Rentrée : 50 000 collégiens et lycéens de plus, 19 millions d’euros en moins

Education nationale par Evelyne Salamero, FNEC FP FO

Alors que le nombre d’élèves augmente, celui des établissements ne fait que décroître.

En fanfare ? L’appel à une rentrée scolaire « en musique », avec « chorales et/ou orchestres » lancé par le ministre ne fait pas oublier le manque de moyens et la nocivité des réformes. La Fédération FO de l’Enseignement, de la Culture et de la Formation professionnelle alerte sur les conditions explosives et exécrables de cette rentrée. De l’école maternelle à l’université, ou plusieurs milliers de bacheliers n’ont toujours pas de place. État des lieux.

Le ministre de l’Éducation, M. Jean-Michel Blanquer, ne recule devant rien pour tenter de calmer les esprits, allant jusqu’à contredire le président de la République, en déclarant que le budget de l’Éducation, et pas seulement celui de la Défense comme l’avait annoncé le chef de l’État en juillet, serait augmenté en 2018.

Il reste que nous sommes en 2017, et que la rentrée scolaire se fait dans des conditions explosives et exécrables, alerte la FNEC-FP FO. Des conditions encore aggravées par la suppression de 20 000 contrats aidés dans la seule Éducation nationale (166 000 au total) annoncée le 9 août.

Les conditions « explosives et exécrables » de cette rentrée

Les coupes budgétaires atteignent au total 81 millions d’euros (et non, d’ailleurs, 75 millions comme l’avait annoncé le ministre de l’Action et des Comptes publics) Gérald Darmanin.

Les écoles maternelles et primaires devront faire avec 7 millions de moins. Le second degré se voit retirer 19 millions d’euros, alors que 50 000 collégiens et lycéens supplémentaires sont attendus. L’enseignement technique agricole doit renoncer à 6,5 millions. L’enseignement privé (1er et 2e degré confondus) perd 11 millions d’euros.

Il faut ajouter la suppression de 30 millions pour le soutien de la politique de l’Éducation nationale qui comprend notamment les dépenses en matière d’immobilier, de logistique, de système d’information, de transport scolaire et la baisse de 8 millions des crédits alloués à la « vie de l’élève », anciennement « vie scolaire », dans le second degré, service notamment en charge de la surveillance des élèves, de l’absentéisme, des sorties scolaires, de l’affectation des élèves dans les lycées...

7 063 écoles fermées entre 1999 et 2016 : 38% des communes n’en ont plus

La situation est d’autant plus tendue que ces coupes interviennent dans un contexte déjà marqué par des années d’austérité sous les gouvernements précédents.

Alors que le nombre d’élèves des maternelles et des écoles primaires a augmenté de 151 200 entre 2009 et 2017, 4 184 postes d’enseignants seulement ont été créés sur la même période, soit un poste pour 36 élèves supplémentaires.

Le nombre d’écoles est passé de 53 498 en 1999 à 46 435 en 2016, soit 7 063 de moins, avec 1 237 fermetures en seulement quatre ans, depuis 2013. Résultat : sur 36 689 communes, seules 23 066 possèdent encore une école, soit 62,08%.

Des CP dédoublés… Sans enseignants supplémentaires

Dans ces conditions, on ne s’étonnera pas que l’annonce d’un dédoublement des classes de cours préparatoire par le ministre, en puisant dans les effectifs normalement dédiés aux remplacements et aux réseaux d’aide spécialisée aux élèves en difficulté (RASED), eux même déjà en voie de disparition, apparaisse plus comme une provocation que comme une preuve de bonne volonté.

Dans le second degré : des élèves toujours plus nombreux, des enseignants toujours moins nombreux, des lycées professionnels en moins

Dans le secondaire, 68 lycées professionnels ont fermé en trois ans, entre 2012 et 2015.

Dans les lycées et collèges d’enseignement général, le nombre d’enseignants a diminué de 14 353 (de 404 226 à 389 873) de 2008 à 2016, alors que le nombre d’élèves a lui déjà augmenté de 112 700 (de 4 268 300 à 4 381 000) sur la même période.

Il faut y ajouter les 50 000 nouveaux arrivants de cette rentrée [1].

Il est à noter que c’est le nombre d’enseignants titulaires qui a diminué, le nombre de contractuels passant au contraire de 15 004 à 27 288.

Non seulement les créations de postes sont bien loin d’avoir compensé les pertes, mais en plus les postes « créés » ne sont pas tous pourvus, loin s’en faut, que ce soit dans le premier degré ou dans le second degré.

Crise du recrutement : pourquoi ?

Le temps où le métier d’enseignant répondait à une vocation et s’accompagnait d’une formation particulièrement exigeante semble s’éloigner au fil des budgets d’austérité et des réformes…

On peut ainsi lire cette annonce du rectorat de Créteil sur le site de Pôle emploi : Vous êtes étudiant ou déjà diplômé ? Vous souhaitez effectuer une reconversion professionnelle ? L’académie de Créteil vous offre l’opportunité de devenir enseignant sans passer par la voie du concours !.

Une véritable crise du recrutement s’est installée et il faut en chercher les causes dans la dégradation des conditions de travail, les réformes et le niveau des salaires, explique la FNEC-FP FO, sachant que comme tous les fonctionnaires, les enseignants ont vu leur pouvoir d’achat diminuer de 16% depuis 2000.

A tire d’exemples, faute de candidats, dans les académies de Créteil et Versailles, 573 recrutements ne pourront pas être concrétisés dans le premier degré et 165 postes de professeur de mathématiques resteront vacants !

Réformes : Pourquoi FO ne se satisfait pas des amendements du ministre

Les amendements du ministre aux réformes du précédent gouvernement (rythmes scolaires et Collège), aggravent les choses, en accroissant encore l’autonomie des écoles et des établissements quant au choix des horaires et au rétablissement des enseignements facultatifs (latin, grec…), explique la FNEC-FP FO. Comment ?

Pour le premier degré, chaque commune pourra déroger au calendrier scolaire annuel, établir ses propres horaires et en particulier —si elle le souhaite, donc— revenir à la semaine de quatre jours.

En revanche, les deux heures d’enseignement hebdomadaires perdues depuis la réforme Darcos de 2008 (soit 72 heures annuelles) ne sont toujours pas rétablies.

A ce jour, un tiers des communes ont décidé de revenir à la semaine de quatre jours.

La fédération FO qui s’oppose à toute remise en cause du calendrier scolaire national fixant les congés et vacances scolaires, revendique le retour à la semaine de quatre jours sur tout le territoire national sur la base de 24 heures hebdomadaires, avec coupure du mercredi, sur 36 semaines annuelles.

Quant à la réforme du collège, le ministre a décidé de la publier le 18 juin dernier alors qu’elle que le Conseil supérieur de l’éducation avait donné un avis défavorable dix jours plus tôt.

Si le ministre l’a amendée, se targuant de vouloir privilégier les enseignements facultatifs et soulignant à qui voulait l’entendre l’importance des langues anciennes, il laisse là encore chaque établissement décider ou non du rétablissement de ces enseignements, sachant qu’ils devront de toutes les façons le faire en piochant dans la quantité d’heures d’ores et déjà accordées et donc au détriment d’autres matières.

Pour la fédération FO, la revendication demeure l’abrogation de cette réforme.

Enseignement supérieur : le désastre

En date du 29 août, pas moins de 6 000 bacheliers n’avaient toujours pas d’affectation à l’université et 11 000 de plus avaient renoncé à s’inscrire ou bien s’étaient inscrits dans le privé. Des milliers d’autres sont inscrits dans des filières qui ne correspondent pas à ce qu’ils souhaitaient.

De fait, souligne FO, il s’agit là d’une remise en cause du diplôme du baccalauréat comme premier grade universitaire et donc du droit qui en découle pour chaque bachelier d’accéder aux études supérieures de son choix.

Et il ne s’agit pas d’un simple problème technique, mais bien du manque de postes nécessaires pour permettre aux universités d’accueillir tous les étudiants, souligne la fédération FO, rappelant les dégâts causés par les politiques budgétaires d’austérité des gouvernements successifs et le désengagement de l’État sous couvert d’autonomie des universités.

La situation est d’autant plus explosive que le gouvernement a décidé de priver le budget de l’enseignement supérieur de 331 millions d’euros… Après avoir annoncé la baisse des Aides personnalisées au logement (APL).

Deux mesures prises en plein été dont FO exige l’annulation.

Les mobilisations se multiplient

On a beaucoup parlé de la décision de la majorité des maires de l’Ile de la Réunion de reporter la rentrée scolaire à l’Ile de la Réunion après l’annonce de la suppression de dizaines de milliers de contrats aidés.

Des mobilisations communes de personnel et de parents d’élèves, avec l’appui de FO, ont lieu depuis la fin de l’année scolaire précédente en mai et juin dernier.

Ces mobilisations payent souvent, au moins en partie, comme, pour ne citer que quelques exemples, dans l’Eure où le conseil départemental a dû renoncer à fermer un collège, à Chilly-Mazarin (Essonne) où les enseignants et parents, avec l’appui de FO, ont obtenu que le rectorat annule deux suppressions de classes bilingues sur quatre ou encore à Compiègne où l’inspecteur d’académie a attribué 29 heures à un collège pour permettre les dédoublements de classe dans de bonnes conditions…

Constatant cette ébullition, la FNEC-FP FO appelle à réunir les instances et les syndiqués et à organiser les réunions des personnels dès la rentrée pour établir les revendications et discuter des moyens d’action pour les faire aboutir.

 

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

FNEC FP FO Enseignement, Culture et Formation professionnelle

Notes

[1Ces évolutions sont liées à la démographie, les générations nées en 2006 et 2007 qui arriveront dans les établissements du second degré aux rentrées 2017 et 2018 étant plus importantes que celles qui les quitteront, observe la DEPP (direction de l’évaluation de la prospective et de la performance, ministère de l’Education nationale).

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