Izoard, histoire d’un mythe du Tour de France

Actualités par Baptiste Bouthier

Fausto Coppi grimpant le col d’Izoard en 1951. © ASO

Le Tour de France gravit cette année, pour la 34e fois, le col d’Izoard, mais c’est la première fois qu’il installe à son sommet l’arrivée d’une étape, la 18e. Retour en trois histoires sur ce col légendaire.

1922 : Philippe Thys, le premier au sommet

Premier coureur à avoir gagné à trois reprises le Tour de France (en 1913, 1914 et 1920), Philippe Thys rêve d’un quatrième sacre au départ de l’édition 1922. Mais le Belge, alors âgé de 32 ans, brise sa roue dès la première étape de haute montagne, dans les Pyrénées, et perd tout espoir au général. Qu’à cela ne tienne : il se rattrapera sur les étapes. Il en gagne pas moins de cinq, dont trois de suite à Toulon, Nice puis Briançon. C’est justement entre Nice et Briançon que le col d’Izoard est proposé pour la première fois par la Grande Boucle, en épilogue d’une étape dingue où il aura déjà fallu gravir la Colle Saint-Michel, le col d’Allos et le col de Vars. En moins de treize kilomètres, les coureurs découvrent un col qui fait passer de la chaleur torride au froid glacial en un rien de temps, et un décor somptueux, celui de la Casse déserte et ses allures de désert lunaire. Thys a l’honneur d’être le premier coureur du Tour à franchir l’Izoard en tête. Ravi, le directeur de l’épreuve, Henri Desgrange, proposera dès lors très souvent ce col au programme du Tour. Le soir de ce succès de Thys, il écrit dans L’Auto : Je voudrais vous dire l’invraisemblable panorama de cette étape, la place qu’elle doit prendre parmi les étapes les plus difficiles, le rôle qu’elle jouera dans notre course l’année prochaine.

1949 : Coppi-Bartali, la légende en italien

Comment faire cohabiter les deux champions que sont Fausto Coppi, qui vient de remporter son troisième Tour d’Italie, et Gino Bartali, tenant du titre sur le Tour de France ? Telle est la lourde tâche d’une autre légende du cyclisme transalpin, Alfredo Binda, sélectionneur d’une équipe d’Italie dont les deux leaders scellent un pacte avant le départ de ce Tour 1949. Néophyte sur la Grande Boucle, Coppi réalise un départ catastrophique, ce qui semble régler la question. Mais il revient bien, et dans les Alpes, sur la route de Briançon, Coppi se retrouve à l’offensive au pied de l’Izoard, accompagné du seul Bartali qui a parfois du mal à suivre. Terminons ensemble. Aujourd’hui je fête mes 35 ans. Demain tu gagneras le Tour, glisse l’aîné, qui se sait moins fort. Coppi passe l’Izoard en tête, mais à Briançon il laisse la victoire et le maillot jaune à Bartali. Peu importe : c’est lui qui gagnera l’étape et prendra le maillot jaune le lendemain, chez lui en Italie, à Aoste, d’où il entame sa remontée triomphale jusqu’à Paris et son premier sacre sur le Tour.

1975 : la démonstration de Bernard Thévenet

Ce Tour 1975 est dingue. Sur le chemin inéluctable d’un sixième sacre inédit, Eddy Merckx est frappé au ventre par un spectateur à l’arrivée au Puy-de-Dôme, mais quand même en jaune. Deux jours plus tard, il est renversé par Bernard Thévenet dans l’étape devenue mythique de Pra-Loup, où il avait longtemps semblé à son aise. Désormais en jaune, le Français veut montrer qu’il n’est pas un vainqueur par défaut. Dès le lendemain, il part à l’attaque sur la courte étape Barcelonnette – Serre Chevalier dans le col d’Izoard. Le matin même, Louison Bobet était venu me dire que pour devenir un grand du vélo, il fallait franchir l’Izoard en tête avec le maillot jaune, expliquera-t-il plus tard. C’est ce que j’ai fait. Il y avait une foule énorme qui remplissait la route et s’écartait au dernier moment, une vraie communion entre le public et moi. Avec près de 2’ 30” sur son premier poursuivant au sommet, Thévenet plane : il conserve son avantage jusqu’à l’arrivée et creuse irrémédiablement l’écart au général. Une semaine plus tard, il remporte sa première Grande Boucle.