L’harmonisation fiscale européenne : un projet en demi-teinte

Europe par Secteur International Europe

Alors que de nombreuses affaires d’évasion fiscale ont éclaté dans l’Union Européenne, à l’image du groupe Apple, condamné le 30 août dernier par la Commission européenne pour montage fiscal illégal (voir la lettre électronique n°36), la même Commission européenne a proposé le 25 octobre un projet d’harmonisation de l’assiette fiscale des entreprises à l’échelle de l’UE afin de mieux lutter contre la fraude et l’évasion fiscale.

Lettre n°37
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Cette harmonisation fiscale prend la forme d’un projet de directive de l’Assiette Commune Consolidée pour l’Impôt sur les Sociétés (ACCIS). Elle vise à imposer à toutes les entreprises (lesquelles ?) les mêmes règles de calcul du bénéfice imposable, les États restant libres d’appliquer par la suite le taux d’impôt qu’ils souhaitent sur ce bénéfice.

Cette harmonisation se ferait en deux étapes afin d’éviter toute opposition précoce de certains États membres. Dans un premier temps, seules les règles de calcul du résultat imposables seront harmonisées à travers la création d’une base fiscale commune qui sera effective au 1er janvier 2019. Puis, dans un second temps, cette assiette sera consolidée pour répartir la base fiscale entre les États membres au 1er janvier 2021.

Parmi les mesures clés de ce projet, on peut aussi souligner l’introduction d’un système d’intérêts notionnels, accordant alors un avantage fiscal sur les augmentations de capital ou bien encore de nouveaux avantages fiscaux pour les entreprises qui se lancent dans des activités de recherche et développement (R&D) liées à une activité économique réelle ou bien encore la possibilité pour les entreprises de faire une déclaration d’impôt unique au niveau européen.

De nombreuses interrogations se posent par rapport au système fiscal français. En effet, le régime français d’intégration fiscale et les crédits d’impôts en France auraient tendance à disparaître progressivement en raison de leur incompatibilité avec l’ACCIS.

Pour la Confédération Européenne des Syndicats (CES), l’instauration d’une ACCIS obligatoire dans l’ensemble de l’Union Européenne est souhaitable afin de rendre l’optimisation fiscale agressive (qui met en concurrence les systèmes fiscaux pour réduire l’impôt à payer) plus difficile.

Néanmoins, la CES regrette que la proposition de la Commission se fasse en deux étapes, reportant la phase la plus importante, la consolidation, à plus tard et que seules les entreprises multinationales les plus grandes soient obligées de s’y plier.

La lutte contre la fraude, l’évasion et l’érosion fiscale, garants d’une meilleure répartition des richesses et de la justice fiscale (et ce faisant, de l’État de droit) est l’une des revendications de FO au niveau européen. Si les travailleurs paient l’impôt là où ils sont rémunérés, alors cette règle doit aussi s’appliquer aux entreprises. Cette revendication est d’autant plus forte que les travailleurs européens subissent les mesures d’austérité qui affectent leur niveau de vie et leurs conditions de travail.

Cependant, il faut rappeler qu’un premier projet d’ACCIS avait déjà été bloqué en 2011 au Conseil par la Belgique, les Pays-Bas, le Royaume- Uni et l’Irlande qui sont les premiers à garantir un cadre favorable à l’optimisation fiscale agressive. L’unanimité des 28 est requise en matière fiscale, il semble donc difficile que le projet aboutisse rapidement : ces propositions vont être transmises au Parlement européen pour consultation et c’est finalement le Conseil qui se prononcera sur l’adoption.

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