Privatiser des services publics locaux serait enfin démodé ?

Événement par Valérie Forgeront

Le contrôle de la gestion de l’eau est de plus en plus repris par le secteur public au sein des municipalités. © Gilles ROLLE / REA

Et si le retour des services publics locaux dans le giron public constituait la solution pour réaliser, entre autres, des économies ? En dix-sept ans, on compte au moins 835 cas de remunicipalisations de services dans 45 pays… Y compris en France. Dix instituts internationaux analysent les avantages qu’en ont retirés les collectivités. Ils sont nombreux.

Gestion de l’eau, des transports, de l’énergie, de la santé… De plus en plus de services locaux sont ré-internalisés au sein des collectivités locales. Cette tendance se constate de par le monde, souligne une récente étude menée par une dizaine d’instituts internationaux (dont la Fédération internationale des services publics, à laquelle sont affiliées plusieurs fédérations FO). Entre 2000 et 2017, au moins 835 services ont été remunicipalisés. Ces décisions de reprise de la gestion directe de services – très affirmée en Europe – proviennent de l’expérience de nombreuses villes ayant auparavant sous-traité leurs services à des sociétés privées et/ou construit des infrastructures selon le système du partenariat public-privé (PPP). Des PPP qui induisent pour la collectivité locale le paiement à l’entreprise, pendant de longues années, d’un loyer onéreux. Depuis l’an 2000, les remunicipalisations ont ainsi concerné 1 600 villes dans 45 pays. On en compte en France (152), aux États-Unis (67), au Royaume-Uni (64), en Argentine (5), en Allemagne (347), au Mozambique (2), en Inde (7), en Suède (8)… Sur le plan mondial, le mouvement de remunicipalisation s’accélère. Il y en a eu cinq fois plus entre 2009 et 2017 qu’entre 2000 et 2008.

Une réponse aux politiques d’austérité

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C’est le nombre de cas de ré-internalisations dans le monde pour le secteur de l’énergie, qui est celui qui en compte le plus.

Cette reprise de contrôle par le secteur public coûte en général moins cher pour les collectivités et pour les usagers qu’une situation de privatisation. Mieux, résume l’étude, il ne faudrait pas privatiser au départ. Cela évite à la collectivité et aux usagers de payer le coût de la sous-traitance, lié notamment aux transferts financiers de l’entreprise vers les sociétés mères et les actionnaires. Cela évite aussi, lorsqu’on veut remunicipaliser un service, de devoir entreprendre une procédure en arbitrage international, demandée par l’entreprise privée sous-traitante et d’un coût exorbitant. Attention, nombre d’accords, tel le Ceta, portent en eux des dispositifs de protection des investisseurs étrangers et surtout de leurs profits, avertit l’étude qui a constaté par ailleurs que vingt procédures d’arbitrage avaient été demandées – notamment par des entreprises des secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications – en réponse à la volonté de collectivités de dé-privatiser des services. Ces démarches ont parfois dissuadé des entités locales d’entamer une remunicipalisation. Pour l’étude, redonner un caractère public aux services est un moyen d’améliorer leur qualité et leur accès pour tous, ou encore de s’attaquer aux grands défis sociaux, environnementaux et climatiques. En Europe, remunicipaliser peut être considéré comme une réponse aux politiques d’austérité et une réaction contre les abus de la libéralisation et l’accaparement des services essentiels par de grandes multinationales

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante