Paris New Moon Paris : Quand Pigalle était rock

Livre par Michel Pourcelot

Un livre de photos fait revivre un pan de la scène musicale indépendante installée au tournant des années 80 et 90 au New Moon, une boite de la Place Pigalle. On y vit La Mano Negra et les Wampas mais aussi beaucoup de héros anonymes. Ceux qui font l’histoire.

Face cachée de la scène musicale underground française, le New Moon constitue le cœur de Paris New Moon Paris, un livre signé par Raphaël Rinaldi. Un milieu dans lequel ce photographe indépendant était immergé et où il a su capter la vitalité de ces inconnus, qui, sur scène ou dans le public, façonnèrent une histoire en marge des impératifs musicaux industriels. Bien sûr, certains tirèrent des marrons de ce feu, de Manu Chao, pas encore globalisé, à Didier Wampas, en passant par La Grande Sophie et Mano Solo.

Facile d’accès, en plein cœur d’un de ces quartiers excentrés réservés aux diverses classes dites dangereuses, le New Moon, installé en des murs réprouvés et désertés par une boite saphique, fut dirigé par des musiciens. Ce qui en fit un creuset créatif, pratiquement ignoré de l’alliance objective de l’establishment, critiques de rock et majors du disque associés. Pierrot Soler et Roland Piqueras permirent qu’à ce coin des rues Frochot et Pigalle continue à souffler un esprit de liberté artistique présent depuis plus d’un siècle. Refuge de la bohème, les lieux virent aussi bien Rimbaud que Zola, Mallarmé et Eugénie Buffet, l’incarnation de Jenny l’Ouvrière, fille du Père Bicêtre. Degas et Manet y dépeignirent l’absinthe.

Un demi-siècle avant d’être rock, le New Moon avait été jazz, après avoir un sulfureux temple du tango. Sydney Bechet, Armstrong, Django Reinhardt et Stephane Grappelli purent y côtoyer Hemingway et Scott Fitzgerald. Alors appelé le Monico, il contribua ainsi à la réputation de Paris comme haut-lieu de multi-culturalité. Rasé sans appel par la municipalité à l’aube des années 2000, ce monument de l’histoire littéraire, picturale et musicale française a été remplacé par une boutique bio. Mais ce livre de Raphaël Rinaldi fait réémerger un pan de sa légende.

Paris New Moon Paris de Raphaël Rinaldi, aux éditions Le Castor Astral, collection Escales des lettres 336 pages, prix : 45 euros.

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante