Pas de « coup de pouce » pour le Smic en 2017

Salaires par Nadia Djabali

Le gouvernement a annoncé lundi 19 décembre qu’il ne donnera pas de « coup de pouce » au Smic. Fin novembre, le groupe d’expert indépendant sur le Smic avait émis un avis défavorable. Le salaire minimum n’aura pas connu d’augmentation significative depuis cinq ans. En juillet 2012, un mini coup de pouce de 0,6% avait eu lieu. Il faisait suite au coup de pouce de 0,3% de juillet 2006. Pour un coup de pouce supérieur, il faut remonter à 1997 et les 2,26% accordés à l’augmentation du Smic.

Installé depuis 2013, l’actuel groupe d’experts n’a jamais préconisé de hausse du Smic. Mais même s’il apporte une caution académique, le gouvernement n’est pas tenu de le suivre. La décision d’augmenter ou non le Smic, au-delà de la revalorisation automatique, relève de l’exécutif.

Présidé par François Bourguignon, directeur de l’école d’économie de Paris, ce groupe réunit Pierre Cahuc (économiste au centre de recherche en économie et statistique, Crest et professeur à l’École polytechnique), Eve Caroli, (Professeure à l’Université Paris-Dauphine et chercheuse au LEDa-LEGOS et à l’École d’économie de Paris), Dominique Goux, chercheuse au laboratoire de sociologie quantitative du CREST et Stefano Scarpetta (directeur du département de l’emploi, du travail et des affaires sociales, OCDE).

Considérations politiques

Des personnes à l’assise académique certaine, c’est pour cela qu’elles ont été nommées par le gouvernement. Et c’est sans doute là où le bât blesse. Aucune d’elles ne vient du monde de l’entreprise et encore moins des couches les moins rémunérées du salariat.

La composition de ce groupe répond à des considérations politiques. Et, c’est à cette aune qu’il doit être renouvelé en mai 2017. En 2013, les noms ont été proposés par les différents cabinets du ministère du Travail, de Bercy et Matignon. À l’époque, il s’agissait de remplacer le groupe d’experts précédent présidé par l’ancien directeur de l’Insee Paul Champsaur. Les syndicats demandaient notamment que le groupe ne soit pas exclusivement d’économistes, qui plus est représentant le courant dominant qui envisage toute hausse du Smic comme un frein à la compétitivité des entreprises.

D’où la nomination en 2013 de la sociologue Dominique Goux et de la chercheuse Eve Caroli, qui, sans être des hétérodoxes, ont l’avantage d’être des femmes, mais surtout ont une vision plus orientée vers le social et les problématiques liées à la santé au travail.

Modération salariale

Bercy et notamment la direction du Trésor ont proposé dans le rôle des gardiens du temple de l’orthodoxie économique : Pierre Cahuc et Stefano Scarpetta. Le premier prônant l’utilisation des taxes et des prestations sociales, pour lutter contre les inégalités plutôt que l’augmentation du Smic. Un mécanisme qui transfère au contribuable une partie des rémunérations qui devraient être à la charge des employeurs.

Stefano Scarpetta, dans la droite ligne de l’OCDE, prône quant à lui la modération salariale. Pour cette organisation, le Smic figure à l’instar du droit du Travail et de la protection contre les licenciements, parmi les rigidités qui empêchent les employeurs d’embaucher.

Des sujets écartés faute de moyens

Le groupe d’experts dispose d’un budget de fonctionnement très limité. Il commande un certain nombre d’études aux services de l’État tels que l’Insee, la Darès (ministère du Travail), et la direction du Trésor. Mais il ne peut pas commander d’études à des chercheurs spécialisés qui dépendent par exemple de l’enseignement supérieur. Résultat : un certain nombre de sujets sont écartés faute de moyens.

Les rapports et les études qu’il produit sur les rémunérations et les bas salaires sont néanmoins de bonne facture. Mais immanquablement et malgré un positionnement plus nuancé sur le duel coût du travail et valeur généré par les salariés, sa conclusion demeure la même : hormis sa revalorisation légale pas d’augmentation du Smic.

Un Smic à 1 780 euros bruts ?

Une posture dénoncée par Force ouvrière qui revendique un Smic à hauteur de 80% du salaire médian soit 1 780 euros bruts par mois. La commission a dit non au coup de pouce, malgré son constat de fragilité économique des travailleurs à bas salaire et bien que les auteurs du rapport aient pris soin de relever les signaux positifs envoyés par l’économie française (croissance du PIB, progression de l’emploi marchand en 2016), déplore Marie-Alice Medeuf, secrétaire confédérale FO. Accorder un coup de pouce au Smic permettrait précisément de relancer la dynamique salariale, y compris au niveau des branches, la consommation, et par là même, de renforcer la croissance.

Se pose enfin la question du format de ce groupe d’experts qui affiche une exception culturelle bien française : l’absence des partenaires sociaux au sein de la commission.

Nadia Djabali Journaliste à L’inFO militante

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