d’ouvrières et d’ouvriers du textile d’Ashulia, banlieue de capitale bangladaise Dacca et centre névralgique de la production de vêtements du pays, se sont mis en grève pour obtenir le triplement du salaire minimum et ne plus être obligés d’accumuler des dizaines d’heures supplémentaires pour pouvoir à peine nourrir leurs familles.

Au moins 1 600 grévistes licenciés, des centaines poursuivis en justice, des syndicalistes arrêtés

Les représailles ont été immédiates. Au moins 1 600 grévistes ont été licenciés. Les descentes des forces de police se sont multipliées aux domiciles des responsables syndicaux, dont plus d’une dizaine ont été arrêtés. Les locaux des syndicats ont été envahis, vandalisés et fermés de force, les bulletins d’adhésion brûlés et le mobilier retiré. Des poursuites ont été engagées contre 600 travailleurs et syndicalistes.

Quelques jours plus tard, la Première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, s’est réunie à Davos avec des chefs d’entreprises et des responsables politiques du monde entier, à qui elle a assuré que les relations du travail étaient harmonieuses au sein de l’industrie du prêt-à-porter dans son pays et que celui-ci était fermement résolu à mettre le secteur de la confection en conformité.

Intervention du mouvement syndical international

Les fédérations internationales IndustriALL et UNI se sont associées à LabourStart [1] pour publier une pétition en ligne demandant au gouvernement du Bangladesh de libérer les détenus et de mettre fin à la répression à l’encontre des travailleurs du textile.

Le 31 janvier, les deux internationales et la CSI (Confédération syndicale internationale), dans un texte [2] signé de leurs trois secrétaires généraux, ont pris position en faveur d’une remise en question par l’Union européenne de sa politique commerciale à l’égard du Bangladesh, lui reprochant de ne pas assez demander de comptes au gouvernement du pays et se prononçant en faveur d’une enquête dans le cadre des accords commerciaux.

Sur place, une première convention collective voit le jour

Le 14 janvier, la fédération syndicale Sommilito Sramik (SGSF) et la direction de l’entreprise Donglian Fashion, propriété d’une maison mère japonaise, ont signé une convention collective de deux ans qui prévoit notamment une augmentation du salaire annuelle, des congés payés, un congé maternité, une procédure de résolution des conflits, et des mesures d’hygiène et de sécurité.

La signature de cette convention représente un spectaculaire retournement de situation, sachant qu’un conflit du travail dans cette même entreprise avait débouché en 2015 sur la mise à pied de 12 syndicalistes, depuis réintégrés, explique IndustriALL global Union.

C’est aussi un important précédent pour tout le secteur, souligne la fédération internationale, qui salue le travail syndical mené en commun avec son affilié japonais, le syndicat UA Zensen.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

Notes

[1IndustriALL global union, fondée en 2012, regroupe les fédérations internationales de la métallurgie, de la chimie, de l’énergie, des mines et du textile. UNI global union regroupe celles de des employés, techniciens et cadres, des communications, de l’industrie graphique, et de l’information. LabourStart est un réseau mondial de solidarité syndicale.

[2L’article a été publié dans le journal en ligne Euroactiv.fr, spécialisé dans l’actualité des politiques européennes.

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