Collaborateurs parlementaires : un premier accord collectif bien modeste

Emploi et Salaires par Valérie Forgeront

Hémicycle de l’Assemblée Nationale lors du vote d’une loi en 2009. Par Richard Ying et Tangui MorlierTravail personnel, CC BY-SA 3.0, Lien

Les syndicats de collaborateurs dont le SNCP-FO et l’association des députés-employeurs viennent de signer ce 24 novembre un accord collectif marquant un premier pas vers la reconnaissance d’un statut pour ces salariés. L’accord est cependant limité regrette FO qui lance une série d’actions.

Employeurs, ne suivez pas notre exemple. Telle pourrait être la devise accrochée au fronton de l’Assemblée nationale au vu du combat mené depuis des années par les collaborateurs parlementaires (2018 salariés) cherchant à obtenir la reconnaissance de leur statut à travers une convention collective.

Un premier pas vient toutefois d’être franchi. Ce 24 novembre, les syndicats de collaborateurs, dont le SNCP-FO, et l’association des députés-employeurs (créée en mai dernier) ont signé un accord collectif. Il est certes limité regrette FO. Mais il a le mérite d’exister. Il entrera en vigueur en mars 2017.

Parmi ses mesures, l’accord rétablit la prime de précarité (supprimée en 2010 par les questeurs, en quelque sorte l’administration de l’Assemblée) que perçoivent ces salariés à l’occasion de la non-réélection du député, laquelle entraîne leur licenciement.

Le texte prévoit aussi un accord sur le forfait-jours qui permettra aux salariés dits autonomes (ceux travaillant selon le principe d’un forfait annuel en jours) de bénéficier de congés supplémentaires.

Aujourd’hui, la majorité des collaborateurs travaille largement au-delà de 35h, mais beaucoup peinent à prendre de congés au-delà des cinq semaines sans que les heures supplémentaires soient rémunérées. Les députés ont donc un levier pour sortir de l’illégalité dans laquelle ils étaient jusqu’à présent, du moins pour leurs salariés autonomes.

Salariés de TPE

Cet accord est inédit et jusqu’à peu il semblait encore improbable. C’est le premier du genre. Il n’y avait jamais eu de négociations sociales de ce type depuis la création du métier de collaborateur dans les années 1970 explique Elsa Foucraut, secrétaire générale du SNCP-FO.

On ne pourra plus dire, comme on nous le disait avant, qu’il est impossible de négocier un accord de convention collective entre députés et collaborateurs. La preuve est faite qu’il n’y a aucun obstacle, à part le manque de volontarisme politique.

Contractuels de droit privé (sous CDI ou CDD), assimilés à des salariés de TPE, ces collaborateurs sont en charge des discours d’un parlementaire (ou d’un groupe, d’un président de commission…), de sa communication, de travaux sur des textes de loi. Parfois ils se muent en assistants de direction, assument des tâches administratives…

Ils sont rémunérés par le député sur la base d’une enveloppe nommée « crédit collaborateur ». La gestion administrative de leurs contrats ainsi que l’édition de leurs fiches de paye sont toutefois gérées par les services administratifs de l’Assemblée.

Indispensables au travail des parlementaires, ces collaborateurs évoluent au cœur du pouvoir législatif, dans un monde où l’on bâtit et vote les lois de la République. Leurs conditions d’emplois sont toutefois bien loin de celles que l’on pourrait attendre dans un tel univers en ce début de XXIe siècle.

« La mentalité n’a pas évolué »

Le syndicat pointe notamment la forte méconnaissance du droit du travail chez les députés mais aussi le décalage important entre les discours politiques et la pratique. Ainsi souligne Elsa Foucraut, les négociations de cet accord se sont déroulées pendant la loi Travail. Pendant des mois, les députés de tous bords politiques ont promu la négociation collective et le rôle des partenaires sociaux… Mais pour les autres seulement !

Le SNCP-FO constate aussi que la mentalité générale n’a pas évolué. Les questeurs imposent le contenu de ce qu’ils sont prêts à concéder aux collaborateurs, sous un format à prendre ou à laisser même si cela revêt désormais les apparences du dialogue social. En pratique, les syndicats n’ont pas eu de réelles marges de négociation puisque nos propositions ont été pratiquement toutes rejetées.

Ainsi regrette le SNCP-FO il n’y aura donc ni élections professionnelles, ni commissions paritaires de négociations, ni délégués du personnel, ni décharge horaire pour les représentants des collaborateurs participant aux négociations, ni aucun engagement des députés à rouvrir les négociations plus tard sur d’autres sujets.

Pour FO, cet accord ne présente aucun gage sérieux de pérennité et occulte la question majeure de l’exercice du dialogue social. Il signe paradoxalement l’échec de la voie de la négociation collective pour régler durablement la question du statut des collaborateurs parlementaires.

Face à cette situation, le SNCP-FO a décidé de durcir le ton en lançant une série d’actions.

Faire reconnaître leurs droits

Le syndicat FO saisit ainsi les inspections du Travail les invitant à réaliser des visites dans les permanences parlementaire et à se préoccuper notamment de la question du temps de travail. Il saisit aussi l’Urssaf soulignant les irrégularités en matière de cotisations sociales, cela en rapport avec le temps de travail.

Le SNCP-FO saisit aussi la Cramif (Assurance maladie), relevant l’erreur de taux de cotisations sociales pour les risques professionnels appliqués aux collaborateurs. Cette erreur induit d’ailleurs un manque à gagner pour la sécurité sociale de plus 300 000 euros par an souligne FO qui saisit aussi l’Agirc-Arcco.

Le syndicat conteste le fait que les services administratifs de l’Assemblée corrigent régulièrement les contrats déjà signés pour retirer le statut cadre à des collaborateurs, sans en informer les parties. Le SNCP-FO note que 36% seulement des collaborateurs parlementaires sont des cadres alors que ce taux devrait plutôt avoisiner les 80%.

FO, qui stigmatise l’écart de 11% entre les salaires des collaborateurs hommes et ceux des femmes a décidé de saisir aussi le ministère aux droits des femmes pour lui demander son soutien afin d’obtenir la création d’une commission paritaire portant sur le thème de l’égalité professionnelle.

Le SNCP-FO ne compte pas arrêter là ses démarches. Il va demander au ministère du Travail la transformation de cet accord de branche non-étendu en accord de branche en bonne et due forme. Cette extension permettrait notamment l’obtention de négociations obligatoires

Le syndicat qui lance par ailleurs une campagne d’information en ligne sur le licenciement des collaborateurs (licenciés non pour motif économique mais pour motif personnel…) attend une décision de justice.

Suite au refus des députés d’organiser des élections professionnelles sur le site de l’Assemblée, le SNCP-FO avait en effet déposé un recours en mai 2015 devant le tribunal administratif de Paris. Le jugement en appel devrait intervenir en mai prochain.

Enfin, puisque les efforts visant -depuis 2012- à établir un dialogue social n’ont pas abouti déplore le syndicat FO, celui-ci se voit « contraint » de mener plusieurs actions en justice.

L’objectif est de « clarifier » la situation juridique des collaborateurs en demandant aux juges de se prononcer sur la nature réelle des contrats de travail, de l’employeur et des négociations qui ont eu lieu.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

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