Budget 2018 : le projet de loi fera la joie des très riches

Economie par Valérie Forgeront

Alors que gronde la colère non dissimulée des retraités et des fonctionnaires lesquels prendront en pleine figure le 1er janvier prochain la hausse du taux de la CSG ce qui induira pour tous une perte de pouvoir d’achat, le gouvernement présentait ce 27 septembre son projet de loi de finances pour 2018. Il prétend par les mesures proposées vouloir redonner du pouvoir d’achat aux ménages et propose une baisse de la fiscalité à hauteur de dix milliards d’euros d’ici le 31 décembre 2018. Cela profitera surtout aux ménages aisés censés injecter leur fortune dans l’économie. Par ailleurs et une fois de plus, les entreprises profiteront elles aussi de mesures avantageuses. Parallèlement, le texte du projet annonce un plan de réduction des dépenses publiques à hauteur de quinze milliards l’an prochain. Sept milliards de ces économies seront supportées par l’État.

Le ministre de l’Économie, M. Bruno Le Maire, le secrétaire d’État. M. Benjamin Griveaux ainsi que M. Gérald Darmanin le ministre de l’Action et des Comptes publics présentaient ce 27 septembre le projet de loi de finances pour 2018.

Ce projet que le Haut conseil des finances publiques qualifie de raisonnable au plan de ses prévisions macroéconomiques parie pour l’an prochain sur une croissance à 1,7% et un déficit public (État, collectivités territoriales, sécurité sociales) ramené à 2,6% du PIB (produit intérieur brut).

Le projet a fait le choix de la sincérité a tenu à souligner dès le début de son intervention le ministre de l’Économie. Il faisait référence, en forme de coup de griffe, au débat qui a eu lieu en début d’été sur la sincérité du budget 2017.

Pour M. Le Maire il s’agit par ce projet de viser à accélérer la transformation économique de la France. Il ne faut pas tomber dans l’erreur d’un report de réformes parce que les choses vont mieux. Le projet budgétaire se veut donc offensif entend offrir une large place à l’innovation technologique portée par les entreprises. Cela passera notamment par le choix d’un nouvel axe fiscal.

Le Noël des capitaux

Pour investir [dans l’économie, NDLR] encore faut-il que le capital ne soit pas trop taxé pour que le risque et l’audace soient récompensés explique le ministre de l’Économie précisant encore qu’ il faut d’abord produire des richesses avant de les distribuer. Pour mieux permettre aux entreprises de les produire, le gouvernement a choisi de procéder à un allègement de la fiscalité sur le capital en pariant –pari on ne peut plus risqué– que cela dopera l’investissement de capitaux dans les entreprises.

Le projet de loi prévoit ainsi en 2018 la suppression de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) et sa transformation en impôt ne taxant que le patrimoine immobilier (IFI avec 30% d’abattement sur la résidence principale) et non plus aussi les valeurs mobilières. Le gouvernement a gardé le même seuil d’assujettissement (1,3 million d’euros). Le manque à gagner de cette mesure pour l’État est estimé à 3,2 milliards par le projet de loi.

Un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% sera appliqué par ailleurs en 2018 aux revenus de l’épargne. Le projet évalue le coût de cette mesure à 1,3 milliard d’euros en 2018 (et 1,9 milliard en 2019). Pour certains économistes, l’impact budgétaire de cette mesure est sous-évalué. L’OFCE chiffre par exemple le manque à gagner à quatre milliards d’euros…

Selon le gouvernement, la mesure contribuera aussi à la réorientation de l’épargne vers le financement des entreprises. Ces deux mesures à destination des ménages les plus aisés induiront donc un manque à gagner pour l’État de 4,5 milliards.

Toujours plus de cadeaux pour les entreprises

Pour les entreprises le gouvernement confirme pour 2018 une diminution du taux de l’impôt sur les sociétés (IS/assis sur les bénéfices). Il sera ramené à 28% en 2018 (le taux réduit de 15% est maintenu, sous conditions, pour les PME). D’ici 2022 le taux de l’IS sera ramené à 25%. Cela diminuera la charge fiscale pesant sur les entreprises à hauteur de 11 milliards indique le gouvernement. En 2018, les recettes de l’impôt sur les sociétés devraient se situer à 25,3 milliards d’euros contre 28,4 milliards en 2017…

La suppression de la contribution de 3% sur les revenus distribués (dividendes) est aussi confirmée. Par cette mesure, la « charge fiscale » des entreprises diminuera de deux milliards en 2018.

Le gouvernement qui confirme la transformation en 2019 du CICE (23 milliards de manque à gagner en 2017 pour l’État) en allègement de cotisations patronales estime que les entreprises imposées jusque-là au régime normal de l’IS profiteront en 2022 d’une baisse de 8,2 milliards de leur fiscalité par les réformes du CICE, de IS ainsi que par la suppression de la taxe de 3% sur les dividendes.

Pour le ministre de l’Économie M. Le Maire les impôts baissent en 2018 et ils baissent pour tous. Reste à le prouver.

Des cadeaux fiscaux aux ménages les plus riches

En année pleine soit du 31 décembre 2017 au 31 décembre 2018, les impôts baisseront de dix milliards indique le ministre. La baisse des prélèvements sera à hauteur de six milliards pour les ménages et de quatre milliards pour les entreprises. Mais explique M. Le Maire, si l’on tient compte du fait que les allègements de cotisations (soit la suppression des cotisations sociales pour la maladie et le chômage en guise de réponse à la hausse de 1,7 point du taux de la CSG au 1er janvier prochain) se feront en deux temps –en janvier puis en octobre– selon ce scénario la baisse des prélèvements atteint alors sept milliards d’euros. Quoi qu’il en soit, cela comprend toujours la baisse d’impôts à hauteur de 4,5 milliards concernant –-via les mesures sur l’ISF et de PFU– les ménages aisés.

Le gouvernement déclare par ailleurs qu’il assume le choix de la hausse de la fiscalité sur le diesel laquelle, avec une hausse de 10% sur la taxe carbone et taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) risque de peser sur le pouvoir d’achat des plus modestes contraints à utiliser leur voiture et ce mode d’énergie pour se déplacer. Pour aller travailler notamment. Selon le projet du PLF 2018, les recettes de la TICPE devraient s’élever en 2018 à 13,3 milliards d’euros contre 10,4 milliards selon la loi de finances révisée de 2017.

Le gouvernement qui confirme la réforme en trois étapes de la taxe d’habitation pour les ménages (la réforme induira un manque à gagner de trois milliards en termes de recettes fiscales pour les collectivités locales dès 2018) assure que la baisse des impôts est plus importante pour les ménages que pour les entreprises. Si l’on cumule les différents cadeaux accordés aux entreprises, cela reste à prouver. Par ailleurs 75% des six milliards de baisse d’impôts annoncées concernant les ménages concernant les plus aisés.

Content de présenter un budget en baisse

Le gouvernement qui programme parallèlement aux mesures fiscales un plan d’économies de quinze milliards pour 2018 dont un effort de sept milliards pour l’État dit assumer le fait que la baisse des impôts dont l’impact est concentré sur le budget de l’État entraîne un creusement du déficit de ce budget. Le déficit du budget de l’État s’élèverait ainsi en 2018 à 84,3 milliards contre 81,7 milliards selon la loi de finances révisée de 2017.

Si le projet prévoit un renforcement des crédits pour les missions notamment de l’armée et de la Justice, pour d’autres tels le Travail et l’Emploi ou encore l’Économie les crédits sont à la baisse. Du côté de l’évolution des emplois publics prévue par ce projet de loi de finances, on note la suppression nette de 1 600 emplois (équivalent temps plein) à l’État et chez ses opérateurs.

Le ministère de l’Action et des Comptes publics perdrait ainsi 1 450 emplois, l’Économie près de 200, la Transition écologique et solidaire perdrait 828 emplois, le ministère du Travail perdrait lui 239 emplois… Pour M. Gérald Darmanin qui se dit content de présenter un budget en baisse pour son ministère mais regrette que la hausse des dépenses dans les administrations publiques affiche une progression de 0,5% en 2017, il faudra d’abord définir les missions publiques avant d’agir à l’avenir sur l’emploi public. Sous-entendu avant de supprimer plus massivement des postes ?

CSG : les fonctionnaires perdraient du pouvoir d’achat

Alors que les ministres des secteurs économique et financier annonçaient ce 27 septembre le coût (trois milliards d’euros) de la compensation de la hausse de la CSG pour l’ensemble des agents des trois versants de la fonction publique, les fonctionnaires FO contestaient la décision du gouvernement dévoilée la veille. La compensation serait individualisée et se résumerait à une indemnité incluant tous les éléments de rémunération soumis à CSG.

L’indemnité ne serait pas réévaluée dans le temps. Plus l’agent progressera dans sa carrière, plus le montant du pour la CSG augmentera, par conséquent le mécanisme aura pour effet à terme de baisser le pouvoir d’achat des fonctionnaires s’indigne l’Union inter-fédérale des agents de la fonction publique FO (UIAFP-FO).

Pour les fonctionnaires qui rappellent au chef de l’État sa promesse d’une augmentation du pouvoir d’achat des agents dans le cadre de la hausse de la CSG, la solution annoncée est inacceptable et elle a pour seul objectif de maîtriser l’impact sur les finances publiques.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

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