Collaborateurs parlementaires : pas de licenciements au rabais

Emploi et Salaires par Valérie Forgeront

Les assistants autrement appelés collaborateurs parlementaires demandent toujours l’obtention d’un statut actant de leurs droits de salariés. Ils demandent aussi à bénéficier de licenciements économiques contre les licenciements pour motif personnel pratiqués actuellement mais moins avantageux au plan des droits et de l’indemnisation. Un jugement récent des prud’hommes vient apporter de l’eau à leur moulin.

Alors que la date des élections législatives approche (11 et 18 juin), les collaborateurs parlementaires (2 000 salariés environ) revendiquent plus que jamais l’obtention d’un statut à travers une convention collective voire la création d’une branche professionnelle. Et pour cause.

Alors que par ces élections le mandat de certains députés –qui sont à l’Assemblée les employeurs des assistants parlementaires- ne sera pas renouvelé, les salariés (cadres, contractuels de droit privé sous CDI ou CDD et assimilés à des salariés de TPE) d’un député non réélu seront en conséquences licenciés.

Le syndicat national FO des collaborateurs parlementaires (SNCP-FO) réitère sa demande de licenciements économiques pour les salariés concernés et non, comme à l’heure actuelle de licenciements pour motif personnel aux moindres conditions d’indemnisations.

Si depuis des mois, le syndicat SNCP-FO remue en quelque sorte ciel et terre afin d’être entendu des parlementaires et du gouvernement, rien n’est encore acquis… Même si les choses avancent.

Des avancées à petits pas

Ainsi, au prix d’une longue négociation, les syndicats dont le SNCP-FO et l’association des députés-employeurs (créée en mai 2016) avaient signé le 24 novembre 2016 un accord collectif —certes a minima— traduisant une avancée notable vers la reconnaissance d’un statut pour ces salariés. Aucune autre avancée n’a toutefois été visible dans les premiers mois de 2017.

Le 19 avril, alors que les différents syndicats d’assistants dont FO organisaient une marche de protestation à Paris, la ministre du Travail d’alors, Mme Myriam El Khomri avaient accepté de recevoir les représentants de ces six syndicats de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Si à la veille d’un scrutin présidentiel, la rencontre n’a débouché sur aucune décision concrète quant à la reconnaissance des droits des collaborateurs parlementaires, la ministre a toutefois donné mandat à la Direction générale du Travail (DGT) d’apporter une assistance technique pérenne (pour les relations avec le Parlement, Pôle emploi) à ces syndicats dans le cadre de leur combat pour l’obtention d’un statut et rappelle FO à fournir une note concluant à la possibilité du licenciement économique.

En attente de rencontres

Qu’en est-il aujourd’hui alors qu’un nouveau gouvernement a été nommé ? La note de la DGT est toujours attendue indique Thierry Besnier, le secrétaire général du SNCP-FO. Les syndicats dont FO ont par ailleurs demandé à être reçus par la nouvelle ministre du Travail, Mme Pénicaud.

Alors qu’un projet de loi de moralisation de la vie politique devrait être présenté en conseil des ministres à la mi-juin —projet qui devrait inclure des mesures portant sur les collaborateurs parlementaires—, les syndicats demandent à être reçus par le ministre de la Justice, M. François Bayrou.

S’il n’y a pas de véritable statut pour les collaborateurs, alors il n’y aura pas de véritable transparence de la vie politique indique Thierry Besnier craignant que le projet en consacrant un traitement indépendant des deux chambres (Assemblée et Sénat) complique la possibilité de créer un statut de collaborateur applicable tant à l’Assemblée qu’au Sénat et assorti de la mise en place d’instances de dialogue social dans les deux chambres.

Le syndicat FO avait écrit par ailleurs aux candidats à l’élection présidentielle en faisant part de ses revendications concernant un futur statut et en souhaitant notamment l’interdiction d’une double activité pour les assistants parlementaires. Ces courriers sont restés sans réponse.

Que les députés choisissent !

Sachant que la fin de la législature approche à grands pas, le SNCP-FO (syndicat majoritaire) a écrit aux députés-employeurs —dont certains semblent prêts à discuter d’un statut— et souligné « l’urgence » de la situation en matière de licenciement… FO les invite ainsi à pratiquer des licenciements économiques et non des licenciements pour motifs personnels.

Dans le premier cas, les collaborateurs licenciés bénéficient d’une allocation chômage à hauteur de 75% de leur salaire brut. Dans le deuxième cas, l’allocation chômage est égale à seulement 57% du salaire brut et ce mode de licenciement prive par ailleurs ces salariés de l’accès au Contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

FO demande donc aux députés employeurs « d’imposer » leur choix d’un licenciement économique de leur(s) collaborateur(s) à la gestion financière parlementaire et de minimiser le risque de contentieux. Qu’est-ce que cette gestion financière parlementaire ? Si les députés sont les employeurs des collaborateurs parlementaires et les rémunèrent (en moyenne 2 400 euros nets pour un temps plein) sur la base d’une enveloppe appelée crédit collaborateurs, ils délèguent aux services administratifs et financiers de l’Assemblée la gestion des contrats collaborateurs.

L’Assemblée est co-employeur

L’existence de ce mandat de gestion externalisé, confié à l’Assemblée montre que cette dernière est bien notre co-employeur explique Thierry Besnier. Et les services de l’Assemblée pèsent lourd dans les décisions pas forcément avisées des employeurs, les députés.

Certains d’entre eux ont demandé à ces services des explications sur le bienfondé des licenciements économiques mais se sont tout simplement fait renvoyer dans les cordes indique le SNCP-FO. D’autres ont demandé à cette gestion déléguée de l’Assemblée de les avertir sur le risque de contentieux avec l’ex-salarié en cas de licenciement pour motif personnel… Le mode licenciement des collaborateurs semble donc toucher de plus en plus les députés-employeurs, souvent auteurs malgré eux d’un licenciement au rabais pour leurs collaborateurs constate FO.

C’est bien le licenciement pour motif personnel qui est imposé par les services de la gestion financière parlementaire de l’Assemblée s’irrite le SNCP-FO. A l’heure actuelle, si un député veut licencier son collaborateur pour motif économique, il est contraint de quitter la gestion déléguée par l’Assemblée. C’est ni plus ni moins qu’une forme de chantage, tant pour les parlementaires que pour les collaborateurs, d’autant plus que les députés se retrouvent seuls si le salarié illégalement licencié pour motif personnel décide de saisir le conseil des Prud’hommes en vue de contester son licenciement.

Les Prud’hommes ont tranché

En guise d’information aux députés-employeurs le SNCP-FO rappelle toutefois que l’aspect juridique a été tranché par un récent jugement des prud’hommes.

En janvier dernier en effet, un député qui à l’origine souhaitait licencier sa collaboratrice par licenciement économique l’avait finalement licenciée pour motif personnel sur les conseils semble-t-il de l’administration de l’Assemblée. Mal lui en a pris.

Ce député a été contraint sur décision —en référé— des Prud’hommes à pratiquer un licenciement économique au risque d’une astreinte de 30 euros par jour et par document (documents Pôle emploi nécessaire à l’indemnisation et à l’accès au contrat CSP). Il a dû payer les frais de justice et rembourser les frais de procédure à la salariée. Le 22 mai, un second référé a confirmé cette décision se réjouit le SNCP-FO. A bon entendeur ?

FO rappelle par ailleurs que les syndicats ont le pouvoir d’agir en substitution, soit d’assigner le député-employeur au nom de son employé pour contester le motif de licenciement. Une cinquantaine de collaborateurs parlementaires ainsi que des députés sont déjà venus se renseigner auprès du SNCP-FO…

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

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