Numérique, quels enjeux pour le monde du travail ?

Actualités par Mathieu Lapprand

La transformation numérique conduit à une augmentation du travail à distance. © Lydie LECARPENTIER / REA

Alors que Bruno Mettling, DRH d’Orange, a rendu le 15 septembre un rapport à Myriam El Khomri, ministre du Travail, la confédération vient d’éditer une brochure sur « L’impact du numérique sur le travail ». FO n’entend pas laisser la main au seul gouvernement ou aux employeurs sur un sujet qui appelle à l’émergence de nouveaux cadres réglementaires protecteurs.

Aux États-Unis, à la fin août, le National Labor Relations Board, une agence fédérale chargée de lutter contre les pratiques illégales du marché du travail, a attribué le statut de salariés à certains intérimaires et sous-traitants d’une entreprise de recyclage. Les sociétés Uber ou McDonald’s et leurs « franchisés » sont également dans le viseur du National Labor Relations Board. En France, la récente mobilisation des taxis contre Uber ou encore la mise en place de bureaux mobiles au nouveau siège de Sanofi, à Gentilly, illustrent ces évolutions inhérentes à la numérisation.

Bruno Mettling, directeur des ressources humaines d’Orange. © DENIS ALLARD / REA

L’ancien ministre du Travail avait demandé au DRH d’Orange, Bruno Mettling, d’identifier les enjeux, risques et opportunités liés à ces évolutions. Ce dernier devait également produire des propositions afin de faire du numérique une « opportunité d’amélioration de la qualité de vie au travail ». Ce rapport, intitulé « Transformation numérique et vie au travail », a été rendu à Myriam El Khomry, mais le ministre de l’Économie est lui aussi à l’affût pour sa loi Macron 2.

Dans la version de travail du rapport, dont FO Hebdo a eu copie, ce sont trente-six préconisations qui sont émises. Certaines, très générales, couvrent les questions de formation au numérique et les moyens inhérents à ces besoins de qualification. D’autres propositions concernent les dispositifs de professionnalisation ou de reconversion. Certaines préconisations sont davantage assimilables à des vœux pieux. C’est le cas des parties consacrées aux adaptations du cadre juridique du travail ou au développement de « nouvelles formes de travail compatibles avec le système social français ». Si le rapport appelle à mettre fin à « l’instabilité juridique » du dispositif des forfaits-jours pour certains travailleurs du numérique, il évite toute proposition concrète. Dans le même ordre d’idée, le rapport préconise de clarifier les notions de salariat et de travailleur indépendant en appelant à… une « réflexion » du ministère du Travail sur ce sujet.

Mesure de la charge de travail contre mesure du temps de travail

Le rapport pose cependant un constat : « L’intensification du travail permise par la transformation numérique remet en cause, pour certains métiers dans certaines entreprises, la mesure de la charge de travail par le temps de travail. » Si cette analyse peut être contestée, dans la mesure où la numérisation des outils de travail peut aussi permettre à ces outils d’identifier et décompter les temps travaillés, la 23e préconisation du rapport propose néanmoins de « compléter la mesure du temps de travail par la mesure de la charge de travail pour les secteurs dans lesquels cette mesure est pertinente »… sans toutefois en livrer la recette.

On peut également regretter que ce rapport renvoie la responsabilité des conditions de travail vers le salarié, en suggérant par exemple un « devoir de déconnexion » sans reprendre dans ses propositions les exemples d’entreprises qui, d’elles-mêmes, ferment leurs serveurs le soir ou le week-end. « Si les problématiques soulevées dans le rapport, liées aux évolutions du numérique ou de la digitalisation, nécessitent de nouveaux droits pour les salariés concernés, FO s’opposera à toute utilisation du numérique comme prétexte pour attaquer et réduire les droits collectifs existants (CDI, protection sociale, etc.) », rappelle pour FO Pascal Pavageau.


Zoom : L’impact du numérique sur le travail

Les effets de la numérisation du travail sur les salariés et les emplois bousculent les habitudes, rendent obsolètes certaines règles et créent de nouveaux besoins de cadres de protection pour les travailleurs. La confédération a élaboré une brochure synthétisant un premier travail de constats et réflexions sur les conséquences de la numérisation sur le travail.
Du télétravail à la robotique en passant par Big Brother et les bureaux mobiles, FO dresse un état des lieux des enjeux, opportunités et risques de la numérisation du travail.


Mathieu Lapprand Journaliste à L’inFO militante