Brésil : ouverture des JO dans un pays en proie à l’une des plus grandes crises de son histoire

International par Evelyne Salamero

Politique, économique et social : la crise brésilienne sévit sur tous les fronts. C’est en 2009 que le géant latino-américain, alors considéré comme une puissance émergente particulièrement dynamique, avait décroché les JO d’été. Mais la situation n’est plus du tout la même.

La journée d’ouverture des premiers Jeux Olympiques organisés en Amérique du Sud, ce 5 août à Rio, sera également marquée par une manifestation qui n’aura rien d’officielle. Cette initiative, soutenue par plusieurs organisations dont la centrale syndicale la plus importante du pays en nombre d’adhérents, la CUT (Confédération unique des travailleurs), a pour objectif, explique cette dernière, « d’alerter le monde sur le coup d’État en cours au Brésil ».

La manifestation qui commencera à 11 heures, soit sept heures avant la cérémonie d’ouverture des jeux, en face de l’hôtel Copacabana Palace, « sera l’occasion de briser le silence imposé par les médias nationaux qui protègent le coup d’État du gouvernement Michel Temer », a souligné le Secrétaire général de la CUT, Sergio Nobre.

La crise politique

La présidente Dilma Roussef a en effet été destituée le 12 mai dernier, dans le cadre de ce que la CSI (Confédération syndicale internationale) a condamné comme « une manœuvre politique visant à saper les énormes progrès réalisés durant les années qui ont suivi la première élection de Lula, prédécesseur de Dilma Roussef… ».

Dilma Roussef a été accusée d’avoir maquillé les comptes publics pour minimiser l’ampleur du déficit public l’année de son élection, ce qui lui a valu d’être suspendue pour un délai de six mois, le temps d’être jugée.

Tous ses prédécesseurs ont eu recours à cette pratique sans jamais avoir été inquiétés, a-t-elle fait valoir, argument que ses adversaires ont superbement ignoré.

Depuis la destitution de Dilma Roussef, le nouveau gouvernement, censé assainir l’économie et créer un climat propice aux investissements, a vu trois de ses ministres démissionner en l’espace d’un mois après avoir été impliqués dans le scandale de corruption mêlant le groupe public Petrobas, des entreprises privées du BTP et des dirigeants politiques. Le président intérimaire, Michel Temer, a lui-même été mis en cause mi-juillet, alors que le vote définitif pour le confirmer à son poste doit avoir lieu au Sénat fin août.

La crise économique

Mais, à en croire ce gouvernement qui, 24 heures après avoir remplacé Dilma Roussef, avertissait la population qu’elle devait se préparer à des « mesures difficiles » d’austérité, ainsi que le patronat brésilien, la cause première de la crise économique serait un coût du travail trop élevé.

En réalité, le pays a subi la chute des prix des matières premières agricoles et minérales qui représentent la moitié de ses exportations. La baisse des cours du pétrole a touché de plein fouet le groupe Petrobas, sans parler de la corruption.

Dès le 20 avril, alors que la campagne pour la destitution de Dilma Roussef battait son plein, la CSI (Confédération syndicale internationale), approuvait une déclaration de son organisation régionale pour les Amériques, la CSA, appelant au respect de la démocratie et de l’État de droit.

Sa secrétaire générale, Sharan Burrow, déclarait notamment : « …Les plans de ceux qui cherchent à remplacer Dilma Roussef voient à présent le jour : privatisations, vente de biens nationaux, affaiblissement des protections en matière de travail, réduction des programmes sociaux et confier à nouveau l’économie aux oligarchies corrompues et cupides ».

La crise sociale

Depuis, les faits ne cessent de confirmer cette appréciation.

Sans même attendre d’être définitivement confirmé à son poste fin août, le président intérimaire Michel Temer, s’est déclaré prêt à céder au secteur privé « tout ce qui est possible en matière d’infrastructures », révélant que les privatisations des aéroports de Rio et São Paulo, de la Poste, des ports, des entreprises d’assurance et du secteur électrique sont d’ores et déjà à l’étude.

Au programme également : une réforme des retraites et une loi travail qui prévoit notamment une inversion de la hiérarchie des normes et une remise en cause du principe de faveur à la brésilienne puisque les accords pourront désormais déboucher sur des droits inférieurs au minimum légal.

Dans ce contexte, le patronat se sent pousser des ailes. Le président de la CNI (Confédération nationale de l’industrie) s’est ainsi récemment prononcé pour la semaine de 60 heures. Le Vice- Président de la fédération des industries de Sao Paulo a lui déclaré que les brésiliens devraient s’inspirer d’autres pays où, en guise de pause déjeuner, « les travailleurs mangent d’une main et utilisent la machine de l’autre ».

Mobilisation syndicale à l’ordre du jour

Mais, cela serait sans compter avec le mouvement syndical, traditionnellement très combatif dans ce pays.

Alors que s’ouvre la période des négociations salariales du deuxième semestre dans tout le pays, le lancement de la traditionnelle campagne nationale des organisations syndicales pour peser sur ces négociations, a été l’occasion de le rappeler.

Le 29 juillet, à l’occasion d’un rassemblement devant le siège de son syndicat de la métallurgie de São Paulo (ABC), la CUT a annoncé « construire une grande mobilisation nationale ». Opposée tant à la réforme des retraites qu’à celle du marché du travail, la confédération syndicale, qui « ne reconnait pas des putschistes comme gouvernement », appelle à « l’unité de toutes les catégories pour la défense des droits des travailleurs ».

Le syndicat Força Sindical, qui a accepté de négocier avec le nouveau gouvernement la réforme des retraites pour les nouveaux embauchés, n’en appelle pas moins à une journée de mobilisation nationale le 16 août pour « l’emploi et la garantie des droits ».

A l’évidence, rien n’est joué au Brésil. Derrière la scène sur laquelle vont se dérouler les Jeux Olympiques, la crise reste ouverte.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

Sur le même sujet