Jean-Claude Mailly (FO) : « Plan de formation des chômeurs, attention au financement »

La Tribune | Interview

« Jean-Claude Mailly, secrétaire général du syndicat Force Ouvrière, n’est pas contre le plan de formation des chômeurs prévu par le gouvernement mais demande des précisions sur son financement. Il réclame aussi une augmentation de la cotisation d’assurance chômage des entreprises qui abusent des emplois précaires et craint une baisse de qualité de la couverture santé des salariés. » (La Tribune le 5 janvier 2016)

LA TRIBUNE. Quel jugement portez-vous sur les nouvelles mesures en préparation sur un vaste plan de formation des demandeurs d’emploi et sur la réforme du Code du travail ?
JEAN-CLAUDE MAILLY - Sur le plan emploi, on parle de 500.000 chômeurs qui seraient formés. Mais je ne sais même pas à quoi correspond ce nombre. Est-ce 500.000 formations supplémentaires alors que 150.000 chômeurs bénéficient déjà d’un dispositif, ou est-ce au total ? On a aussi parfaitement bien compris que ce vaste plan de formation à destination des chômeurs va opportunément permettre de diminuer le nombre de demandeurs d’emploi inscrits en catégorie « A » puisqu’ils ne seront plus immédiatement disponibles...
Nous voulons aussi avoir des précisions et des garanties sur le financement. L’État doit apporter sa part, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels [FSPP, association gérée par les organisations syndicales et patronales] est prêt à participer mais il faut fixer les règles du jeu. Or, nous avons été un peu échaudés l’année dernière quand l’État n’a plus voulu financer la rémunération de fin de formation [R2F] qui permet de continuer de rémunérer des chômeurs dont l’allocation chômage prend fin durant une période de formation. Il a fallu élever la voix pour que l’État, finalement, participe alors que son intention était de laisser le FSPP prendre tout en charge.
Sur le volet apprentissage, nous sommes d’accord sur l’objectif de le relancer mais nous réclamons un véritable statut de l’apprenti dont la rémunération doit varier en fonction de ses qualifications et pas seulement de son âge.

Et sur le Code du travail ?
Nous n’avons été reçus par Robert Badinter qui doit remettre son rapport sur les principes fondamentaux du droit du travail vers le 20 janvier. Mais on ne sait toujours pas ce que va réellement faire le gouvernement. Notamment en matière de durée du travail là où il veut aller le plus vite. En tout état de cause, nous continuerons de défendre le principe de la hiérarchie des normes, ce qui signifie qu’un accord d’entreprise ne pourra pas décider, par exemple, de bonifier les heures supplémentaires de seulement 5% si un accord de branche fixe cette bonification à 10%. Nous rencontrons Manuel Valls le 11 septembre, nous aborderons tous ces sujets.

Comment qualifiez-vous le climat social actuel ?
Une très forte inquiétude demeure sur l’emploi et le pouvoir d’achat. D’ailleurs les études d’opinion montrent que le chômage reste la première préoccupation des Français. Or, pour l’instant, le gouvernement n’apporte aucune réponse. Je pense qu’au lendemain du second tour des élections régionales, il avait l’opportunité d’accorder un coup de pouce à l’augmentation du Smic, or il ne l’a pas fait.
Dans la fonction publique, il y a aussi des inquiétudes sur le pouvoir d’achat mais pas seulement. Avec la loi NOTRe sur les nouvelles compétences des collectivités locales et la création des 22 super régions, les agents de la territoriale s’interrogent sur les conséquences que cela va entrainer en termes de mobilité notamment. Alors, certes, il n’y a pas beaucoup de mouvements sociaux d’envergure. Mais comme je le dis souvent, quand le malaise social ne s’exprime pas dans la rue, il se retrouve dans les urnes.

Quelles sont les questions sociales à venir qui vous préoccupent le plus ?
Nous allons être très attentifs à la négociation sur la convention d’assurance chômage qui va s’ouvrir fin janvier. Nous allons revenir à la charge sur notre idée d’instituer un véritable bonus/malus sur les cotisations des entreprises en fonction de leur comportement face à l’emploi. Nous voulons que les entreprises qui abusent des contrats précaires soient davantage surtaxées, beaucoup plus que maintenant où trop de formes de contrats précaire échappent à la surtaxation prévue. On va aussi de nouveau réclamer que les entreprises qui pratiquent des ruptures conventionnelles avec des salariés âgés soient taxées.
On va également se mobiliser sur la complémentaire santé. Avec l’entrée en vigueur de la loi depuis le 1er janvier, qui oblige toutes les entreprises à prévoir une couverture santé pour leurs salariés, les problèmes commencent. Nous les avions anticipés. Avec la disparition des clauses de désignation, il y a une sorte de dumping social qui apparaît. Comme les entreprises peuvent choisir l’organisme qu’elles souhaitent, beaucoup de salariés vont voir leur protection diminuer. Le défenseur des droits, Jacques Toubon, a même adressé un courrier au gouvernement sur le cas des travailleurs handicapés qui ont vu leurs primes augmenter.

Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut