Interview de Luca Visentini, candidat au secrétariat général de la CES : « Il nous faut être plus proches des travailleurs »

Europe par Evelyne Salamero

Luca Visentini.
Evelyne Salamero / FO Hebdo - CC BY-NC 2.0

Plus de 500 délégués représentant 90 organisations syndicales provenant de 39 pays se réunissent à Paris du 29 septembre au 2 octobre pour le congrès de la Confédération européenne des syndicats (CES). Luca Visentini, 46 ans, ancien secrétaire régional de l’organisation italienne UIL, membre du secrétariat de la CES depuis quatre ans, est candidat au mandat de secrétaire général de la CES. Il nous présente ici ses priorités.


FO Hebdo : Quelles sont les motivations de votre candidature au mandat de secrétaire général de la CES ?

Luca Visentini : Aucun dirigeant national n’a pu se rendre disponible compte tenu de l’importance des problèmes auxquels ils se trouvent confrontés à l’échelle nationale. De plus, les responsables nationaux connaissent mal les rouages européens. Il a donc fallu avoir recours au plan B, à savoir se tourner vers quelqu’un déjà en place à Bruxelles. Mon expérience au niveau européen a fait la différence avec l’autre candidat, Peter Sherrer, du syndicat allemand IG Metall et ancien responsable de la FEM (Fédération européenne de la métallurgie). Pour ce qui est de ma motivation personnelle, j’ai quelques idées clés. L’un des enjeux de mon mandat sera justement d’impliquer beaucoup plus les confédérations nationales au sein de la Confédération européenne, de renforcer leurs liens avec la CES. Alors que l’Europe influence très fortement le quotidien des travailleurs, ces derniers misent quasi exclusivement sur leurs organisations nationales pour régler leurs problèmes. Il nous faut dépasser ce paradoxe.


FO Hebdo : Une réflexion sur le rôle de la CES est précisément à l’ordre du jour de ce congrès. Comment voyez-vous les choses ?

Luca Visentini : L’Europe n’arrive toujours pas à résoudre la crise avec son obsession de l’austérité. Nous proposons donc d’autres alternatives pour relancer la croissance et l’emploi. Mais changer l’Europe exige de nous renforcer, d’être plus efficaces dans l’action. Le syndicalisme européen doit être moins bureaucratique et davantage tourné vers l’action. Il nous faut être plus proches des travailleurs. Ceux-ci ne connaissent pas la CES qui ne communique pas assez avec eux. Il nous faut l’aide des organisations nationales aussi pour toucher plus directement les travailleurs.


FO Hebdo : Quelles sont ces alternatives à l’austérité que propose la CES pour sortir de la crise ?

Luca Visentini : La première proposition est un plan d’investissements. Le plan du président de la Commission européenne, M.Juncker, est totalement insuffisant. Il faut des investissements publics, pas seulement privés, beaucoup plus importants et concentrés sur les créations d’emplois, l’éducation, la recherche et développement. Il nous faut négocier à la fois au niveau européen et au niveau national et il est important de coordonner tout cela. Nous avons besoin d’influencer le processus du semestre européen [1] pour peser sur la gouvernance économique. Nous devons être impliqués dans la gouvernance, par la négociation collective, ne plus en être exclus. Face au mantra des réformes structurelles, il est temps de réagir. Il nous faut restaurer notre pouvoir de négociation collective car c’est notre cœur de métier. Cela constituera l’une des principales campagnes à venir de la CES : défendre la négociation collective là où elle existe, créer des systèmes là où il n’y en a pas et les améliorer là où c’est nécessaire. Enfin, nous allons aussi renforcer notre action en direction des salariés en emplois précaires. Nous devons les approcher et les intégrer.

Propos recueillis par Evelyne Salamero

 Voir en ligne  : Confédération européenne des syndicats (CES) - Site internet

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

Notes

[1Chaque année, de janvier à juillet, les États membres de l’Union européenne coordonnent leurs politiques structurelles, macroéconomiques et budgétaires sous la surveillance de la Commission européenne. En mai de chaque année, la procédure donne lieu notamment à des recommandations adressées par la Commission aux pays membres. Le semestre européen, indique la Commission, « vise à permettre aux États membres de tenir compte des orientations de l’UE à un stade précoce de l’élaboration de leurs budgets nationaux et d’autres politiques économiques ».