Bashung revient tout en Fantaisie militaire

Rock par Michel Pourcelot

Il y a cinq ans Alain Bashung, chanteur sinusoïdal, faussait compagnie. Aujourd’hui reparaît Fantaisie militaire. Cet album, sorti en 1999, est considéré comme l’un de ses meilleurs.

Tout l’attrait de Bashung pour les collisions de sens transparaît dans les deux mots du titre de cet album, son dixième. Couronné de quelques Victoires de la musique, dont celle du meilleur album des vingt dernières années en 2005, et classé 9e au palmarès des 100 meilleurs albums de rock français par le magazine Rolling Stone. Le revoici, accompagné de deux autres CD, dans un coffret fort éclairant sur ce chanteur sombre et incisif, disparu corps et biens en 2009.

Né le 1er décembre 1947, de parents ouvriers, père kabyle jamais connu, mère bretonne, portant le nom de son père adoptif, Bashung (alors avec un c) débute très jeune, dans les années 60, avec un groupe de rock. Par la suite, il émerge vaguement le flot des chanteurs de variétés, puis, peu motivé, disparaît de la surface, pour, en 73, s’incarner en Robespierre dans une comédie musicale sur la Révolution française. Après diverses tentatives plus ou moins rock, à 33 ans, le succès lui tombe dessus avec Gaby oh Gaby, à l’origine une face B de 45 tours et finalement vendu aux alentours du million. Ce qui scelle pour un temps son association avec l’auteur Boris Bergman. Pour en tirer l’écume, Bashung, auto-proclamé autiste compositeur, usera également d’autres fournisseurs aux calembours douteux et à l’égrillardise maladroite, mettant soigneusement leurs textes à distance par un chant faussement convaincu. Une pudicité façon Gainsbourg, avec qui d’ailleurs il collabore en 1982 pour l’album Play Blessures. Concernant Fantaisie militaire, l’écriture revient à Jean Fauque, autre poisson-pilote de la variété rock délavée. Côté musique, de sérieuses contributions sont fournies par Rodolphe Burger, Joseph Racaille, les Valentins, et le guitariste de Portishead, Adrian Utley. Le tout capté par Ian Caple, producteur ayant œuvré avec Stevie Wonder, Tindersticks, Higelin et Kate Bush. Certes, cette réédition ne rend pas justice à tous les apports musicaux, parfois à la limite de l’expérimental, amenés par Bashung, brumeux et amer capitaine à la longue carrière, mais elle permet d’entrevoir, grâce à de nombreuses versions alternatives, combien ce pécheur en eaux troubles sondait ses morceaux pour leur donner profondeur et vertige.

Fantaisie militaire d’Alain Bashung.
3 CD (Barclay). Sorti le 4 novembre 2014.
Prix autour de 29,00 €

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante