Europe sociale : les propositions floues de la Commission européenne

Europe par Nadia Djabali

Syndicats, organisations patronales et Commission européenne doivent se rencontrer début octobre pour poursuivre la consultation sur le Socle européen des droits sociaux. Un ensemble de recommandations devraient être activées début 2017. Un texte sans propositions concrètes et qui manque d’ambition regrette la Confédération européenne des syndicats.

Simple rhétorique ou engagement réel ? C’est la question que tout un chacun pourrait se poser en lisant la prose de la Commission européenne concernant ce qu’elle intitule le « socle européen des droits sociaux. »

Cette initiative a été lancée par Jean-Claude Juncker lors de son discours sur l’état de l’Union le 9 septembre 2015. « Nous devons intensifier notre action en faveur d’un marché du travail équitable et véritablement paneuropéen », avait-il alors déclaré. Une vaste consultation sur le socle européen des droits sociaux a débuté au printemps 2016.

La CES reste circonspecte

La Confédération européenne des syndicats (CES) a dans un premier temps plutôt bien accueilli la réapparition de la thématique sociale dans le discours de la Commission. Il faut dire que le sujet a longtemps été glissé sous le tapis de la construction européenne. La Confédération a obtenu que les partenaires sociaux aient droit à une consultation spécifique. Une deuxième vague de rendez-vous des représentants des salariés et du patronat européen devrait se tenir début octobre.

La CES reste cependant très circonspecte. D’abord parce qu’elle redoute que la Commission substitue la notion de « droit du marché du travail » à celle de « droit du travail » par principe protecteur.

« Le socle européen des droits sociaux est intégré dans une rhétorique économique affirmée dans laquelle la croissance économique semble être l’objectif principal », déplore une étude de l’Etui, le centre de recherche et de formation de la CES.

Améliorer véritablement le sort des travailleurs

Du côté de Force Ouvrière, on considère que le projet de la Commission européenne n’est pas assez ambitieux, en ce sens qu’il n’introduit pas des droits sociaux nouveaux. Néanmoins, FO participe à l’élaboration de propositions de la CES qui souhaite réorienter le discours de la Commission vers des priorités qui améliorent véritablement le sort des travailleurs.

Pour ce faire, les syndicats ont élaboré un document qui se décline en 6 chapitres. 1. Une économie plus juste et créatrice d’emploi ; 2. Une augmentation salariale pour la justice au travail et la justice économique ; 3. Mieux appliquer les droits existants et instaurer de nouveaux droits ; 4. La mobilité équitable ; 5. Une transition réussie du marché du travail et 6. Protection et services publics forts.

Colère et désillusion des travailleurs

En préambule de ses propositions, la CES remarque que la colère et la désillusion ressenties par les travailleurs à l’égard de l’UE ne se limitent pas au Royaume Uni. « Cette crise de confiance est due au fait que les travailleurs sont confrontés à une diminution de leur niveau de vie et de leur pouvoir d’achat et à l’augmentation du travail précaire […] Salaires proches du seuil de pauvreté et mauvais traitements sont devenus la norme pour un trop grand nombre de travailleurs en Europe. »

Certains se souviennent du discours prononcé en juin 2016 par Jean-Claude Juncker à l’Organisation internationale du travail : « Il est temps que l’Europe obtienne le "triple A social" dont nous sommes, il faut bien l’avouer, encore loin. » Un vocabulaire emprunté aux agences de notation qui en a laissé plus d’un dubitatif.

Flou juridique

Le discours sur l’état de l’Union prononcé par Jean-Claude Juncker le 14 septembre 2016 a également fait réagir Luca Visentini, le secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats : « Dénoncer le populisme est une bonne chose. Toutefois, à défaut d’assurer aux citoyens des emplois de qualité, des salaires suffisants et des logements décents ainsi que l’accès à de bons soins de santé et à une éducation correcte, le populisme continuera à prospérer. J’espérais également des propositions concrètes suite à la promesse d’un socle européen des droits sociaux. »

Reste le flou juridique qui entoure le statut du Socle européen des droits sociaux. Pour le moment la Commission se dirige vers de simples recommandations qui laisseront les États libres de les suivre ou pas. Tout en s’arc-boutant sur le dogme de l’austérité et de la gouvernance économique et en négociant parallèlement des traités de libre-échange aux conséquences délétères sur les droits sociaux.

Nadia Djabali Journaliste à L’inFO militante

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