Lenteur des prud’hommes : salariés et syndicats gagnent contre l’État à Marseille

Actualités par Evelyne Salamero

Les conseillers prud’homaux subissent au quotidien la dégradation, faute de moyens, de leurs conditions de travail. © Ian HANNING / REA

L’affaire, locale, n’en a pas moins une portée considérable. Par son jugement, le tribunal de grande instance de la cité phocéenne désigne l’État comme responsable du dysfonctionnement de la justice prud’homale.

Le 4 mai, le tribunal de grande instance de Marseille a condamné l’État à indemniser à hauteur de 4 000 euros chacun 84 salariés d’une entreprise de nettoyage, soutenus notamment par l’union départementale FO. Le TGI a ainsi reconnu le déni de justice subi en raison de la lenteur de la procédure : il aura fallu 30 mois pour que leur employeur soit condamné à leur verser un 13e mois, comme à ses autres salariés.

Le TGI a également déclaré recevables dans cette action en justice tous les syndicats plaignants, dont le syndicat FO des greffiers, alors que l’État plaidait qu’ils n’étaient pas directement concernés.

Avocat du syndicat FO des greffiers à Marseille, maître Nathalie Bruchet se félicite : Que l’ensemble des syndicats, y compris celui des avocats, aient été reconnus en capacité d’agir fait de cette affaire une dénonciation du problème dans son ensemble. Nous avons plaidé que ces personnes travaillent tous les jours dans les prud’hommes dans des conditions déplorables, et le tribunal nous a donné raison.

En cause : le manque d’effectifs (greffiers et juges), et de moyens (salles d’audience, imprimantes, encre, papier…). Une situation dont tout le monde sait qu’elle ne concerne pas que Marseille.

La loi Macron ne peut qu’aggraver les choses

4 000 €

C’est le montant accordé à 84 salariés par le TGI de Marseille, qui a condamné l’État pour déni de justice.

Maître Bruchet souligne : Il ne s’agit pas seulement d’obtenir des indemnisations pour les salariés, mais de démontrer que la justice prud’homale reste le parent pauvre d’une justice française généralement sinistrée.

Selon elle, la réforme Macron ne peut qu’aggraver les choses en systématisant le recours à un juge en cas de départage, mais sans moyens supplémentaires, sauf dans les rares juridictions pilotes.

La loi Macron, appliquée depuis mai 2016, a en effet prétendu réduire les délais en simplifiant la procédure. Si, selon un rapport remis au garde des Sceaux le 19 avril, les effets de la loi sur les délais ne pourront pas se mesurer avant quelques mois, les auteurs ne font pas moins d’ores et déjà état d’une augmentation de la durée des affaires traitées au fond entre 2015 et 2016, dans trois des quatre juridictions observées…

Le rapport est en revanche formel sur deux points. Il faut veiller à tout le moins au maintien des effectifs des greffiers et des magistrats. Et la baisse des affaires nouvelles, généralement constatée à compter du 1er août 2016, est attribuée à la complexité décourageante de la requête introductive d’instance. Les greffiers FO confirment : ils consacrent beaucoup plus de temps qu’avant à fournir des explications aux justiciables. 

Repères - Justice : le sinistre en chiffres
L’État a prévu de consacrer en 2017 1,99 % de son budget à la justice. En 2012, alors qu’il lui en avait attribué 4 %, le budget moyen de la justice par habitant en France ne représentait déjà que 0,197 % du PIB – contre 0,33 % en moyenne en Europe –, ce qui lui avait valu d’être classée au même niveau que l’Azerbaïdjan par la Commission européenne pour l’efficacité de sa justice (CEPEJ), soit à la 37e place sur 45 pays recensés.
La France comptait alors 10,7 juges pour 100 000 habitants, soit moitié moins que la moyenne des 21 pays formant le Conseil de l’Europe.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

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