Climat : les syndicats veulent que leurs revendications soient intégrées à l’accord entre les Etats

International par Evelyne Salamero

Sommet syndical sur le climat au Conseil économique, social et environnemental (CESE) les 14 et 15 septembre. F. Blanc FO Hebdo - CC BY-NC 2.0

Des créations d’emplois, des garanties pour les salariés des énergies fossiles, des formations, de nouvelles qualifications, de bonne conditions de travail, une protection des populations les plus vulnérables et les plus touchées, des investissements publics, des services publics en première ligne... Au terme de deux journées de travaux, le mouvement syndical international a présenté ses revendications au président de la COP 21, le ministre des affaires étrangères français, Laurent Fabius. De vive voix.

« Dans mon pays, le futur c’était hier ». Ces mots de Massiel Figuereo, syndicaliste de la République dominicaine à la tribune du Sommet syndical sur le climat organisé par la CSI (Confédération syndicale internationale) ces 14 et 15 septembre à Paris, résument l’une des principales préoccupations exprimées par les participants face au réchauffement climatique et ses conséquences : l’urgence.

Périodes de sécheresse de plus en plus longues et incendies pour certains pays, typhons de plus en plus violents et inondations de plus en plus sévères pour d’autres, montée des eaux, destructions d’usines, d’habitations, de récoltes, de troupeaux, déplacements de populations, développement du travail de nuit pour échapper à la chaleur... de nombreux syndicalistes ont expliqué être -déjà- confrontés à ces situations.

« Il faut construire des droits et des compensations aux nouvelles contraintes »

L’autre inquiétude majeure exprimée dans l’hémicycle du Cese (Conseil économique, social et environnemental) durant ces deux jours a été celle suscitée par l’absence de toute référence à une dimension sociale dans le projet d’accord en cours de négociation entre les gouvernements et dont la version définitive devrait voir le jour à l’issue de la conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP 21) en décembre prochain à Paris.

Quatre jours auparavant, les syndicalistes avaient en effet pu constater, lors de la présentation officielle de la COP 21 par le président de la république François Hollande, que les organisations syndicales et la question sociale ne font pas partie du programme à ce jour.

Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, président de la COP 21, ayant répondu à l’invitation de la CSI, a pu entendre en direct la réaction des dirigeants syndicaux ce 15 septembre au matin.

« En tant que sélectionneur, vous avez délibérément placé les organisations syndicales sur le banc de touche. Pour Force Ouvrière cela nous fait craindre que la feuille de match que vous êtes en train d’élaborer n’intègre aucune dimension sociale (...) Lutter contre le réchauffement climatique nécessite une adaptation au travail et est potentiellement créateur d’emplois. Les revendications de la CSI doivent être impérativement intégrées aux décisions concrètes engageant les États au sortir de la COP », a notamment déclaré Pascal Pavageau, secrétaire confédéral FO. « Pour les salariés on va avoir des transferts forcés, il faut donc construire des droits et des compensations à ces nouvelles contraintes et pénibilités. Il faut par conséquent renforcer le dialogue social au niveau des branches professionnelles », a souligné le secrétaire confédéral FO.

« Prendre la mesure du potentiel d’emploi qu’offre l’action contre le réchauffement climatique »

Bernadette Ségol, secrétaire générale de la CES (Confédération européenne des syndicats) a de son côté insisté sur le risque pour les États de « perdre le soutien d’une partie du monde syndical », expliquant au Ministre : « Nous sommes des responsables syndicaux qui ne sommes pas corporatistes, nous avons une vision globale de ce qu’il est nécessaire de faire pour le bien commun mais les travailleurs ont peur parce qu’ils vont perdre leurs emplois ».

Revoir à la hausse l’ambition de l’accord entre les États pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2° et prendre la mesure du potentiel d’emplois qu’offre l’action contre le réchauffement climatique ; tenir l’engagement des pays développés de mobiliser 100 milliards de dollars d’ici à 2020 pour aider les pays et les populations les plus pauvres à s’adapter au changement climatique ; et enfin : s’engager à assurer une « transition juste » pour les travailleurs actuellement employés dans des branches d’activité à forte émission de carbone... Il revenait à Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI de transmettre ces trois demandes fondamentales de la CSI au Président de la COP 21, et même de lui faire signer, en un geste symbolique destiné à bien faire comprendre au ministre à quel point les participants au sommet comptent sur son engagement.

Si le ministre a volontiers apposé sa signature, ses propos n’ont pas totalement rassuré l’assistance. « Le ministre a rappelé les interventions standards du gouvernement français, que nous connaissons, mais nous ne voyons pas se concrétiser une démarche sociale », a notamment déclaré Pascal Pavageau lors de la conférence de presse à l’issue du sommet.

« La COP donnera-t-elle le financement nécessaire pour les pays et les populations les plus pauvres ? »

« J’ai vu de très belles choses à Paris, j’apprécie beaucoup le discours très encourageant du ministre. Mais je suis très nerveux quand je regarde ce qui se passe dans mon pays, au Ghana, où le chômage ne cesse d’augmenter où les plus pauvres doivent vendre leurs biens et se retrouvent à la rue. C’est encore pire dans d’autres pays, au Mali, au Tchad, au Niger... Pouvons-nous, M. Le Ministre, avoir votre assurance que ce que vous avez dit sera mis en œuvre et que notre nervosité pourra disparaître à la fin de la COP 21. La COP donnera-t-elle le financement indispensable ? » a interrogé, de la salle, un syndicaliste africain après l’intervention du ministre.

Par de là l’aide aux pays développés, la question du financement de la lutte contre le réchauffement climatique est apparue comme une question clé au cours des débats. Les syndicalistes ont insisté sur le rôle des services publics et sur la nécessité que les investissements nécessaires à la transformation industrielle et à la « transition juste » soient prioritairement publics. Plusieurs, comme le représentant de la Confédération brésilienne (CUT), celui du syndicat NUMSA d’Afrique du Sud, ou encore Pascal Pavageau pour FO ou David Boys, représentant de l’Internationale des Services Publics, ont clairement pris position contre les Partenariats –Public-Privé (PPP), estimant qu’un enjeu aussi important pour l’humanité que la lutte contre le réchauffement climatique ne doit en aucune façon passer sous le contrôle d’entreprises privées avant tout soucieuses de leurs profits.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante