Partenariats Public-Privé : des outils à haut risque

Economie par Pascal Pavageau, Secteur Économique

Vous trouverez dans ce numéro 117 d’InFOéco, daté du 27 avril 2016, une analyse du Secteur Economique sur les partenariats Public-Privé à haut risque.

InFOéco n°117
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Contrairement aux marchés publics et à la délégation de service public, le « contrat de partenariat public -privé » est une création récente qui a connu en France un développement extrêmement rapide au début des années 2000. Sous l’impulsion du gouvernement de l’époque et d’une instance de lobbying rattachée au ministère de l’économie, la période de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) 2008-2012 a constitué l’apogée de ces contrats à la faveur notamment des mesures de relance mis en œuvre en 2008 et 2009.

Force Ouvrière n’a jamais cessé de contester et de dénoncer cette nouvelle forme de contractualisation de l’action publique abusivement présentée comme un outil nécessaire à la rationalisation des finances publiques et à la modernisation de l’investissement public, par opposition à une vision jugée « passéiste » de la gestion publique. De nombreux exemples montrent au contraire que la solution du partenariat public-privé s’avère au final coûteuse, peu protectrice des intérêts des acteurs publics, des usagers et par conséquent de l’intérêt général, sans oublier que, bien souvent, ces contrats sont passés au profit de grands groupes privés au détriment des entreprises locales. Le centre hospitalier sud francilien offre l’illustration dramatique d’une énorme gabegie d’argent public qui a précipité la mise en œuvre d’un plan social au détriment du service public de santé et de l’ensemble du personnel hospitalier, et contre lequel FO s’est levé (voir notamment « Livre noir de la RGPP » – Document FO d’octobre 2014).

Alors que le gouvernement vient récemment d’engager une réforme du droit de la commande publique, l’annexe à cette circulaire se propose de dresser un état des lieux des « contrats de partenariat public-privé » en présentant leur spécificité par rapport aux autres outils qui composent la « commande publique » et les dangers qu’ils font courir aux finances publiques et à l’intérêt général. Pour FO, il s’agit bien de supprimer les PPP et pas uniquement changer leur dénomination !

1. Les grandes modalités de la « commande publique » en France

Lorsque la personne publique (État, collectivités locales, opérateurs publics) a pris la décision non pas de « faire » elle-même mais celle de « faire faire » par le secteur privé, celle-ci a le choix entre trois grandes catégories de contrat réunies sous le terme de « commande publique » - terme qui désigne l’ensemble des contrats passés par les personnes publiques. Parmi ces trois modalités, figurent : le marché public, la délégation de service public qui peut prendre la forme d’une concession, d’une régie ou d’un contrat d’affermage et enfin, le « contrat de partenariat public-privé » (que l’on désignera ici par CPPP) créé en 2004 – il est courant que le terme générique de PPP désigne un ensemble plus large d’arrangements contractuels public/privé englobant notamment les baux emphytéotiques.

Ces trois modes d’externalisation représentent une part inégale de la commande publique. Ils se distinguent essentiellement du point de vue du mode de rémunération de l’acteur privé et par conséquent du point de vue du partage du risque entre la personne publique et l’acteur privé.

Les marchés publics désignent les contrats conclus à titre onéreux entre un acteur public et un partenaire privé intervenant comme fournisseur ou prestataire de services ou de travaux (définis par l’autorité publique) [1]. Ils représenteraient la plus grosse part de la commande publique avec une estimation comprise entre 75 mds (chiffre de l’Observatoire de l’achat public) et 200 mds par an – le chiffrage de la commande publique et des marchés publics en particulier est très difficile ; selon le périmètre retenu, les chiffres peuvent considérablement varier [2].

La deuxième modalité de la commande publique est la délégation de service public ou DSP (très fréquente en matière de restauration collective, de distribution d’eau, d’assainissement, de chauffage urbain, de transports, c’est-à-dire de services publics dits industriels et commerciaux) [3]. Dans une DSP, l’acteur public confie la gestion d’un service public dont il a la responsabilité à un délégataire privé ou public, dont la rémunération est substantiellement liée au résultat d’exploitation du service. Contrairement aux marchés publics dont la rémunération du contrat consiste dans le simple versement d’un prix, le délégataire d’un service public est donc rémunéré de façon différée et surtout par l’usager du service lui-même. L’une des spécificités de la DSP, par opposition aux marchés publics et aux « contrats de partenariat public-privé », est ainsi que le risque est supporté in fine par le délégataire et non par l’acteur public. La DSP peut prendre trois formes différentes : l’affermage, la régie intéressée et la concession. La concession est la forme la plus traditionnelle et la plus courante qui consiste à confier au délégataire non seulement la gestion d’un service public mais également la réalisation des investissements nécessaires. L’activité est donc totalement externalisée. La concession est très courante dans le cas de grands projets d’infrastructures comme les autoroutes ou par exemple le Viaduc de Millau dont la concession a été attribuée par l’État pour une durée de 75 ans – la durée de concession est souvent révisable selon la profitabilité de l’infrastructure, un moyen de ne pas transférer l’intégralité du risque sur le concessionnaire [4]. Le concessionnaire réalise donc la conception, la construction, le financement, l’exploitation, et la maintenance. L’élément essentiel de sa rémunération réside ici dans la perception des péages.

Contrairement aux marchés publics et à la délégation de service public, le « contrat de partenariat public privé » (CPPP) est une modalité de contractualisation de l’action publique beaucoup plus récente. Créé en 2004 par ordonnance, son développement a été très rapide et particulièrement entre 2008 et 2012 (période de la RGPP) issant même la France au rang de leader des PPP. Pour la Cour des comptes, le démarrage extrêmement rapide de ces contrats s’explique par le rôle ambigu joué par la mission d’appui aux partenariats publics privés (la MAPPP), un organisme « expert » rattaché au ministre de l’économie qui, d’une mission de conseil à destination de l’acteur public, s’est transformé en un acteur de promotion systématique des PPP, au détriment de l’acteur public selon la Cour des comptes [5].

2. Le « contrat de partenariat public-privé », un contrat nouveau au développement très rapide

Lorsque le contrat de partenariat public-privé est créé, il s’agit pour le gouvernement de l’époque de « rattraper son retard » sur l’étranger. Le Royaume-Uni est alors, de ce point de vue, un modèle qui s’est avéré particulièrement profitable aux grands groupes français de travaux publics, avant que les PPP ne tombent peu à peu en disgrâce.

Selon les chiffres de la MAPP, le montant cumulé des « contrats de PPP » signés, depuis 2005, par l’État et les collectivités locales, et notamment les communes, s’élève à une quinzaine de milliards (14,7 mds). Les trois-quarts de ces contrats ont été signés par les collectivités locales pour un montant de 4 mds (149 contrats). Le quart restant a été signé par l’État pour un montant supérieur évalué à 10,7 mds (pour une cinquantaine de contrats).

La majeure partie des contrats des collectivités locales ont porté sur les équipements urbains et en particulier sur l’éclairage public pour les communes. La valeur moyenne d’un partenariat au niveau local s’établit autour de 26 millions (contre 250 millions pour l’État) mais peut aller jusqu’à plusieurs centaines de millions d’euros lorsqu’il s’agit de projets de plus grande envergure comme des équipements sportifs (exemple des stades de Marseille, de Nice ou de Lille) ou des équipements culturels (comme des théâtres par exemple) [6].

Qu’est ce qu’un « contrat de partenariat public-privé » ?

Tel que défini par ordonnance en 2004, le « contrat de partenariat public privé » permet à une personne publique de confier à un co-contractant (privé, mixte, associatif) une mission globale, dans le cadre d’un contrat de longue durée, contre un paiement effectué par la personne publique étalé dans le temps.

Contrairement aux marchés publics ou à la DSP qui sont considérés comme des outils de la commande publique de droit commun, à l’origine, le « contrat de partenariat public privé » a été conçu comme un outil dérogatoire. Compte tenu de la nature du risque supporté par l’acteur public, le Conseil constitutionnel a posé un certain nombre de gardes fous consistant pour l’acteur public à démontrer l’avantage comparatif des CPPP par rapport aux autres outils de la commande publique. Parmi les critères qui doivent être satisfaits : le caractère complexe et urgent du projet ainsi que celui de son « efficience économique » qui oblige l’acteur public à préciser le caractère plus favorable du bilan avantages / inconvénients du CPPP sur les autres montages juridiques – comme on le voit plus loin, depuis la parution d’un décret en mars 2016, les critères ont été revus.

Quels sont en théorie ses avantages ?

Trois éléments caractérisent le CPPP par rapport aux autres outils de la commande publique : son caractère global, sa durée longue et son mode de rémunération. Le caractère global du CPPP est considéré comme l’un de ses principaux attraits par rapport aux autres types de contrats. Le CPPP est en effet une forme de « package » dans lequel sont incluses et externalisées au privé toutes les étapes d’un grand projet, c’est-à-dire son financement, sa conception, sa construction, son exploitation et sa maintenance. Pour la personne publique, c’est une solution qui avait, à priori, et avant que les dangers de ces contrats n’apparaissent et que la vigilance s’impose, le mérite de la simplicité (par rapport notamment à la maitrise d’ouvrage publique). Mais c’est un autre avantage qui a prévalu, notamment pour les collectivités locales, celui de ne pas, jusqu’au mois de janvier 2011, comptabiliser le coût du CPPP (et notamment les loyers) dans les documents comptables et en particulier dans le montant de l’endettement public. Pour la Cour des comptes, le CPPP est ainsi devenu pour les collectivités locales une sorte de mode de financement des investissements alternatif à l’endettement bancaire.

Pour la pure théorie économique, le CPPP aurait la potentielle capacité de responsabiliser l’opérateur privé. L’idée est ici que, en confiant à un seul acteur toutes les taches d’un projet, celui-ci a plutôt intérêt à ne pas trop serrer les coûts sur la première partie du contrat (la conception et la construction) si, plus tard, il doit le payer en maintenance qu’il est aussi chargé d’assurer. Parmi les autres avantages des PPP identifiés par la littérature économique : ils impliqueraient de la part de la personne publique d’avoir une vision claire des objectifs de long terme et obligeraient à raisonner en coût global. En théorie, le CPPP aurait encore l’avantage d’offrir à l’acteur public un contrôle de la qualité des prestations sur toute la durée du contrat [7].

Du point de vue de l’acteur privé, le principal intérêt réside dans le mode de rémunération des CPPP, c’est-à-dire dans la perception, sur une période très longue (20 à 30 ans), de loyers, renvoyant ainsi sur l’acteur public une grande partie des risques, et notamment l’intégralité du risque dit de « demande » et une partie des risques d’exploitation [8].

3. La réalité des CPPP : des contrats dangereux pour la personne publique

Depuis 2011, la Cour des comptes a produit trois rapports sur les « contrats de partenariat public-privé » consacrés respectivement aux CPPP dans le domaine pénitentiaire (rapport public annuel 2011), aux CPPP dans le secteur de la santé et des hôpitaux en particulier (2014) et enfin aux CPPP noués par les collectivités locales (2015).

Ces rapports ont un point commun : sans appeler formellement à leur abandon, ils sont très critiques à l’égard de ces contrats. Non seulement, ceux-ci ne présentent pas d’avantages décisifs par rapport aux formules classiques de la commande publique ou de la gestion déléguée, mais il présente en outre, pour la personne publique, un risque financier qualifié de non négligeable. Les conclusions et recommandations de la Cour des comptes confirment ainsi le constat déjà très mitigé de la littérature économique récente (contrairement à des travaux plus anciens) que ce soit en en termes de qualité de service et de coût [9].

Ce qu’il ressort des différents rapports de la Cour des comptes est que les risques des CPPP (et notamment les risques financiers) sont reliés pour l’essentiel au caractère déséquilibré de la négociation entre l’opérateur privé rompu à ce genre de contrat et l’acteur public moins armé techniquement et juridiquement pour négocier des contrats qui vont courir sur vingt ou trente ans. Ces contrats supposent en effet qu’ait été correctement défini et balisé le cahier des charges donc la répartition des risques et des coûts, qu’aient été anticipés les avenants et donc les augmentations de loyers qui en résultent souvent, qu’aient été prévue la diversité des conflits pouvant subvenir sans oublier les pénalités payées par le privé en cas de non-respect des objectifs de performance – dans un numéro spécial de la Gazette des Communes un « expert » donnait comme conseil aux collectivités celui de ne pas inscrire dans le contrat le principe du plafonnement des pénalités, ce qui visiblement est courant … [10]

Autant de jalons censés donc protéger la personne publique et qui sont, trop souvent, mal négociés par la personne publique.

En amont de la procédure : une phase d’évaluation et d’analyse partielle et partiale

Une autre constante ressort des enquêtes de la Cour des comptes : celle du manque d’accompagnement de l’acteur public l’empêchant de choisir, en pleine connaissance de cause, le type de contrat juridique le plus adapté à son projet et l’empêchant aussi de bien négocier son contrat de partenariat.

Pour la Cour des comptes, les collectivités locales et les hôpitaux ont particulièrement pâti, en amont de la procédure, d’un manque d’analyses comparatives objectives et indépendantes. Les évaluations préalables qu’elles ont menées ou fait mener à la MAPP (la mission d’appui aux partenariats publics privés) ont été partielles (les critères de complexité et d’urgence normalement requis sont souvent rarement établis) et partiales car systématiquement « orientées en faveur des CPPP » souligne la Cour des comptes [11]. Ainsi, beaucoup de contrats de partenariats public-privé ont-ils été lancés de façon précipitée sans que ni leur valeur ajoutée réelle, ni la répartition des risques, ni leur impact sur les finances publiques de long terme ou le service rendu à l’usager, n’aient été correctement évalués. Dans un certain nombre de cas, précise l’institution, l’évaluation préalable n’aura servie qu’à valider un choix de la collectivité à priori en faveur du contrat de partenariat – un choix notamment motivé pour les raisons comptables évoquées plus haut.

S’agissant même des hôpitaux dont la promotion sous forme de PPP a clairement été une volonté gouvernementale à partir de 2003, la Cour des comptes a conclu à un « dialogue déséquilibré » au détriment de l’acteur public [12]. Dans le cas du scandale de l’hôpital Sud Francilien (encadré ci-dessous) , la chambre régionale des comptes d’Ile de France a ainsi conclu à un projet avantageusement présenté par le cabinet de conseil « Ernst and Young » contre l’avis défavorable des élus et d’une partie du conseil d’administration et alors même que l’équipe technique de l’hôpital n’était composée, dans la phase amont du projet, que de deux personnes (un chargé de mission et un ingénieur en chef) pour négocier face au groupe Eiffage.

Des contrats « peu protecteurs des intérêts de la personne publique »

Contrairement à l’acteur privé plus armé, l’acteur public manque de moyens d’expertise (moyens techniques et humains) pour, en amont, bien négocier les contrats mais aussi pour pouvoir en suivre l’exécution. Ainsi, la Cour des comptes cite-t-elle de nombreux exemples de contrats de partenariat qui ne comportent pas, alors qu’elles sont obligatoires, certaines clauses censées protéger les intérêts de l’acteur public : il s’agit de clauses relatives au contrôle par la personne publique des objectifs de performance, de clauses relatives aux obligations de l’opérateur privé en termes « d’affectation des ouvrages et équipements au service public », de clauses relatives aux pénalités en cas de non-respect des objectifs. Au final, pour la Cour des comptes, il s’agit de « dispositifs contractuels […] peu protecteurs des intérêts de la personne publique […] situation [qui] s’aggrave souvent en cours d’exécution, faute de maitrise du dispositif par les collectivités. » [13]

Non seulement, le non-respect de ces clauses peut avoir des conséquences sur la qualité du service public rendu mais avoir également, lorsqu’il s’agit de clauses défavorables à l’acteur public ou d’avenants conclus dans un sens favorable aux entreprises, ce qui représente les cas les plus fréquents, une conséquence financière importante via des augmentations de loyers qui sont, dès le départ, trop souvent sous-estimées.

Si les intérêts de la personne publique sont faiblement protégés dans le cadre de ces contrats, ceux-ci ne satisfont pas de la façon tous les intérêts privés. C’est l’une des conclusions à laquelle a abouti un rapport d’information de la commission des lois du Sénat de juillet 2014 selon lequel, en plus d’évincer les PME et les TPE au profit de grands groupes, le contrat de partenariat les relègue dans une situation de sous-traitance sans leur assurer les garanties qui s’y rattachent comme dans le cadre d’un marché public. [14]

L’exemple scandaleux du Centre hospitalier sud-francilien  [15]
Contre l’avis des représentants du personnel, d’une partie du conseil d’administration et d’un certain nombre d’élus locaux (parmi lesquels M. Valls, alors Député-Maire d’Evry), il est finalement décidé en 2003 de fusionner les hôpitaux de Corbeil Essonne et d’Evry et de les remplacer par un nouveau centre hospitalier.
Le chantier du nouveau centre hospitalier sud-francilien (CHSF) débute en 2007 dans un contexte où sa réalisation sous forme de PPP est une volonté affichée et « appuyée » des autorités de tutelle et notamment de la ministre de la santé de l’époque (R. Bachelot) – le CSEF est alors désigné comme un modèle « innovant » à suivre. [16]
Huit plus tard (en 2014), après une accumulation de difficultés et de contentieux, un retard de livraison important, quelques 8 000 malfaçons relevées à la fin du chantier, un turn-over dans la gouvernance de l’hôpital, un surcoût de loyers de plus de 400 millions d’euros [17], le CHSF a finalement résilié le contrat de partenariat qui le liait au groupe Eiffage, une décision lui permettant de reprendre la maitrise sur les coûts de maintenance et que l’hôpital a motivée par l’intérêt général [18].
La chambre régionale de la Cour des comptes d’Ile de France a produit deux rapports sur le CESF (2011 et 2014) dont voici ci-dessous les principales observations et conclusions :
 souhaité par les autorités de tutelle, le projet a été avantageusement présenté par le cabinet de conseil de conseil « Ernst and Young » alors qu’il était insuffisamment protecteur des intérêts de la personne publique ;
 la phase préparatoire du projet (appelée dialogue compétitif) a été bâclée, ce qui sera à l’origine de nombreux litiges liés aux demandes de modification et à leurs conséquences financières ;
 l’équipe technique du CESF (composée de 2 personnes : un chargé de mission et un ingénieur en chef) était trop limitée en nombre pour suivre un projet d’une telle envergure (110 000 m2) ;
 la direction du CESH a été « contrainte » par les autorités de tutelle (et notamment l’ARS) de réceptionner l’ouvrage alors que de nombreuses malfaçons avaient été constatées ;
 une partie des loyers de maintenance et d’exploitation injustifiés ont fortement dégradé le résultat financier justifiant pour l’ARS la mise en œuvre d’un plan d’économie sur la masse salariale de 1,5 millions – refusant de le mettre en œuvre, le directeur de l’époque (au total il y en a eu 6 en comptant les intérimaires) va démissionner mais le plan d’économie (2012-2016), combattu par FO [19], sera mis en œuvre. Il s’est notamment traduit par 150 suppressions de postes, une diminution des RTT, une augmentation de la durée des services … [20]
Au final, le rapport de la Chambre régionale des comptes d’Ile de France (2011) a conclu à un hôpital « surdimensionné et très coûteux », sous une « formule juridique contraignante et financièrement aléatoire » alors que le « recours à une maîtrise d’ouvrage publique financée par l’emprunt aurait été une solution financièrement plus intéressante ».
Tout est dit.

Les PPP sont morts, place aux « marchés de partenariat » : l’emballage change, pas les pratiques.

Depuis la fin du mois de mars dernier et la parution des décrets d’application des ordonnances de juillet 2015 réformant la commande publique, le partenariat public-privé (regroupant le contrat de partenariat et les baux emphytéotiques) porte une nouvelle dénomination : le « marché de partenariat » dont les contours ont été redéfinis dans le cadre d’une réforme de la commande publique engagée cet été.

Cette réforme a été motivée par le besoin de sécuriser le recours au partenariat et de lutter contre ce que d’aucuns déploraient, à savoir l’insécurité juridique de ces contrats dont un certain nombre d’entre eux se sont vus récemment remis en cause par le tribunal administratif au motif souvent que les critères d’éligibilité (complexité, urgence) n’étaient pas satisfaits et que partant, la supériorité du contrat de partenariat n’était pas démontrée. [21]

L’une des évolutions notables de cette réforme a donc porté, dans le cadre de la procédure « d’évaluation préalable », sur une redéfinition des critères d’éligibilité via la suppression des conditions de complexité et d’urgence et en ne maintenant que la condition de l’efficience économique, c’est-à-dire celle du bilan favorable – dont il appartient toujours à la personne publique de faire la démonstration au regard d’un certain nombre de critères définis par décret. [22]

S’il est difficile de porter une appréciation sur cette évolution, on peut souligner que celle-ci est contraire aux préconisations de la Cour des comptes et à celles de la Commission des lois du Sénat qui recommandaient plutôt de définir plus précisément les critères de complexité et d’urgence en laissant de côté le critère de l’efficience économique jugé trop subjectif et arbitraire, et donc très difficile à établir. De même, que penser de la décision de soumettre la procédure d’évaluation préalable (assortie d’une nouvelle étude de soutenabilité budgétaire) à un avis « renforcé de la MAPP » si les qualités d’indépendance et d’objectivité de son expertise sont toujours sujettes à caution ? [23]

Pour l’heure, et dans l’attente d’une refondation annoncée de la MAPP, cette évolution des partenariats public-privé, dans une réforme plus globale de la commande publique, ne vise pas à apporter une réponse au point d’achoppement majeur de ces contrats qui est le caractère asymétrique et déséquilibré de la négociation entre l’acteur privé et la personne publique. Pour le gouvernement en revanche, la chose semble être entendue pour l’avenir : que les PPP demeurent des outils de l’investissement public tout en permettant la maitrise des finances publiques, en bref, qu’ils continuent à être ce qu’ils n’ont jamais été. [24]

Force Ouvrière est opposée au PPP, quel que soit le nom qui leur est ou sera donné. Pour garantir la mise en œuvre des politiques et des missions publiques, selon les objectifs d’intérêt général et d’égalité de droit, rien ne saurait remplacer le service public républicain des trois versants de la Fonction Publique : neutralité, probité, indépendance, efficacité (y compris financière) et grandes compétences.

Pour FO, dès lors que le maitre d’ouvrage public décide de réaliser un projet public par un ou des opérateurs privés, alors la règle doit être le marché public (règlementé, contrôlé, économique, garant des règles de concurrence et permettant de répondre aux urgences). Les PPP ont conduits à des équipements publics non adaptés et de surcroit extraordinairement couteux pour les ressources publiques.

Très couteux, peu performants, monopolistiques (uniquement en faveur des grands groupes), antidémocratiques (aucune modification ni évolution possible sur des dizaines d’années), les PPP sont à chaque fois des bombes à fragmentations durables fissurant l’intérêt général et dégradant les ressources publiques sur des décennies. Ils sont antinomiques du service public et donc des fondements et valeurs de la République. FO demande leur véritable suppression !

Achevé de rédiger le 27 avril 2016

Pascal Pavageau Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière

Secteur Économique

Notes

[1Selon le code des marchés publics, les marchés publics ont pour objet de permettre à l’acteur public de satisfaire ses besoins en termes de travaux, de fournitures ou de services. De la définition des besoins, dépendra l’objet du marché : « marchés publics de travaux », « marchés publics de fourniture » ou « marchés publics de services ». Conseil d’État, Guide des outils de l’action économique, version de décembre 2015 téléchargeable.

[2Saussier S., Tirole J., 2015, « Renforcer l’efficacité de la commande publique », Les notes du CAE, n°22.

[3Il s’agit de services publics délégables par opposition à ceux qui ne le sont pas comme les activités de police par exemple.

[4Saussier S., Tirole J., 2015, ibid.

[5Cour des comptes, Rapport public annuel 2015.

[6Cour des comptes, 2015, ibid.

[7Pour plus de détails, cf. Brux J. Piron V., Saussier S., 2011, « Une analyse économique des PPP », Institut de la gestion déléguée, document téléchargeable.

[8Les loyers portent distinctement sur l’investissement, le financement et la maintenance des ouvrages.

[9Saussier S., Tirole J., 2015, ibid.

[10La Gazette des Communes, 16 juin 2014, Dossier spécial, « Dix ans de PPP ».

[11Cour des comptes, 2015, ibid.

[12Une législation spécifique aux hôpitaux a été mise en oeuvre : les baux emphytéotiques hospitaliers que les directeurs d’agences régionales d’hospitalisation reçurent comme instruction du ministère d’encourager : ceux-ci devaient proposer au moins un projet d’investissement conduit en PPP. Cour des comptes, Rapport public annuel 2014.

[13Cour des comptes, 2015, ibid., p 166.

[14Sueur JP, Portelli H., 2014, Les contrats de partenariat : des bombes à retardements ?, Rapport d’information sur les partenariats publics-privés au nom de la commission des lois, p 30.

[15Rapport de la Chambre régionale des comptes d’Ile de France, Observations définitives, juillet 2014, Centre hospitalier sud-francilien.

[16Pour l’anecdote, le président du conseil d’administration du CHSF avait même reçu le premier prix du congrès international des PPP qui s’était tenu à Paris en 2006.

[17A l’origine, les loyers devaient s’élever à 29 millions d’euros annuels sur 30 ans (soit 870 millions de loyers au total). Finalement, et avant que le CESF ne résilie son contrat, les loyers annuels aurait dû s’élever à 43 millions d’euros annuels sur 30 ans (soit une dépense de loyers de 1,3 milliards). Une somme très éloignée du coût de la construction fixé par Eiffage à l’origine à 344 millions ... Chambre régionale des comptes, 2011.

[18Il est difficile d’apprécier le gâchis financier de l’opération. Selon des chiffres parus dans la presse (Les Echos du 14/04/2014), le coût de la construction serait finalement doublé pour le CESF pour s’établir à près de 680 millions (contre 344 millions prévus à l’origine).

[19Voir « Livre noir de la RGPP » – Document Confédération FO Octobre 2014 / Plaidoyer pour l’abandon des PPP – Document FSPS-FO mars 2014

[20Fédération des services publics et de santé, Plaidoyer pour l’abandon des PPP hospitaliers

[21Exemples : musée de la mer et cité du surf à Biarritz, piscine municipale à Lille…

[22Tels que : l’étendue du transfert de la maîtrise d’ouvrage du projet au titulaire, le périmètre des missions susceptibles de lui être confiées, les modalités de partage des risques ainsi que le coût global du projet. Décret n° 2016-360 du 23 mars 2016.

[23Parmi les autres changements de cette réforme, il y a encore celle de subordonner le « marché de partenariat » à une condition de seuils minima : 2 millions d’euros lorsque l’objet principal du marché de partenariat porte sur des biens immatériels, des systèmes d’information ou des équipements autres que des ouvrages ; 5 millions d’euros lorsque l’objet porte sur des ouvrages d’infrastructure de réseau et 10 millions d’euros lorsque l’objet porte sur des prestations autres que ceux mentionnés aux 1°et 2° du présent I. (article 151)

[24Réforme de la commande publique, dossier de présentation, juillet 2015.