Istvan Gasko, président de la confédération hongroise LIGA : « Il faut agir pour une Union européenne plus intégrée »

Interview par Evelyne Salamero

© F. Blanc

Le président de la confédération syndicale indépendante hongroise LIGA faisait partie des délégués au XIIIe congrès de la CES (Confédération européenne des syndicats). Il explique ici les principales difficultés auxquelles doivent faire face les salariés de son pays.


Quels sont les principaux enjeux aujourd’hui pour votre confédération ?

Istvan Gasko : La faiblesse des salaires et de la protection sociale. Notre salaire moyen net – un peu moins de 600 euros – est l’un des plus bas d’Europe. Les chômeurs ne sont indemnisés que pendant trois mois. Un million et demi de salariés sur quatre n’ont que le salaire minimum, qui n’atteint pas 80 % du seuil de pauvreté. Depuis quatre ans de plus en plus de salariés du secteur public, environ 300 000 aujourd’hui, en particulier dans les collectivités locales, ne gagnent même plus le salaire minimum. Certains, comme dans le secteur du nettoyage, gagnent environ 170 euros net par mois. Le gouvernement a en effet autorisé les petits jobs dans le secteur public. À l’origine, ce devait être un dispositif limité qui ne visait que 10 000 personnes, mais cela s’est généralisé. Les réformes structurelles sont notre autre grande préoccupation. Très logiquement, ils ont commencé par réformer le droit de grève. Il est devenu quasiment impossible de faire grève sans risques. Ils ont ensuite réformé le Code du travail pour le rendre beaucoup plus favorable aux employeurs et diminuer les droits individuels et collectifs des salariés. Ils ont aussi réformé les retraites en supprimant les préretraites et les régimes spéciaux des professions pénibles. Le gouvernement précédent avait déjà relevé l’âge de la retraite de 62 à 65 ans. Ce sera bientôt 67 ans.


Où en est le dialogue social ?

Istvan Gasko : Il est quasiment inexistant depuis l’arrivée de ce gouvernement il y a cinq ans. Nous avons un forum social triparti pour le secteur privé qui doit se réunir deux fois par an. Théoriquement, le Premier ministre doit être présent. Nous ne l’avons jamais vu. Le dialogue social institutionnalisé n’existe pas en Hongrie. Mais cette faiblesse existait déjà avant ce gouvernement, même après la transition de 1989. La Hongrie est vraiment restée un pays de l’Est de ce point de vue.


Qu’attendez-vous du mouvement syndical européen ?

Istvan Gasko : Il est difficile pour les pays ayant adhéré à l’Union européenne en 2004 de faire entendre leur voix et nous voudrions que la CES (Confédération européenne des syndicats, NDLR) agisse en faveur d’une Union européenne plus intégrée, pour que la Commission européenne soutienne davantage l’investissement dans les pays de l’Est. L’Union européenne leur a déjà alloué beaucoup de fonds, mais il reste énormément à faire pour le social et l’emploi. 

Propos recueillis par Evelyne Salamero


Quelques clés : La situation hongroise en bref
La LIGA (Ligue démocratique des syndicats indépendants) a été fondée en 1988, soit un an avant la chute du mur de Berlin.
La Hongrie a adhéré à l’Union européenne en 2004, en même temps que Chypre, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie. La Bulgarie et la Roumanie ont adhéré en 2007, la Croatie en 2013.
Le parti conservateur Fidesz, au pouvoir depuis 2010, a adopté une nouvelle Constitution qui a marqué une forte dérive autoritaire.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante