Nano-aliments, grandes inquiétudes

Consommation par AFOC, Michel Pourcelot

Ils frisent le milliardième de mètre mais pourraient entraîner de gigantesques conséquences, et sans doute de profits. Ce sont les nanomatériaux, des substances qui ont envahi le monde sans tambour ni trompette. Jusque dans nos assiettes quotidiennes.

L’AFOC, l’association FO consommateurs, leur a consacré un dossier de plusieurs pages dans le dernier de ses « Cahiers » (n°232, janvier-février 2017), au vu des risques que [leur] présence peut présenter pour la santé des consommateurs, en particulier dans les produits alimentaires. Le règlement européen Inco 2011 prévoyait bien l’obligation de mentionner leur présence sur l’étiquetage à partir du 13 décembre 2015, en faisant précéder le mot « nano » entre crochets devant l’ingrédient en question. C’était sans compter sur la Commission européenne, jamais trop intransigeante à l’égard des lobbies industriels : elle a demandé une dérogation pour les ingrédients déjà utilisés depuis des décennies. Le flou ainsi créé n’a pas manqué d’être exploité au sein des instances européennes. D’autre part, un règlement sur les « Nouveaux aliments » (Novel Foods) a été voté en octobre 2015 par le Parlement européen. Il concerne les denrées alimentaires qui se composent de nanomatériaux manufacturés, mais pas les additifs, qui relèvent du règlement additifs de 2008, relève VeilleNanos le site internet d’Avicenn (Association de Veille et d’Information Civique sur les Enjeux des Nanosciences et des Nanotechnologies). C’est la définition du nouveau Réglement Novel Foods qui désormais fait office de référence pour l’étiquetage des nanomatériaux manufacturés ; elle est, dans sa version votée en octobre 2015 au Parlement européen, la copie conforme de celle comprise dans le Règlement INCO de 2011, souligne VeilleNanos. Ce nouveau texte rend obligatoire la demande d’autorisation préalable à la mise sur le marché des denrées alimentaires contenant des nanomatériaux. Théoriquement, il devrait s’appliquer au 1er janvier 2018. Quant au protocole européen de vérification, il n’est toujours pas au rendez-vous. Contrairement aux nano-matériaux qui, eux, sont bien là, du haut de leur milliardième de mètre, soit 50 000 fois plus petits qu’un cheveu.

Du guacamole nano-épicé

Comme le rappelle l’AFOC, ils sont présents aussi bien dans l’alimentaire que dans les cosmétiques, les crèmes solaires, les textiles, les jouets, les dentifrices, les articles de sport, les vitres, les smartphones, les peintures. En juin dernier, à la demande de l’association Agir pour l’Environnement, un laboratoire reconnu a trouvé des nanoparticules dans les quatre produits alimentaires courants sélectionnés : de la blanquette de veau, des chewing-gums, des biscuits napolitains et un mélange d’épices pour guacamole, qui lui affichait 100 % de nanoparticules dans son additif antiagglomérant E551 au dioxyde de silice. Sans que leurs étiquettes en fassent mention. La toxicité de ces particules a pourtant été mise en évidence chez l’animal. En France, elle fait l’objet d’une évaluation dans les denrées alimentaires demandée en 2014. Les nanos courent toujours. Alimentaire, mon cher Watson. 

Des bonbons, des souris et des hommes
Composé à 45% de nanoparticules, le dioxyde de titane, ou additif alimentaire E171, utilisé communément dans l’agro-alimentaire, notamment pour les bonbons et autres confiseries, vient d’être testé sur des rats par l’Inra, l’Institut national de la recherche agronomique : après 100 jours, 40% des rats étudiés présentaient des lésions pré-cancéreuses sur le colon. Scientifiquement, les résultats ne peuvent être extrapolés à l’homme mais les ministères chargés de l’Economie, de la Santé et de l’Agriculture, au regard des conclusions de cette étude, ont décidé de saisir l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. (Additif alimentaire E171 : les premiers résultats de l’exposition orale aux nanoparticules de dioxyde de titane)

AFOC L’Association Force Ouvrière des Consommateurs a été créée par la confédération FO afin d’élargir au domaine très vaste de la consommation son action de défense des intérêts collectifs des salariés.

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante