Le management désincarné : l’homme, ce chiffre...

Livre par Michel Pourcelot

Sous-titré Enquête sur les nouveaux cadres du travail, l’ouvrage de la sociologue du travail Marie-Anne Dujarier se penche non pas non pas sur ceux qui souffrent de certaines méthodes de management, mais sur ceux qui les élaborent : « planneurs ». Chargés d’améliorer la performance des entreprises et des services publics au moyen de « plans abstraits, élaborés bien loin de ceux et de ce qu’ils encadrent ». À une altitude où les hommes ne sont plus que des chiffres.

Résultat d’une enquête de dix ans, cet ouvrage examine le rôle discret mais fondamental des « planneurs ». Il propose une étude de ces « cadres du capitalisme » néo-libéral spécialisés dans la production de dispositifs en termes de plans, « à distance et de manière abstraite ». Des planificateurs à l’échelle micro-économique, dont la tâche est différente des managers de proximité. Leur but : augmenter sans fin la productivité. Quant à l’orientation donnée à ces dispositifs (ensembles de moyens disposés conformément à un plan), la majorité des travailleurs trouve qu’elle « joint l’inutile au désagréable ». Des critiques souvent partagées par nombre de patrons et dirigeants. Pourtant ont été banalisés et généralisés les objectifs quantifiés, le management par les nombres et autres benchmarking, évaluation, jean management, etc. Bref, une « mathématisation du monde social ». Sa principale source : la « direction participative par objectifs », la DPO, formalisée aux États-Unis dès les années soixante par Peter Drucker. On la retrouve appliquée un peu partout, y compris, depuis 2006, dans la fonction publique française. C’est ce que décortique dans son livre, Marie-Anne Dujarier, sociologue du travail et des organisations et maître de conférences à l’université Paris III-Sorbonne nouvelle et à l’École polytechnique. Cette chercheuse au Lise, le Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologique économique (CNAM-CNRS), a également publié L’Idéal au travail (PUF, 2006), consacré aux normes impossibles à atteindre, celles qui donnent l’impression de n’être jamais « à la hauteur ». Le ciel pour limite et l’enfer à tous les étages.

Le management désincarné. Enquête sur les nouveaux cadres du travail, par Marie-Anne Dujarier, paru le 15 mai 2015, aux éditions La Découverte. 250 pages, environ 18,50 euros.

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante