L’âge mûr : le – vrai – réformisme

Les 120 ans de la CGT FO par Evelyne Salamero, Mathieu Lapprand

Les grandes dates des 120 ans d’histoire de la Confédération Générale du Travail

La CGT, Confédération Générale du Travail, a eu 120 ans le 28 septembre dernier.
Cette CGT, la CGT-Force Ouvrière la continue depuis 1947, année où plusieurs de ses dirigeants et militants décidèrent de faire scission pour défendre l’indépendance de l’organisation. Il revenait à Force Ouvrière Hebdo, héritier du journal Résistance Ouvrière né en 1944 et devenu Force Ouvrière à la scission, de retracer ces cent vingt années d’histoire.


Des acquis des Trente Glorieuses aux combats contre les régressions, de la crise pétrolière aux crises financières, le syndicalisme se poursuit sans perdre de vue l’essentiel : le combat pour les intérêts des salariés.


1947 La grande scission
Le 19 décembre 1947, Léon Jouhaux et les syndicalistes « confédérés » démissionnent du bureau confédéral de la CGT. Depuis la Libération, au sein de la CGT, « la machine à broyer communiste était en marche », selon les termes d’André Viot, premier rédacteur en chef de Force Ouvrière. En septembre 1946, alors que les communistes contrôlent près de 80 % de la CGT, les confédérés s’organisent en fondant « Les amis de FO », puis en délivrant des cartes à ce nom. Les confédérés quittent la CGT. Pour Robert Bothereau, « Nous n’avons pas accepté le rôle d’otages que l’on voulait nous assigner. “ La CGT continue ”, ont dit ceux qui se sont installés à son siège. Nous qui avons dû en partir, nous disons : “ Nous continuons la CGT ”. »


11 février 1950 La loi sur la négociation collective
Créées après la Première Guerre mondiale, les conventions collectives sont longtemps restées marginales, ne couvrant que 4 % des salariés en 1934. En décembre 1946, une loi sur les conventions collectives est votée qui subordonne l’entrée en vigueur d’une convention à l’agrément du ministre du Travail. C’est un coup de barre interventionniste. Pour la jeune confédération Force Ouvrière, il est indispensable de relancer les négociations conventionnelles. Le succès de la grève interprofessionnelle du 25 novembre 1949, lancée par FO pour le rétablissement de cette liberté de négociation, sera décisif et ouvre la voie à la loi de 1950 qui abolit l’agrément ministériel et rétablit la possibilité de négocier des clauses relatives aux salaires.


31 décembre 1958 Création de l’Assurance chômage
C’est dans un contexte de plein emploi que FO, la CFTC et la CGC signent avec le CNPF la création de l’Assurance chômage pour les salariés de l’industrie et du commerce. Le mécanisme d’indemnisation est mis en place hors du cadre de la Sécurité sociale, contre le souhait de la CGT qui refuse initialement de prendre part aux négociations. Les Assedic assurent la gestion opérationnelle du système d’indemnisation, tandis que son pilotage est assuré par l’Unédic.


1969 Référendum, appel exceptionnel de FO à voter non
Le référendum convoqué par le président de la République sur « le projet de loi relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat » a lieu le 27 avril 1969. La proposition de mise en place d’un sénat économique et social, intégrant des représentants syndicaux, a exceptionnellement conduit la confédération à appeler à voter non à ce scrutin. Le non qui sort des urnes conduit de Gaulle à la démission.


1995 Retraites, la grève fait reculer le gouvernement
« La défense de la Sécurité sociale mérite une grève générale interprofessionnelle », dès janvier 1995, c’est l’avertissement lancé par Marc Blondel, secrétaire général de FO. Dix mois plus tard, lors d’une manifestation contre le plan Juppé sur les retraites et la Sécurité sociale, le 28 novembre, alors que la CFDT s’est rangée du côté du gouvernement, Marc Blondel et Louis Viannet, secrétaire général de la CGT, se serrent la main. Les manifestations se succèdent. L’activité de la RATP et de la SNCF est paralysée durant trois semaines. Le 15 décembre le gouvernement retire sa réforme des retraites mais maintient celle de la Sécurité sociale, dont le budget sera désormais voté annuellement par le Parlement. Lors de ces mobilisations, la Dares a décompté 5 millions de jours de grève.

Le carré de tête d’une manifestation de l’hiver 1995, composé, de gauche à droite, de Jean-Jacques Carmentran, Claude Jenet, Marc Blondel et André Roulet. © G. DUCROT

2006 Retrait du Contrat première embauche (CPE)
Adoptée via l’article 49-3 de la Constitution le 8 février 2006, la loi instituant le contrat première embauche (CPE : un sous-contrat de travail pour les jeunes de moins de 26 ans) n’aura jamais été mise en œuvre. Durant plusieurs semaines, une forte mobilisation de la jeunesse qui va crescendo, soutenue en première ligne par FO et plusieurs jours de grèves interprofessionnelles, obligera Dominique de Villepin à renoncer à l’application de sa loi le 10 avril.

Manifestation contre le Contrat première embauche le 23 mars 2006. © G. DUCROT

Le parcours international

Très tôt, les travailleurs ont cherché à s’organiser internationalement sur le plan strictement syndical. L’ITF (Fédération internationale des ouvriers du transport) a ainsi été créée en 1896. La Fédération syndicale internationale (FSI), qui regroupait tous les secteurs professionnels, est née à Zurich en 1913 et a été reconstituée après la guerre, en 1919, à Amsterdam, en opposition à ceux qui créeront, en 1921, le Profintern, l’Internationale syndicale rouge. En 1945, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la FSI se fond dans la FSM (Fédération syndicale mondiale) qui vient d’être créée à Londres et sera très vite inféodée à Moscou.

La scission, aussi

En 1949 une scission s’opère, reflet de celle qui s’est produite deux ans plus tôt en France et qui a donné naissance à la CGT-FO. Plusieurs affiliées, dont la CGT-FO, fondent la CISL (Confédération internationale des syndicats libres). Après la chute du mur de Berlin, en novembre 1989, la CISL, qui revendique déjà 99 millions de syndiqués organisés dans 144 centrales de 101 pays, va accueillir les nouveaux syndicats indépendants éclos dans les pays de l’Est et plusieurs de ceux qui quittent la FSM. La CGT française sera une des dernières en Europe à s’en désaffilier en 1995, sans adhérer à la CISL. En 2006, la CISL est désormais l’organisation syndicale internationale de loin la plus importante. Elle prend l’initiative de sa transformation en CSI (Confédération syndicale internationale), englobant les syndicats chrétiens de la CMT (Confédération mondiale du travail). La CGT-FO en garde le statut de membre fondateur, la CGT ayant été invitée à s’y affilier à ce moment.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

Mathieu Lapprand Journaliste à L’inFO militante