« Brexit » : « sortir la tête haute » en affaiblissant l’UE et les droits sociaux ?

Europe par Secteur International Europe

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Dans un courrier adressé au président du Conseil européen Donald TUSK le 10 novembre, le Premier ministre Britannique David Cameron demande à l’Union européenne une série de réformes pour garantir le maintien de la Grande Bretagne dans l’UE. Il y présente les changements politiques qu’il estime nécessaires ; changements qui répondent d’une double logique d’exemption et d’ultralibéralisme économique.

Les propositions de réforme de la Grande-Bretagne se fondent sur le mot clé de « flexibilité ». Sur le plan de la gouvernance économique, partant du principe que l’UE s’est construite à « deux vitesses » avec en son sein une zone euro, la GB demande à ce que l’intégrité du Marché unique et les intérêts des États non membres de la zone euro soient garantis. Pour ce faire, la GB appelle à l’adoption de principes juridiquement contraignants qui agiraient comme une « clause de sauvegarde » des intérêts de tous les États membres : la non-discrimination sur la base de la monnaie ; toute réforme de l’Eurozone, notamment la création d’une Union bancaire, devrait être volontaire pour les États hors zone euro ; l’assurance que les citoyens hors zone euro (donc les britanniques…) ne seront pas responsables financièrement pour des opérations de soutien de la zone euro.

Sur le plan de la compétitivité, la GB réaffirme son soutien à la logique d’allègement des coûts bureaucratiques et administratifs (le mot de « REFIT » n’est pas prononcé mais c’est bien de cela qu’il s’agit : « the burden from existing legislation is still too high »).

Sur le plan de la souveraineté, la Grande Bretagne décide unilatéralement que l’obligation de travailler à un « Union de plus en plus serrée » ne s’appliquera plus à elle, et qu’elle souhaite le consacrer dans un texte communautaire contraignant et irréversible. Elle veut renforcer le poids des parlements nationaux par rapport au PE – les premiers pourraient ensemble bloquer une initiative législative au niveau de l’UE – et la mise en œuvre complète du principe de subsidiarité.

La politique migratoire occupe le centre de ce courrier. « Dépassée » par une population en constante progression, la GB ne pourrait plus assumer ces flux de migrants et l’UE devrait être capable d’ « exercer un plus grand contrôle sur les arrivées dans l’UE », et ce pas seulement depuis l’extérieur, c’est-à-dire depuis les pays tiers. Très ferme sur les soit disant « abus » à la libre circulation, le pays demande des sanctions plus fortes contre les fraudeurs (empêchements de retour ; plus de moyens de déportation des criminels…).

Les propositions de Cameron mettent en lumière les limites d’une Union européenne fragmentée économiquement. Appliquées à la lettre, elles rendraient pratiquement impossible les projets d’Union harmonisée par le haut, notamment en matière sociale, tant Cameron table sur le retour de la souveraineté dans tous les domaines.

Le Secrétaire général de la CES, Luca Visentini, a rappelé que « Les syndicats européens appelleront leurs gouvernements et les institutions européennes à refuser d’ouvrir des négociations portant sur des changements qui remettraient en cause la libre circulation des travailleurs et le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale ». « Les syndicats ne peuvent admettre la moindre discrimination à l’égard de travailleurs originaires d’autres États membres. ». « Nous ne pouvons accepter de modification des traités ou de changement législatif ou encore de clause d’exemption concernant ces droits fondamentaux. L’UE ne peut permettre à David Cameron de porter atteinte aux droits des travailleurs où que ce soit en Europe et nous agirons avec fermeté pour nous assurer qu’il n’y parviendra pas. ».

En septembre 2015, les syndicats britanniques TUC avaient voté un texte lors de leur congrès annuel menaçant d’appeler à voter pour la sortie de l’UE si un éventuel accord avec l’UE conduisait à affaiblir les droits des travailleurs.

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