Travail dominical : une fois le principe accepté, on baisse les salaires

Salaires par Nadia Djabali

Finies les rémunérations payées triples pour les salariés travaillant le dimanche chez Bricorama. La direction de l’enseigne a annoncé qu’elle baisserait la majoration appliquée aux rémunérations dominicales.

Une décision qui n’étonne guère Denis Da Cruz, représentant syndical chez Bricorama. «  En 2011, la direction de Bricorama France a proposé aux salariés des rémunérations triples assorties d’un jour de congé pour venir travailler le dimanche, se souvient le représentant syndical. Nous, on a tout de suite compris qu’elle cherchait à avoir les salariés de son côté. »

Une opinion publique à séduire

Ce triplement de salaire a également servi d’argumentaire pour soutenir l’ouverture dominicale auprès de l’opinion publique. Car, le travail du dimanche fait partie de ces sujets pour lesquels les individus entrent en conflit avec eux-mêmes selon qu’ils se considèrent consommateurs ou travailleurs. Les sondages à l’époque avaient montré que si les Français étaient plutôt favorables à la possibilité de faire leurs courses le dimanche, ils étaient toutefois peu enclins à sacrifier leur vie familiale en venant travailler ce jour-là.

Lobbying et ouvertures illégales

On se souvient du mouvement autour du travail dominical qui avait agité les magasins de bricolage en 2014-2015. Des opérations spectaculaires, de lobbying, de contestation, d’infraction au repos dominical et de procès, orchestrées par les principales enseignes (Leroy-Merlin et Castorama d’une part et Bricorama d’autre part) avaient abouti à la loi Macron. La loi d’août 2015 a élargi les dérogations et fait passer le nombre d’ouverture autorisées par les maires de cinq dimanches par an à douze.

Déjà à l’époque, Force Ouvrière refusait de déroger au principe du repos dominical. Pour la fédération de commerce de FO, le recours au travail du dimanche doit rester exceptionnel et ne concerner que les secteurs où cela est réellement nécessaire.

« Maintenant que le travail du dimanche a été banalisé, prévient Christophe Le Comte, secrétaire fédéral de FO Commerce, les employeurs vont rogner les compensations. Les salariés ne percevront plus que 10 à 20 % de salaire en plus comme c’est le cas dans la sécurité et la propreté, voire plus rien du tout en plus comme dans le milieu hospitalier. »

Les nouveaux embauchés moins payés

Côté Bricorama, comme le triplement de salaire était lié à une décision unilatérale de l’employeur, difficile pour les salariés contester cette volonté d’appliquer l’accord de branche qui prévoit un salaire moindre (salaire double au lieu de triple).

La direction de Bricorama a annoncé qu’elle maintiendrait pendant un an le niveau de salaire actuel en compensant avec une prime. Mais à compter du 1er mai les nouveaux embauchés ne bénéficieront pas de ce dispositif.

La direction a justifié la baisse de la compensation par le climat concurrentiel qui règne dans le secteur, notamment avec Leroy Merlin et Castorama. Mais ces enseignes appliquent des compensations salariales de 150 %. En descendant à 100 %, Bricorama se place en deçà des salaires proposés par ses concurrents. Un effet boule de neige pourrait donc bien se produire.

La décision du magasin de bricolage concerne les trente magasins d’Ile-de-France et certains situés en province. Entre 800 et 1000 personnes verront leur rémunération dominicale diminuée d’un tiers. « En 2011, on n’avait pas arrêté de dire aux salariés que le travail dominical allait être banalisé, tempête Denis Da Cruz. Aujourd’hui, on y est. »

Nadia Djabali Journaliste à L’inFO militante

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