Grève en cassation : l’illimité en question

Juridique par Michel Pourcelot

Le fait qu’il n’y ait pas de salariés grévistes pendant un moment de la période indiquée par le préavis de grève illimitée ne signifie pas que cette grève est terminée, a estimé la Cour de cassation dans un arrêt du 8 décembre 2016 publié au bulletin, ce qui dénote une certaine importance. Concrètement, un syndicat représentatif avait déposé en décembre 2012 un préavis de grève illimitée pour les vendredis à compter du 21 décembre 2012. Ce qui se passa les trois vendredis suivants, les 22 et 29 décembre 2012 et le 4 janvier 2013, avant que le travail reprenne le vendredi 11 janvier 2013, sans aucun salarié gréviste. Puis la grève fut reprise les vendredis 12 avril et 31 mai 2013. L’employeur, public, en l’espèce la SNCF, saisit alors, en septembre 2013, le tribunal de grande instance (TGI) pour qu’il juge illicites ces deux derniers arrêts de travail, arguant que, selon lui, le préavis avait cessé de produire effet au 11 janvier 2013. Il demandait donc que le syndicat soit condamné, sous astreinte, à retirer ce préavis et à payer des dommages-intérêts pour ces deux arrêts de travail illicites.

Pas d’abus

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C’est le nombre de jours francs avant lesquels doit parvenir le préavis de grève. Illimitée ou non.

La Cour de cassation n’a pas suivi la cour d’appel, bien au contraire. Au vu de l’article L. 2512-2 du Code du travail, elle a rappelé que les salariés, qui sont seuls titulaires du droit de grève, ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis, et souligné que l’absence de salariés grévistes au cours de la période visée par le préavis, même en cas de préavis de durée illimitée, ne permet pas de déduire que la grève est terminée, comme a pu le dire la cour d’appel dans son arrêt rendu le 3 février 2015. Car cette décision ne pouvait être prise que par le ou les syndicats représentatifs ayant déposé le préavis de grève. La cour d’appel avait également considéré qu’il y avait eu un comportement abusif de la part du syndicat, mais la haute juridiction a estimé que les motifs étaient insuffisants à caractériser l’existence de cet abus. Les hauts juges ont donc cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel de Riom et renvoyé l’affaire devant une autre cour d’appel. 

Bon à savoir - Service public : attention, limitations
Le droit de grève dans le secteur public fait l’objet d’une réglementation spéciale dans le Code du travail (art. L. 2512-1 à L. 2512-5). Si le préavis doit parvenir cinq jours francs avant le déclenchement de la grève, il doit aussi indiquer l’heure du début ainsi que la durée, limitée ou non, de la grève envisagée.
Arrêt n° 2170 du 8 décembre 2016 (15-16.078) - Cour de cassation - Chambre sociale : https://frama.link/MDR5WCRP

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante