Les blouses blanches voient rouge

Grève des hospitaliers par Valérie Forgeront, FO SPS

Photographies : F. Blanc (CC-BY-NC 2.0)

A travers une manifestation à Paris et une centaine en province à l’appel de FO notamment, des milliers d’hospitaliers (infirmiers, aide-soignant, administratifs…) en grève ont protesté ce 8 novembre contre la dégradation de leurs conditions de travail due à la réduction des effectifs mais aussi à des restructurations qui au fil des réformes détériorent la capacité des hôpitaux à remplir leur mission de service public.

On a rarement connu une mobilisation aussi importante et large indiquait Denis Basset ce mardi 8 novembre dans la matinée. Le secrétaire général de la branche Santé au sein de la Fédération FO des Services publics et de Santé (SPS-FO) participait à la manifestation parisienne qui a réuni 3 500 agents hospitaliers de Montparnasse vers le ministère de la Santé et des milliers d’agents dans une centaine de cortèges en province.

Lors de cette journée de grève et d’actions à l’appel de quatre syndicats dont FO, où, ont défilé aux côté des hospitaliers, des salariés de la santé privée mais aussi des organisations d’infirmières libérales ou étudiantes ainsi que certains syndicats de médecins, une délégation syndicale a été reçue à Paris par la directrice générale du ministère.

Pour Denis Basset qui relève la profonde colère des personnels hospitaliers le gouvernement doit inverser la tendance et cesser immédiatement de soumettre les services hospitaliers à une politique essentiellement comptable. FO Santé demande ainsi l’arrêt de la loi Santé et l’établissement des budgets hospitaliers à partir de nouvelles bases.

Pour l’instant en effet, à travers les économies à réaliser dans le cadre du pacte de responsabilité 2015-2017, l’hôpital est mis à contribution pour 3,5 milliards d’économies.

Or, c’est inacceptable insiste Denis Basset précisant qu’à travers l’Odam (objectif national des dépenses de l’assurance maladie), les hôpitaux devront réaliser 844 millions d’économies supplémentaires en 2017.

Le « malaise » hospitalier

Pour FO, ces économies imposées aux services hospitaliers sont tout simplement insupportables. D’autant plus insupportable que l’état des services s’est fortement dégradé et par conséquent, les conditions de travail des personnels le sont tout autant.

Les budgets en baisse constante, les restructurations de services, la dégradation des conditions de travail et la mise en péril de la mission publique hospitalière… Tout est lié et explique la colère des personnels souligne Denis Basset.

La dernière réforme en date, la loi Santé adoptée en janvier dernier a fini de mettre de l’huile sur le feu. Cette loi créée 135 Groupements hospitaliers de territoire (GHT) au sein desquels 850 hôpitaux doivent se regrouper. Cela implique des restructurations de services, des regroupements et autres transferts d’activités visant à réduire toujours davantage le coût de la mission hospitalière. Une réduction des coûts qui pèse sur les conditions de travail des agents.

Il y a un vrai malaise à l’hôpital indique de son côté Jean-Claude Mailly. Un malaise induit par le problème global de réduction des dépenses publiques sociale. Pour le secrétaire général de la Confédération FO, il faut desserrer le corset budgétaire, revoir le mode de financement des hôpitaux et être beaucoup plus souple avec la mise en place des GHT car à certains endroits on est en train de construire des monstres qui sont ingérables.

« On fait du chiffre »

C’est ce « malaise » que les personnels hospitaliers sont venus exprimer dans les différentes manifestations. A Paris, derrière une banderole syndicale commune Hirsch vole les repos des héros ou encore des pancartes rappelant les situations de burn-out d’agents ou encore les cas de suicides, les personnels de l’AP-HP (assistance publique hôpitaux de Paris) et d’autres venus de régions proches demandent l’arrêt de cette austérité imposée aux services.

La trentaine chacune, quatre infirmières de services de pédiatrie et néonatalité de l’hôpital de Chartres sont venus dire leur colère de ces dégradations de services. Notre direction ne parle plus que de budget. Il faut faire du chiffre indiquent les militantes FO.

Sophie a engrangé 120 heures supplémentaires en un an. Banal. On ne rattrape pas ces heures et on nous les paye que très irrégulièrement, voire rarement ! Comme ses collègues, elle travaille souvent 50 heures voire davantage par semaine. Tous les jours on change d’horaires et de service. On doit être polyvalentes expliquent avec une pointe d’ironie ces infirmières. Et de préciser qu’elles effectuent en plus obligatoirement quatre mois de travail de nuit.

Leur charge de travail augmente sans cesse. On ne tient que par la solidarité qui existe entre nous. A Chartres comme ailleurs, ces personnels hospitaliers constatent que des collègues, de plus en plus nombreux s’arrêtent pour maladie. Certains pensent carrément à changer de métier. Elles déplorent que les pouvoirs publics oublient les personnels soignants.

Les patients soutiennent les agents

A Chartres la situation de l’hôpital devient critique selon elles. Les agents en arrêts maladie, en congés de maternité ou ceux qui partent en retraite ne sont pas remplacés. Parallèlement, l’activité de l’hôpital augmente. Celle du service des urgences où elles travaillent régulièrement a par exemple été multipliée par trois en dix ans.

Cette situation dégradée, assurent-elles, commence sérieusement à se voir, y compris par les patients et leurs proches. S’ils se montrent compréhensifs, ils se plaignent des conditions d’accueil et du fait que nous ne sommes pas assez nombreuses. Nous les invitons à faire part de ces griefs à la direction.

A l’AP-HP, au sein des hôpitaux Saint-Louis et Lariboisière, les personnels ont rédigé cet été une pétition demandant le soutien des patients. En une demi-journée nous avons obtenu 700 signatures indique Nicole secrétaire administrative et militante FO.

Une manif nationale en 2017

Cécile, secrétaire et elle aussi militante travaille dans un service des greffes de reins. On nous demande désormais de faire 150 greffes par an contre une centaine auparavant. Or, l’effectif des soignants n’a pas augmenté. Quant à l’effectif administratif… Il ne reste qu’une secrétaire à l’accueil contre deux auparavant. Ces situations dégradées au plan des personnels augmentent les risques de détériorations des soins.

A Saint-Louis il y a cette année sept départs dans le service administratif. Sept agents qui ne seront pas remplacés se désole Nicole. Préparatrice en pharmacie dans un hôpital parisien, Sabrina se montre consternée par l’état de l’emploi dans son service. Il n’y a pratiquement que des agents en contrats à durée déterminée.

Cécile résume la colère des personnels : on nous demande toujours de faire plus avec moins de personnels. Alors un jour ça craque ! Les actions massivement suivies en ce 8 novembre le démontrent.

Alors que la rencontre ce jour entre le ministère et les syndicats a tourné au dialogue de sourds, le ministère ne mesurant pas le degré d’insatisfaction des agents souligne Denis Basset, les syndicats qui appelaient à la journée d’actions se réunissent ce mercredi 9 novembre.

Nous envisageons d’organiser une manifestation nationale à Paris au début de l’année 2017.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

FO SPS Services publics et de Santé

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