Taxe sur les dividendes : addition salée pour l’Etat

Fiscalité des entreprises par Valérie Forgeront

Huit milliards d’euros ? Neuf milliards ? Dix milliards ? Quelle que soit la réponse, l’addition sera salée pour l’État. Après avoir été retoquée par l’Europe au printemps dernier, la taxe de 3% sur les dividendes versés par les entreprises, instaurée en 2012, a été invalidée le 6 octobre par le Conseil constitutionnel. Cela oblige l’État à rembourser les entreprises déjà choyées par les nouvelles mesures fiscales annoncées pour 2018...

Créée en 2012 pour remplacer une autre taxe invalidée à l’époque par la justice européenne (taxe sur les OPCVM étrangers/organisme de placement collectif en valeurs mobilières, soit les portefeuilles de placement), la taxe de 3% sur les dividendes versés par les entreprises a elle aussi vécue.

Au mois de mai dernier, la Cour de justice de l’Union européenne (sur recours de l’Association française des entreprises privées/Afep) avait en partie invalidée la taxe jugeant que celle-ci n’était pas conforme à une directive européenne dont l’un des articles stipule qu’il ne peut y avoir de double imposition dans le cas de versement de dividendes par une filiale à sa maison-mère résidant dans un autre État européen.

Plus globalement, la taxe de 3% sur les dividendes fait l’objet depuis quasiment sa création de nombreux contentieux. En septembre 2016, le Conseil constitutionnel avait jugé que le fait d’exonérer de cette taxe les groupes fiscalement intégrés (sociétés dont les résultats sont soumis à l’impôt sur les sociétés française) introduisait une rupture d’égalité devant l’impôt.

Deux milliards d’euros par an

Ce 6 octobre le Conseil constitutionnel (saisi en juillet par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité/QPC), a invalidé la taxe de 3%. Dans leur argumentaire de décision, les sages indiquent ainsi qu’en instituant la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés au titre des montants distribués, le législateur a entendu compenser la perte de recettes pérenne provoquée par la suppression de la retenue à la source sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières/OPCVM. Il a ainsi poursuivi un objectif de rendement. Un tel objectif ne constitue pas, en lui-même, une raison d’intérêt général de nature à justifier la différence de traitement instituée entre les sociétés mères qui redistribuent des dividendes provenant d’une filiale établie dans État membre de l’Union et celles qui redistribuent des dividendes provenant d’une filiale établie en France ou dans un État tiers à l’Union européenne. Il en résulte une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques. Pan sur le bec comme dirait un célèbre hebdomadaire…

En termes de recettes fiscales, la taxe de 3% sur les dividendes avait apporté 1,94 milliard d’euros en 2013, 1,93 milliard en 2014 puis 2,15 milliards en 2015 et 2,04 milliards en 2016. Plus de la moitié du montant de ces recettes annuelles est apporté par les grandes entreprises du CAC 40.

L’ardoise grossit

Face à l’invalidation prévisible de la taxe par le Conseil constitutionnel, le gouvernement n’a pas inscrit la taxe de 3% au projet de loi de finances pour l’année 2018. Il a prévu par ailleurs un provisionnement de 5,7 milliards d’euros sur cinq ans (dont 300 millions pour 2018) pour rembourser les entreprises. Cela ne suffira pas. Au total, le remboursement des entreprises mobiliserait plutôt entre huit et dix milliards d’euros.

Au-delà de la passe d’armes sur ce sujet entre la majorité actuelle et la précédente, reste à rembourser les entreprises qui elles se frottent les mains. Néanmoins, elles ne semblent pas montrer –via des déclarations du Medef par exemple– une impatience menaçante pour percevoir ces remboursements. Et pour cause.

Les cadeaux qui aideront à patienter…

Après avoir bénéficié pour plus de 100 milliards de cadeaux en termes de crédits d’impôts et d’allègements de cotisations en cinq ans à travers notamment le CICE et le pacte de responsabilité, elles bénéficieront à partir de 2018 de nouvelles largesses concédées par l’État, lequel prévoit parallèlement un plan d’économies de plus de 15 milliards d’euros.

Selon le projet de loi de finances pour 2018 actuellement examiné par le Parlement, les prélèvements obligatoires des entreprises reculeront donc de 5,9 milliards d’euros en 2018. La politique de baisse du taux de l’impôt sur les sociétés va se poursuivre. Le crédit d’impôt CICE (dont le manque à gagner pour l’État est estimé à 21 milliards sur 2018) est maintenu à un taux ramené à 6%. Par ailleurs un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% sera appliqué aux revenus de l’épargne (qui sortiront ainsi du système de l’impôt sur le revenu). Quant à l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune), il sera supprimé, transformé en un impôt ne taxant que le patrimoine immobilier.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante