La CJUE confirme l’option conservatrice : le citoyen européen en liberté très surveillée

La lettre électronique @ ctualités Europe – International n°24 par Secteur International Europe

La jurisprudence consacrée récemment par la Cour de justice de l’UE sonne comme un aveu d’impuissance et in fine consacre l’inégalité des citoyens européens entre eux.

Dans son arrêt du 11 novembre dernier (C-333/13), la Cour se prononçait sur la question préjudicielle d’une Cour allemande, qui se demandait si un État d’accueil (en l’occurrence, l’Allemagne), pouvait refuser de verser à un citoyen européen migrant des prestations d’assurance sociale.

L’affaire opposait le job center (Centre d’emploi) de Leipzig à une jeune femme roumaine, Mme Dano, qui vivait en Allemagne avec son fils depuis plusieurs années. Elle avait formulé à deux reprises une demande de prestations de l’assurance de base (prestation de subsistance et allocation sociale), et une demande de participation aux frais d’hébergement et de chauffage, tels que prévus par le droit allemand. Le rejet de ses demandes a conduit le juge allemand à interroger la CJUE.

La CJUE a donné raison au job center de Leipzig. Se fondant sur les textes communautaires eux-mêmes (Directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres), la Cour confirme qu’un État membre a « la possibilité […] de refuser l’octroi de prestations sociales à des citoyens de l’Union économiquement inactifs qui exercent leur liberté de circulation dans le seul but d’obtenir le bénéfice de l’aide sociale d’un autre État membre, alors même qu’ils ne disposent pas de ressources suffisantes pour prétendre au bénéfice d’un droit de séjour ».

La Cour s’appuie en particulier sur l’article 7 de la directive de 2004 : « les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil ».

Désormais donc, cette notion de « charge déraisonnable » risque de devenir le critère d’octroi de prestations sociales à des citoyens communautaires séjournant légalement dans un autre État membre. Mais la mesure n’est « pas automatique » et peut être levée si le citoyen apporte la preuve qu’il cherche un emploi… Autrement dit, en n’étant pas en situation d’emploi ou de recherche d’emplois, « réclamer une égalité de traitement avec les ressortissants de l’État membre d’accueil » pourrait devenir très difficile. L’arrêt de la CJUE confirme que les migrants européens inactifs peuvent être exclus de certaines prestations sociales.

En principe, en droit européen, la liberté de circulation des personnes est la règle. Le principe de non-discrimination entre citoyens européens en est une autre (« A l’intérieur de la communauté, il n’est en principe pas justifié de faire dépendre les droits en matière de sécurité sociale du lieu de résidence de l’intéressé ») ; il est complété par le principe d’égalité de traitement avec les ressortissants de l’État membre d’accueil.

C’est une liberté de circulation des personnes non-assortie d’une obligation d’égalité de traitement entre elles, qui est martelée par la Cour. Est-ce vraiment de cette Europe-là que l’on veut ? Pour Jean-Claude Mailly, cette décision est « choquante ». Elle consacre une interprétation très restrictive de la citoyenneté européenne alors que la Cour aurait pu avoir une autre interprétation visant à récuser toute discrimination entre ressortissants communautaires dans l’accès aux droits sociaux. L’Europe sociale ne sort pas grandie de cette affaire. Car cette décision va à rebours d’une intégration politique et sociale réussie, et d’une véritable solidarité européenne.

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