La légitimité du peuple tunisien à revendiquer et manifester

Mbarki Bouali, secrétaire général adjoint de l’Union générale tunisienne du travail par Evelyne Salamero

Le secrétaire général adjoint de l’UGTT (à gauche) et le coordinateur de l’accord de solidarité entre l’UGTT et FO (Tlili Fathi). F. Blanc / FO Hebdo - CC BY-NC 2.0

Cinq ans après le soulèvement populaire qui a chassé Ben Ali du pouvoir, beaucoup de choses restent à obtenir pour le peuple tunisien. Pour la centrale syndicale UGTT, il ne peut y avoir d’unité nationale sans justice.


Pourquoi l’UGTT appelle-t-elle au retrait du projet de loi sur la réconciliation économique et sociale ?

Mbarki Bouali : Nous voulons que ce projet soit retiré dans sa forme actuelle. Nous ne sommes pas opposés à la réconciliation nationale mais, dans l’intérêt général, nous voulons une réconciliation approfondie. En l’état actuel du texte, il ne s’agit pas vraiment de réconciliation mais plutôt d’une loi d’amnistie d’hommes d’affaires et d’anciens hauts fonctionnaires corrompus.


L’état d’urgence a de nouveau été décrété le 4 juillet dernier, après l’attentat terroriste d’El-Kantaoui. Quelles en sont les conséquences pour le mouvement syndical ?

Mbarki Bouali : Pas plus tard qu’avant-hier, une manifestation contre le projet de loi de réconciliation a été réprimée violemment à Tunis. Des syndicalistes ont été interpellés. Ce n’est pas la première fois. L’UGTT refuse que l’état d’urgence se transforme en une arme contre les revendications sociales, qu’il soit utilisé contre des rassemblements pacifiques et légitimes. Le peuple tunisien a d’autant plus le droit de revendiquer et de manifester que nous sommes dans une période révolutionnaire.


Où en sont les négociations salariales nationales commencées fin août ?

Mbarki Bouali : Nous négocions avec le gouvernement pour la fonction publique et les entreprises publiques et avec l’organisation patronale UTICA pour le secteur privé pour 2015 et 2016, avec un accord de principe pour terminer fin septembre. Nous pensons pouvoir rééquilibrer les salaires par rapport aux prix, malgré le contexte de récession. Notre principal objectif est de stabiliser la paix sociale, pour que nous puissions être tous mobilisés pour pouvoir lutter pour l’intérêt du pays, contre le terrorisme. L’unité nationale doit être basée sur la justice.


Où en est l’accord de solidarité signé le 1er mai 2013 entre l’UGTT et la confédération FO ?

Mbarki Bouali : Nous sommes en relation étroite depuis longtemps. Ce projet, soutenu par l’Association française de développement, vise à transformer la solidarité de FO en soutien pratique. Nous sommes en train de travailler sur la modernisation de notre organisation administrative dans tout le pays et sur la formation de nos cadres administratifs, avec notamment un nouveau logiciel de gestion des adhérents. J’en profite pour remercier Jean-Claude Mailly et Andrée Thomas, chargée du secteur international, ainsi que tous ceux qui participent à ce projet. 


Propos recueillis par Evelyne Salamero


Éclairage
L’UGTT a démenti, le 9 septembre, la signature d’un accord salarial pour le secteur public, annoncée par la présidence. Un désaccord persistait sur la date d’application de l’accord, la loi de finances complémentaire ne prévoyant pas d’augmentation pour 2015.
Le 20 août, l’UGTT a condamné « fermement » la dispersion violente par la police de manifestations d’enseignants et demandé au ministère de l’Intérieur de « prendre des mesures légales » contre les auteurs de ces agressions.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

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