Brexit – De nombreuses inquiétudes pour les droits des travailleurs alors que le divorce se précise

Europe par Secteur International Europe

Le laborieux déclenchement de l’article 50 du TFUE

Lettre électronique
n°39
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Le feuilleton du Brexit se pour­suit alors que le gouverne­ment britannique a annoncé le déclenchement de l’article 50 du TFUE (Traité de Fonctionne­ment de l’Union européenne) pour la sortie du Royaume-Uni de l’UE pour le 29 mars 2017 – fixant ainsi la date effective de sortie au 29 mars 2019.

Malgré de nombreux obstacles, Theresa May – Premier ministre du Royaume-Uni – aura réussi son pari de le déclencher d’ici la fin du mois de Mars mais pourrait bien perdre beaucoup dans la manœuvre.

Après le revers infligé par la Su­prême Court britannique le 24 janvier 2017 (voir lettre électronique n°38), octroyant le pouvoir de déclencher l’article 50 du TFUE au Parlement britannique et non au gouverne­ment – Theresa May sera finalement parvenue à ses fin en obtenant l’aval des parlementaires britanniques de son « Projet de loi de l’Union européenne (notification de retrait) » lui redonnant le pouvoir de déclencher l’article 50.

Le vote du Parlement aurait pu être l’occasion de porter un débat de fond pour l’avenir du Royaume uni. Mais seuls les Lords ont saisi cette oppor­tunité en proposant des amendements in fine rejetés par la House of Commons, véritable détenteur du pouvoir en cas de désaccord au sein du Parlement.

Ainsi, la Chambre des Lords souhaitait assurer la protection des droits des travailleurs européens sur le territoire britannique et réserver la validité du projet d’accord final négocié entre le gouvernement britannique et l’Union européenne au vote du Parlement, pourtant promis par Theresa May mais balayé par la House of Commons.

Pour Force Ouvrière, la logique politicienne l’a emporté pour garantir au chef du gouvernement britannique un semblant de crédibilité au détriment des droits des travailleurs britanniques et européens résidant au Royaume-Uni.

Le Royaume-Uni au bord de l’implosion

Mais la stratégie de Theresa May se confronte au dé­litement progressif du Royaume-Uni aujourd’hui tiraillé par l’Écosse et l’Irlande du Nord qui aspirent à d’autres rattache­ments. Le gouvernement écossais de Nicola Sturgeon s’oppose au Hard Brexit de Theresa May et a accéléré le projet du second référendum pour l’indépendance de l’Écosse – étape nécessaire pour rester au sein de l’Union européenne – en le soumettant au vote du Parlement écossais – d’abord re­porté suite à l’attaque à Londres le 22 mars, le vote en faveur de l’indé­pendance a finalement été remporté le 28 mars 2017. Malgré l’opposition catégorique de Theresa May pour la tenue d’un second référendum avant le Brexit, le gouvernement écossais souhaite qu’il se tienne à l’automne 2018 ou au printemps 2019.

L’indépendance dans l’indé­pendance ? Les Îles Shetland, archi­pel au nord de l’Écosse, souhaitent obtenir plus d’indépendance vis-à-vis de l’Écosse et du Royaume-Uni en sui­vant la voie des Îles Féroé, c’est-à-dire obtenir le statut de territoire britan­nique d’Outre-Mer. Bien que l’archi­pel ait voté majoritairement contre la sortie du Royaume-Uni de l’UE, il avait aussi voté massivement pour que l’Écosse reste au sein du Royaume-Uni lors du premier référendum sur l’indépendance. Néanmoins, l’Écosse ne se séparera pas facilement de ces îles, qui lui garantissent un contrôle important des fonds marins, enjeu économique stratégique si elle obtenait son indépendance.

En Irlande du Nord, les élections du 2 mars 2017 n’ont pas permis de composer un gouvernement. Le Democratic Union Party (DUP) est toujours le premier parti en Irlande du Nord mais a perdu de nombreux sièges au profit de Sinn Fein, le parti pro-réunification aujourd’hui dirigé par Michelle O’Neill, aujourd’hui à un siège pour la première place. En ab­sence d’accord entre ces deux grands partis, de nouvelles élections devront être tenues qui pourraient voir de nouveau une progression des partisans d’un nouveau référendum pour la réunification de l’Irlande et sonnant le glas du Royaume-Uni.

De nombreuses inquiétudes émer­gent quant à l’avenir de l’Irlande du Nord, tandis que le gouvernement britannique lui a refusé tout statut spécial dans l’accord de sortie, notam­ment à cause du risque de remise en cause de l’accord de Belfast qui scella la paix entre les indépendantistes et le Royaume-Uni et avec la remise en place d’une frontière entre la Répu­blique d’Irlande et l’Irlande du Nord – le gouvernement irlandais est déjà en train d’évaluer la position de nouveaux check-points qui étaient jadis l’affronte­ment constant entre l’IRA et les forces armées britanniques, jusqu’en 1998.

Pour Force Ouvrière, le délitement progressif du Royaume-Uni et l’intérêt croissant pour un rattachement à l’Union Européenne sont des signes d’aspiration de certains citoyens britanniques au modèle so­cial européen tandis que la stratégie menée par Theresa May soulève de nombreuses inquiétudes pour les droits des travailleurs – notamment en raison de son attachement aux accords de libre-échange et son refus de d’inscrire l’acquis social communautaire dans le marbre – mais il faut rappeler que les travailleurs britanniques ne sauraient être une monnaie d’échange et de son refus d’inscrire l’acquis social communautaire dans le marbre – mais il faut rappeler que les travail­leurs britanniques ne sont pas une simple monnaie d’échanges dont on dispose.

La polémique autour de la facture élevée du divorce entre le Royaume-Uni et l’UE

L’avenir des négociations de­meure toujours incertain tan­dis que Donald Tusk, le pré­sident du Conseil européen, et Jean-Claude Juncker, président de la Commission Européenne, ont annon­cé la tenue d’un sommet européen le 29 avril 2017 pour établir la stratégie de négociation de l’Union européenne face au Royaume-Uni pour le Brexit.

Parmi les nombreux points au cœur des négociations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, la question du coût du retrait des britanniques – esti­mé à près de 60 milliards d’euros – di­vise. Alors qu’une commission au sein de la House of Lords a estimé que le Royaume-Uni pourrait ne pas s’acquit­ter de cette facture seulement en l’ab­sence d’accord, Theresa May fait face à la colère provenant de son propre camp conservateur qui la presse de quitter la table des négociations si le Royaume-Uni devait effectivement payer une telle addition.

Une première ébauche de la stra­tégie de l’Union européenne dans les futures négociations a été révélée le 21 mars 2017 par le quotidien néer­landais De Volkskrant :

 l’accès au Marché Unique de l’Union européenne sera conditionné au respect par le Royaume-Uni des 4 libertés fondamentales de l’UE – y compris la liberté de circulation des personnes ;

 un accord prévoyant la préserva­tion des droits des citoyens européens au Royaume-Uni et des britanniques au sein de l’Union européenne ;

 le Royaume-Uni devra perdre quelques avantages commerciaux comme prix de leur départ ;

 les discussions pour un futur ac­cord commercial entre l’Union Euro­péenne et le Royaume-Uni ne com­menceront qu’après avoir trouvé un accord sur la sortie du Royaume-Uni.

Le rapport explique pourquoi la facture du divorce est si élevée – ce serait de la faute de l’ancien Premier ministre David Cameron qui aurait promis à l’Union européenne
de fortes contributions au budget européen dans le futur en échange de la réduction des contributions au budget pour la période 2014-2020.

L’Union européenne exigerait alors du Royaume-Uni de s’acquitter de ses engagements malgré sa volonté de conclure le Brexit d’ici mars 2019.

Pour Force Ouvrière, un futur accord doit prévoir notamment que le Royaume-Uni transpose dans sa législation l’ensemble de l’acquis social communautaire pour protéger les droits des travailleurs et éviter un nivellement vers le bas, ouvrant la voie au dumping social dans les futures relations UE/Royaume-Uni. Sur la question budgétaire, le Royaume-Uni doit respecter ses propres engagements malgré sa volonté claire de quitter l’Union européenne bien que l’essentiel de l’effort ne doit pas peser sur les travailleurs britanniques, déjà au bord de l’asphyxie en raison de la précarité et des effets des coupes budgétaires dans les services de santé, dans l’enseignement ou encore dans l’emploi et les aides sociales.

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