Donald Trump nomme un gouvernement à son image : des « gens qui ont du succès » ou qui « gagnent de l’argent »

États-Unis par Nadia Djabali

Des soupçons de conflits d’intérêts planent sur de nombreux secrétaires d’État et responsables d’agence du gouvernement de Donald Trump. Voici le pedigree de cinq personnalités installées à des postes clés de l’administration qui doit entrer en fonction le 20 janvier 2017.

Un trio de généraux à la retraite, des grandes fortunes, des ultra conservateurs, des banquiers d’affaires ainsi que des personnalités affublées de sobriquets tels que « le roi de la faillite », « le roi de la malbouffe », « le faucheur de l’Alabama » ou encore « le chien enragé » ou « le moine guerrier », le gouvernement nommé par Donald Trump est à l’image du nouveau président des États-Unis : haut en couleur. Ces nominations doivent encore être validées par les sénateurs qui auditionnent les membres du gouvernement Trump. Une procédure obligatoire avant l’investiture du président du 20 janvier 2017.

Un certain nombre de nominations soulèvent cependant des réticences, y compris au sein du parti Républicain. Les soupçons de conflits d’intérêt touchent de nombreux membres de la nouvelle administration, à commencer par le premier d’entre eux, Donald Trump.

Walter Shaub, directeur du bureau d’éthique gouvernementale aux États-Unis estime que les garanties apportées par le nouveau président sont actuellement insuffisantes pour éviter les conflits d’intérêts entre la présidence et la Trump Organization qui détient des hôtels, des immeubles de luxe et des parcours de golf dans le monde entier.

Aux Affaires étrangères, l’ex-P.-D.G. d’ExxonMobile

« Des gagnants », des « personnes qui ont du succès » ou qui « gagnent de l’argent », ce sont les termes utilisés par Donald Trump pour définir son équipe. Parmi les nominations les plus controversées, le portefeuille des Affaires étrangères qui a échu à Rex Tillerson, l’ex-P.-D.G. d’ExxonMobil. En cause : ses très bonnes relations avec Vladimir Poutine ainsi que sa défense inconditionnelle de l’industrie pétrolière.

Au Travail : malbouffe et bas salaires

Autre nomination qui fait grincer de nombreuses mâchoires, celle d’Andrew Puzder au secrétariat au Travail, l’équivalent de notre ministère du Travail. Surnommé le roi de la malbouffe et des bas salaires, il est à la tête de l’entreprise de restauration rapide CKE Restaurants, qui détient les chaînes Carl’s Jr. et Hardee’s. Andrew Puzder est connu pour ses positions virulentes contre la hausse du salaire minimum actuellement fixé au niveau fédéral à 7,25 dollars de l’heure.

L’inquiétude des syndicats et d’une partie des salariés américains : que le nouveau ministre du travail abroge une mesure prise durant l’administration Obama, qui a étendu à plus de 4,2 millions d’américains le principe de la rémunération des heures supplémentaires. Les salariés travaillant plus de 40 heures par semaine doivent être payés 1,5 heure par heure supplémentaire effectuée. Tous les salariés rémunérés jusqu’à 47 476 dollars sont désormais concernés par cette réglementation qui jusqu’alors était réservée à ceux rémunérés jusqu’à 23 660 dollars.

Le roi du burger emploie 75 000 personnes aux États-Unis et possède 3 600 restaurants et franchises dans 38 pays. Nommer Puzder, secrétaire d’État au Travail, c’est comme nommer Bernard Madoff à la tête du Budget, a commenté Kendall Fells, porte-parole du mouvement Fight for $15, le mouvement américain qui milite pour que le salaire minimum atteigne 15 dollars de l’heure dans la restauration rapide.

Au commerce : le roi de la faillite

À la tête du Département du Commerce, Wilbur Ross, un des principaux conseillers économiques de Donald Trump durant la campagne. Sa fortune est estimée entre 2,4 et 2,9 milliards de dollars. Son conglomérat est spécialisé dans la restructuration et la revente d’entreprises en difficulté dans les secteurs de l’acier, le textile et le charbon. Des opérations très lucratives qui lui a valu le surnom de « roi de la faillite ». Si les partenaires commerciaux des États-Unis continuent de tricher, le président Trump utilisera tous les moyens disponibles pour défendre les travailleurs américains et les usines. Y compris les tarifs, a-t-il prévenu durant la campagne.

Wilbur Ross possède des jetons de présence dans une dizaine de conseils d’administration d’entreprises publiques et privées. Un patrimoine qui le place parmi les personnalités les plus visées par les soupçons de conflit d’intérêt.

Un négociateur au langage fleuri

Robert E. Lighthizer a quant à lui été nommé représentant des États-Unis pour les négociations commerciales. Pendant près de 30 ans, cet avocat a représenté les intérêts des aciéries américaines notamment l’US Steel Corp. Connu pour son langage très fleuri qui laisse pantois la plupart de ses contradicteurs, il a également officié dans l’équipe de négociateurs commerciaux du président Reagan dans les années 1980. Durant cette période, une de ses activités principales fut de parcourir le monde pour négocier des « accords de restriction volontaire » avec le Japon, l’Union européenne, le Mexique et la Corée du Sud, accusés d’inonder le marché américain de l’acier en faisant du dumping.

Il est de ceux qui se sont élevé contre l’intégration de la Chine au sein de l’OMC. Pour lui, la Chine n’a pas tenu ses engagements lorsqu’elle a adhéré à l’Organisation mondiale du commerce. À l’avenir, les responsables politiques des États-Unis devraient adopter une approche beaucoup plus agressive en traitant avec la Chine, a-t-il déclaré.

Un défenseur de l’industrie pétrolière à l’environnement

Nommer Scott Pruitt à la tête de l’agence de protection de l’environnement (EPA) a l’avantage de ne laisser aucun doute sur le positionnement écologique de l’administration Trump. Véritable climato-sceptique, défenseur de l’industrie pétrolière, le procureur général de l’Oklahoma a fait partie du groupe de procureurs généraux en désaccord avec la politique énergétique de Barack Obama, qui ont poursuivi en justice l’agence pour l’environnement. Son job : annuler l’accord de Paris sur le climat.

Le peuple américain est fatigué de voir des milliards de dollars drainés de notre économie en raison de réglementations [environnementales] inutiles, et j’ai l’intention de gérer cette agence d’une manière qui favorise à la fois la protection responsable de l’environnement et la liberté pour les entreprises américaines, a prévenu le communiqué de presse publié juste après sa nomination.

Stallone a dit non

Enfin, une personnalité à laquelle les américains ont échappé : celle de Sylvester Stallone à la direction du Fonds national pour les Arts (budget 146 millions de dollars). L’acteur a décliné l’offre de Donald Trump. Il a ensuite déclaré qu’il aurait préféré une nomination aux anciens combattants, pour aider les vétérans à retrouver l’emploi, le logement correct, l’assistance financière que ces héros méritent..

Nadia Djabali Journaliste à L’inFO militante

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