Professions réglementées : l’emploi et la qualité du service en jeu

Événement par Evelyne Salamero

Derrière de prétendus « -privilèges- », on trouve des centaines de milliers d’emplois voire des missions de service public. © DENIS ALLARD/REA

Dans les études notariales, les pharmacies, les cabinets d’huissiers, etc. : la réforme voulue par le gouvernement et Bruxelles menace des milliers d’emplois et les missions déléguées par l’État.

Les banques et les compagnies d’assurances pourront-elles être actionnaires des études notariales ? Le capital des pharmacies pourrat- il être ouvert à des investisseurs qui ne connaissent rien à la santé ? C’est ce que préconise un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), dont s’inspire le projet de réforme des professions réglementées, annoncée en juillet par l’ancien ministre de l’Économie, Arnaud Montebourg, et reportée à 2015 par son successeur, Emmanuel Macron, mais toujours à l’ordre du jour. Ces professions, qui emploient 1,1 million de salariés dans des secteurs très divers, ont pour point commun d’obéir, comme leur nom l’indique, à des règles spécifiques, qui s’ajoutent à celles du droit du travail et du droit commercial et qui régissent en particulier la reconnaissance de la qualification professionnelle. Ainsi, un coiffeur doit être titulaire du brevet professionnel pour ouvrir son propre salon (et non du seul CAP). Un chauffeur de taxi doit obtenir le certificat de capacité professionnelle pour pouvoir se mettre à son compte. Un avocat doit être collaborateur et salarié d’un autre avocat pendant deux ans avant de pouvoir créer son cabinet. Autant de garanties pour la qualité du service rendu. Autant de freins à la liberté d’entreprendre selon la Commission européenne, qui demande une déréglementation de ces professions.

« Un patronat réfractaire au progrès social »

En France, celle-ci a été mise à l’ordre du jour dans le cadre du projet de loi dite de « croissance et de pouvoir d’achat ». Mais, souligne la confédération FO, si les tarifs de ces professions sont trop élevés, « il faut au contraire réglementer davantage et surtout contrôler », ce qui impose de redonner des moyens et des implantations locales aux services publics qui s’en chargent (concurrence, répression des fraudes, douanes, services fiscaux).

Enfin, la réforme pourrait entraîner des milliers de suppressions d’emplois : de 13 à 20 % des effectifs dans le notariat (sur un total de 48 000) et 8 000 postes chez les huissiers, entre autres. Pourtant, l’État a confié à ces deux professions des missions de service public dans le domaine juridique, tout comme il a confié une mission de santé publique aux pharmaciens pour assurer la délivrance des médicaments en toute sécurité.

Déjà confrontés à « un patronat réfractaire et allergique à tout progrès social pour leur personnel », les salariés des professions réglementées « risquent demain d’être les proies et les victimes collatérales d’une déréglementation qui fera peser sur eux les marges perdues », résume la Fédération FO des employés et cadres.

Taxis : Déjà dans la tourmente VTC
Nordine Dahmane est secrétaire du syndicat FO des taxis. Il a vingt ans de volant derrière lui. Ce militant rejette toute idée de déréglementation pour sa profession, qui compte 55 000 taxis (artisans ou salariés) sur le plan national dont 20 000 à Paris ou en banlieue. « L’arrivée sur le marché de la société de véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) Uber, qui n’obéit pas aux mêmes obligations que nous, a déjà fait très mal. » L’hiver dernier, à l’appel de FO, les taxis ont dû mener deux grèves contre ces VTC. Le 18 septembre, une loi visant notamment à mieux encadrer les méthodes de travail de ces derniers a été adoptée. VF

Pharmacie : Le Smic ou le chômage
Secrétaire FO du secteur des officines en Vendée, Pierrick Chaigne est préparateur en pharmacie depuis quarante et un ans à La Roche-sur-Yon. Pour ce militant, « il est hors de question de combattre aux côtés du patronat de la branche alors que la situation des 120 000 salariés des officines est déjà dramatique ». Payés au Smic, ils n’ont reçu aucune hausse de salaire depuis un an et demi. Par ailleurs, les salariés risquent de plus en plus le licenciement lors des transactions d’officines, « lesquelles se vendent encore très bien ». Le taux de chômage dans la branche dépasse désormais les 10 %. VF

Notariat : Menaces de licenciements
Militante FO, Valérie Cottet est clerc de notaire depuis vingt et un ans. Elle travaille à Noailles (Oise) dans une étude de taille moyenne comptant deux notaires et sept salariés, dont les rémunérations varient de 1 300 à 2 400 euros net. Inquiète pour l’avenir des 48 500 employés (clercs, secrétaires, comptables…) des 4 200 études de France, Valérie a manifesté le 17 septembre, comme des milliers de salariés de l’institution. « Depuis l’année 2009, marquée par 6 500 licenciements dans la branche, indique Valérie, l’emploi reste fragile dans ce secteur professionnel qui compte toujours 3 600 demandeurs d’emploi. » VF

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

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