« Spectaculaire Second Empire », le spectacle de l’affairisme décomplexé

Exposition au Musée d’Orsay par Michel Pourcelot

Présentée au Musée d’Orsay jusqu’au 15 janvier 2017, cette exposition étale tout le luxe déployé sous Napoléon III (1852-1870), participant à une réhabilitation de ce règne engagée depuis plusieurs années.

Les organisateurs de « Spectaculaire Second Empire » ne se cachent pas d’une volonté d’une réhabilitation du règne de Napoléon III : cette époque de prospérité fut un temps de fastes et d’euphorie économique, d’ostentation et de célébrations multiples qu’il convient de réexaminer. Le tout derrière un riche tir de barrage : quelque 440 pièces, dont un immense bénitier en cristal qui ressemble à une fontaine. Ce sont 70 morceaux de cristal rassemblés autour d’un axe métallique, se pâme un des co-commissaires de l’exposition.

Pour tenter de faire bonne mesure à la débauche des célébrations de luxe illustrant la réussite de parvenus et d’affairistes décomplexés, le Musée avance le fameux Le déjeuner sur l’herbe de Manet exposé en 1863 au « Salon des refusés », manifestation créé par Napoléon III, est-il souligné, bien que son origine fut surtout les excès de son « ministre de la Culture », Émilien de Nieuwerkerke, très lié à la cousine du souverain. Ce « surintendant des Beaux-Arts », qui régna et fit main basse sur tout le secteur des Beaux-Arts, avait en effet refusé les trois-quarts des prétendants au salon officiel. Le « Salon des refusés » présenta d’ailleurs surtout des œuvres indigentes... Ce fut la première et dernière édition.

Le musée spectacle

Spectaculaire est devenu le maître-mot des expositions du Musée d’Orsay depuis la nomination de son directeur Guy Cogeval sous la présidence Sarkozy : les nus de Degas en 2012, les nus masculins en 2013, Sade en 2014 et la prostitution à l’époque victorienne en 2015. A la limite de la presse à sensations. Après son départ du Musée, Serge Lemoine, prédécesseur de Guy Cogeval, avait, critiqué la montée dans la direction des musées nationaux de la rentabilité financière au détriment de la formation et de l’éducation.

Cette exposition « Spectaculaire » se veut le clou du 30e anniversaire du Musée qui pour l’occasion se penche sur le Second Empire des spectacles et de la fête, et sur les différentes scènes où s’est inventée notre modernité. C’est oublier que cette modernité s’est faite essentiellement contre le Second Empire. Une ère de capitalisme financier, de boursicotage débridé et d’autoritarisme social régnant à grands coups de censure et d’auto-censure. Presse, théâtre et littérature en firent littéralement les frais.

Ce « spectaculaire » était dénoncé en son temps par Maurice Joly, qui, en 1864, pointant ceux qui gouvernaient par le spectacle d’une activité incessante, d’une sorte de fièvre ; qu’ils attirent constamment leurs yeux par des nouveautés, par des surprises, par des coups de théâtre (Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu). Les organisateurs de « Spectaculaire Second Empire » n’en vantent pas moins leur portrait de cette époque brossé dans un parcours thématique, où se côtoient peintures, sculptures, photographies, dessins d’architecture, objets d’art, et bijoux, une période foisonnante, brillante et riche en contradictions.

Riche pour qui ? En 1864 également, Henri Tolain écrivait : tous les Français sont égaux devant la loi ; mais nous, qui n’avons pas d’autre propriété que nos bras, nous qui subissons les conditions du capital, nous qui vivons sous des lois exceptionnelles, il nous est bien difficile de croire à cette affirmation. C’était sept ans avant la Commune de Paris.

« Spectaculaire Second Empire, 1852-1870 », jusqu’au 15 janvier 2017, au Musée d’Orsay, 62 rue de Lille, 75007 Paris. Tarifs de 9 à 12 euros. Gratuit pour les moins de 18 ans et le premier dimanche de chaque mois.

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante