Crise de croissance pour la vieille Allemagne

Revue de presse par Michel Pourcelot

Francfort-sur-le-Main, place financière et ville d’affaires.
Skyline Frankfurt 2011-01 par Thomas Wolf (Der Wolf im Wald) — Travail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.

Les récents fort mauvais chiffres économiques enregistrés en Allemagne, dont une baisse de 4% de la production industrielle, une hausse des demandeurs d’emploi ainsi qu’une menace de récession, semblent stupéfier une partie de la presse. Est-ce tant une surprise ?

La Voix du Nord
« L’Allemagne espérait rebondir au troisième trimestre, mais l’accès de faiblesse de son industrie, confirmée par un nouvel indicateur mardi (7 octobre), menace sa croissance et alimente même les craintes d’une récession technique pour la première économie européenne. La production industrielle a accusé un recul marqué de 4% en août sur un mois. Annoncées la veille, les commandes à l’industrie ont chuté de 5,7% ce même mois, leur plus gros plongeon depuis janvier 2009. » À force de rigueur, on coupe la vigueur.

Le Figaro
« Les chiffres macroéconomiques sont parfois trompeurs : si le taux de chômage est toujours historiquement bas, à 6,7%, le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté au mois de septembre : 12 000 chômeurs supplémentaires alors que les analystes s’attendaient à une baisse d’environ 2 000 personnes ». Ce n’est pas cela qui va relancer la consommation intérieure.

La Provence
« Et si le nombre de chômeurs a baissé de façon spectaculaire, le volume d’heures travaillées n’a pas progressé en Allemagne depuis vingt ans », souligne Olaf Gersemann, chef du service économique du groupe de médias Welt, qui, dans un livre récent, La bulle Allemagne, (Die Deutschland Blase) « démonte le mythe des réformes de l’État providence, menées au début des années 2000 par le chancelier Schröder, et qui ne sont "pas la raison du miracle de l’emploi en Allemagne". Les succès récents du pays viennent plutôt de sa puissante industrie automobile et de ses entreprises de machines-outils, parfaitement positionnées pour profiter de l’essor d’une vaste classe moyenne dans les pays émergents, notamment en Chine ». De plus, « l’effondrement des naissances a "considérablement allégé la facture des ménages et de l’État", aubaine à court terme seulement ».

La Tribune
Pourtant, certains ne voulaient rien voir : quand l’économie allemande s’était contractée de 0,2 % au deuxième trimestre, « beaucoup alors avaient cru à une simple correction technique s’expliquant par un hiver doux. Puis est venue l’explication de la crise en Ukraine. Mais en réalité, le ralentissement est plus général. Le moteur externe, le seul capable historiquement de porter l’Allemagne vers une croissance robuste, semble montrer quelques signes de faiblesse ». En revanche, les grosses fortunes se sont renforcées.

Libération
« Le patrimoine des 100 Allemands les plus riches a augmenté de 18,8% ces douze derniers mois, à 399,8 milliards d’euros "grâce à la forme des marchés financiers, à des bénéfices d’entreprises élevés, au boom du marché immobilier", souligne Manager Magazin. Celui des 500 plus grosses fortunes d’Allemagne se monte à 612 milliards d’euros (+16% sur un an) ».

Le Midi Libre
Aux dépens de qui ? « Le revenu moyen d’un ménage allemand a baissé de 3% depuis l’an 2000. La baisse a même atteint 5% pour les 10% les plus pauvres », relève l’économiste allemand Marcel Fratzscher. Président de l’Institut de recherches DIW à Berlin, il veut en finir, « comme d’autres économistes de premier plan, avec les clichés aussi flatteurs que "dangereux". Son pays est "en déclin" et "vit sur ses acquis", explique-t-il dans "Allemagne, l’illusion" (Die Deutschland Illusion) ». Une illusion qui aura bien servi les illusionnistes.

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante