Startups starifiées à go-go, surévaluées, croulant sous des investissements... Tout est parti de la Silicon Valley, dans une frénésie innovatrice qui entend redéfinir de part en part nos existences à des fins privées, tout en déclarant œuvrer au bien de l’humanité
, selon Eric Sadin, l’auteur de La siliconisation du monde. Spécialiste de la question qu’il a déjà abordée dans plusieurs ouvrages, dont L’humanité augmentée. L’administration numérique du monde
en 2013, ce philosophe et écrivain, dénonce cette fois-ci en la « siliconisation » une colonisation d’un nouveau genre, portée par de nombreux missionnaires (industriels, universités, think tanks…), et par une classe politique qui encourage l’édification de valleys sur les cinq continents, sous la forme d’écosystèmes numériques et d’incubateurs de startup
.
Au nom de sciences inhumaines
Depuis des siècles et des siècles, les avancées technologiques ne manquent pas de se voir utilisées au détriment de plus grand nombre et au profit de quelques uns, qui ont beau jeu de faire miroiter aux premiers les quelques avantages qui leur sont apportés en contrepartie. Les technologies numériques sont de plus en plus appelées à entretenir un rapport de compagnonnage avec leurs utilisateurs, prenant des contours bienveillants
, mais pas désintéressés et franchement orientés. Ainsi avec la voiture sans pilote, par exemple, qui ne se contentera pas de piloter le véhicule mais nous proposera de faire une pause dans tel restaurant ou tel hôtel supposés adaptés à notre profil
. Bref : une
. De plus, industrie de la vie
cherchant à tirer profit du moindre de nos gestesles technologies informationnelles imposent un mode de rationalité fondé sur la définition chiffrée de toute situation et sur une maîtrise indéfiniment accrue du cours des choses
. Du moins, c’est ce qu’elles veulent faire croire. Ce sont toujours des humains qui prétendent suivre des chiffres qui s’imposeraient à eux. Le monde du travail se numérise ou est commandé par l’informatique. Et, comme au bon vieux temps de la taylorisation (une organisation scientifique du travail
selon son auteur), la capacité d’initiative et de créativité des individus est niée
. Elle est réduite à exécuter des ordres émanant de programmes
. Sans compter l’ubérisation, désormais synonyme de précarisation... Un mode réglé sur la demande immédiate et qui tente d’échapper aux cotisations sociales, prémisses d’un monde du travail émietté, à l’avenir incertain. Au gré des algorithmes.
Pour aller plus loin : http://ericsadin.org/essais_theoriques